En décembre, Unidivers vous conseillait le premier roman d’Olivier Bourdeaut En attendant Bojangles (voir notre article sur la rentrée littéraire hiver 2016). Vous allez enfin savoir pourquoi… Grand Prix RTL lire 2016.
Au moment de livrer cette chronique d’un livre dont nous signalions il y a peu le charme et l’intérêt, nous apprenons (et nous réjouissons) que En attendant Bojangles le premier roman d’Olivier Bourdeaut faisait partie de la sélection finale du prix RTL Lire…
Georges est un idéaliste un peu mythomane. Lors d’un dîner, il rencontre une jeune femme, une « Don Quichotte en jupe et en bottes » prête à croire à toutes ses histoires parce qu’elle-même « tutoyait les étoiles ». C’est l’amour fou jusqu’à ne plus se séparer et se suivre n’importe où. Madame (impossible de la nommer, car Georges n’appelle jamais sa femme deux jours de suite par le même prénom) ne veut même plus que Georges aille travailler. Alors, il devient écrivain de livres bien écrits, drôles, mais qui n’ont ni queue ni tête. Chaque jour, c’est la fête. Gin Tonic sur fond de jazz, une maison pleine d’amis dont l’Ordure, le fameux sénateur bon vivant aux oreilles de crevettes, jeu de dames sur le carrelage blanc et noir, danse sur l’éternel vinyle de Nina Simone, Mister Bojangles, toujours et partout accompagné de Mademoiselle Superfétatoire, un oiseau demoiselle de Numidie.
Quel rêve pour leur petit garçon d’apprendre la vie où l’on ment à l’envers, on se moque de tout même du courrier jamais ouvert qui s’empile au milieu de la maison, où l’on peut manquer l’école pour partir dans un château en Espagne. « Quand la vérité est banale et triste, inventez-moi une histoire, vous mentez si bien, ce serait dommage de s’en priver », dit la mère à son jeune fils. Inutile dès lors de continuer l’école :
Mon fils est un érudit oiseau de nuit qui a déjà lu trois fois le dictionnaire, et vous voulez le transformer en mouette couverte de cambouis se débattant dans une marée noire d’ennuis !
Cette maison où la vie est une fiesta permanente, où l’extravagance est le quotidien, n’est pas sans rappeler le roman de Boris Vian, L’écume des jours.
Je voyais bien qu’elle n’avait pas toute sa tête, que ses yeux verts délirants cachaient des failles secrètes, que ses joues enfantines, légèrement rebondies, dissimulaient un passé d’adolescente meurtrie, que cette belle jeune femme, apparemment drôle et épanouie, devait avoir eu sa vie bousculée et tabassée.
Alors la vie réelle par le biais d’un inspecteur des impôts amorce la métamorphose de la mère et oblige à déménager. Le père, avec son amour fou, et le fils, embarqué dans la fantaisie nécessaire de sa mère, ne peuvent se résoudre à éteindre les lumières de ses yeux sous le joug d’un cocktail de médicaments, entourée de fous certes sympathiques, mais limités. Alors, ils iront jusqu’au bout pour profiter de la fantaisie et de la liberté de celle qui adore plus que tout danser au bras de son mari.
Ils volaient mes parents, ils volaient l’un autour de l’autre, ils volaient les pieds sur terre et la tête en l’air, ils volaient vraiment, ils atterrissaient tout doucement puis redécollaient comme des tourbillons impatients et recommençaient à voler avec passion dans une folie de mouvements incandescents. Jamais je ne les avais vus danser comme ça, ça ressemblait à une première danse, à une dernière aussi. C’était une prière de mouvements, c’était le début et la fin en même temps. Ils dansaient à en perdre le souffle, tandis que moi je retenais le mien pour ne rien rater, ne rien oublier et me souvenir de tous ces gestes fous. Ils avaient mis toute leur vie dans cette danse-là, et ça, la foule l’avait très bien compris, alors les gens applaudissaient comme jamais, parce que pour des étrangers, ils dansaient aussi bien qu’eux. C’est sous un tonnerre d’applaudissements qu’ils saluèrent la foule, les applaudissements résonnaient dans toute la vallée rien que pour mes parents, et moi j’avais recommencé à respirer, j’étais heureux pour eux, et épuisé comme eux.
C’est en alternant le récit au langage naïf et enfantin du petit garçon et celui plus passionné, poétique et émouvant du père qu’Olivier Bourdeaut nous entraîne dans cette histoire d’amour où la folie douce guide les pas sur un rythme triste et gai à la fois, le rythme de Mr Bojangles.
Olivier Bourdeaut En attendant Bojangles Editions Finitude, 160 p., 15,50 €. Grand Prix RTL lire 2016.
Olivier Bourdeaut est né au bord de l’Océan atlantique en 1980. Mauvais élève, petits boulots, mais une passion pour la lecture (en l’absence de télévision) qui le conduit finalement vers l’écriture. En attendant Bojangles est son premier roman.