Dans un ouvrage superbement écrit, Ambroise Paré, la main savante (Gallimard, 2007), Jean-Michel Delacomptée nous fait (re-)découvrir ce médecin et chirurgien, né à proximité de Laval. C’est à Laval, précisément, que l’homme exerça, en premier lieu la profession de barbier. Et comme tout barbier, Ambroise Paré pouvait accomplir aussi de menus actes médicaux et chirurgicaux.
Monté à Paris en 1530, Ambroise Paré se formera au vrai métier médical à l’Hôtel-Dieu. Il y acquerra le parfait maniement des ventouses, se familiarisera avec toutes sortes de remèdes, « répercussifs, purgatifs, maturatifs, dessicatifs, escharotiques ». L’Hôtel-Dieu, « où l’on mourait beaucoup et l’on y disséquait souvent », nous dit Jean-Michel Delacomptée, fera aussi d’Ambroise une sorte de médecin légiste avant l’heure, et ce geste exploratoire le conduira logiquement sur la voie de la chirurgie.
Ce sont les guerres et les blessures qu’il devra soigner, provoquées par de nouvelles armes (« l’artillerie diabolique, invention détestable » [Ambroise Paré] qui l’amèneront à trouver de nouveaux modes de guérison que ne cesseront de condamner les sommités médicales de l’époque, beaucoup plus enclines à soigner confortablement en ville que sur les champs de bataille.
Ambroise Paré se moquait du savoir académique, celui des « perroquets titrés qui caquettent en chaire, leur opposant le savoir pratique acquis sur le tas au gré de l’observation de la guerre et du hasard » [J.-M. Delacomptée]. Il préconisa ainsi la ligature des artères après amputation, méthode en opposition avec la traditionnelle cicatrisation des plaies par l’huile bouillante qui condamnait souvent à mort le malheureux patient. Parmi les autres remèdes couramment utilisés et rejetés par Ambroise Paré, il en est un autre : l’ingestion du jus de momie, ou de cadavre décomposé, en bonne place lui aussi dans le magasin des horreurs prétendument thérapeutiques !
Ambroise Paré était un homme toujours proche de son malade, et son souci du bien-être des patients a vite fait de lui un chirurgien recherché par beaucoup, en premier lieu par les souverains et les nobles. « L’humanité toujours, soulager, atténuer ce qui brûle, ce qui ronge et corrompt » [Jean-Michel Delacomptée].
Les blessures qu’Ambroise Paré soigna sur le terrain des guerres l’amenèrent aussi à créer des prothèses utilisées jusqu’à la veille du XXe siècle, merveilles d’inventions mécaniques, décrites par le menu, en français donc en langage clair pour tous. Car Ambroise Paré « avait le talent de la communication, il se servit de son ignorance en latin pour diffuser son savoir, exaspérant les Diafoirus mais lu par les barbiers et apothicaires » [Jean-Michel Delacomptée].
L’édition posthume de ses textes, en 1598, réunissait 29 volumes, et rassemblait la quasi-totalité du savoir médical à l’époque d’Henri III. Cet homme, ami de Ronsard, émaillait aussi ses textes savants de fragments poétiques, car il avait également un véritable amour des Lettres qui, joint à l’amour du genre humain, à une foi profonde dans la vie -et en Dieu-, faisait de lui une magnifique figure de l’Humanisme de la Renaissance. Ambroise Paré ? « La science, la poésie : la nature et la grâce. L’homme tout entier », écrit Jean-Michel Delacomptée pour conclure cette très belle et vivante biographie.
Ambroise Paré la main savante, Jean-Michel Delacomptée, Éditeur
Gallimard. Date de publication. 18/10/2007. Collection L’un et l’autre. 280 pages. 22 €.
C’était tout cela, Ambroise Paré, la main qui tranche et la main qui panse. La main qui soustrait et la main qui ajoute. La main qui fabrique, la main qui écrit. La main du vif-argent, de la ligature, de l’huile, et celle de l’encre dispensée par la plume. L’intelligence, la bonté tout entières dans la main.
Les illustrations sont issues de la Bibliothèque Gallica en ligne ici.