Partout en France, les femmes ont gagné le droit de voter le vendredi 21 avril 1944 après un long combat. Il y a 80 ans ! Elles seront douze millions, un an plus tard le dimanche 29 avril 1945, âgées de 21 ans et plus, à franchir les isoloirs pour participer au premier tour des élections municipales (l’âge de la majorité étant de 21 ans jusqu’en 1974). Afin d’honorer l’anniversaire des 80 ans du droit de vote obtenu pour les femmes françaises, Unidivers vous présente un rappel historique et vous conseille de visionner le film documentaire réalisé par Stéphanie Thomas et Jean-Frédéric Thibault intitulé Citoyennes.
Alors que la fin de la Seconde Guerre mondiale approche avec le débarquement des alliés, et après plus d’un siècle de revendication suffragiste, une ordonnance en date du vendredi 21 avril 1944 prise par le gouvernement provisoire du général Charles de Gaulle à Alger et faisant suite d’un amendement du délégué communiste Fernand Grenier, donne le droit de vote aux Françaises : Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. Déjà en juin 1942, le général de Gaulle déclarait que : une fois l’ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l’Assemblée nationale qui décidera souverainement des destinées du pays. Les électrices sont donc éligibles dans les mêmes conditions que les électeurs : le premier tour des élections municipales du dimanche 29 avril 1945 donne la première occasion de voter aux Françaises, suivi du second tour le dimanche 13 mai 1945.
Un long combat :
Pendant très longtemps, le droit de vote avait été refusé aux femmes en raison d’arguments misogynes : la femme devait être une bonne épouse, une bonne mère et devait bien tenir son foyer, son intérieur : ces devoirs n’étaient donc pas compatibles avec l’exercice du droit de vote ! Pourtant, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, publiée par la femme de lettres Marie Gouze, dite Olympe de Gouges (1748-1793), affirmait déjà en 1791 : la femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune. La pionnière du féminisme fut guillotinée à Paris le 3 novembre 1793.
Le suffrage féminin français est cependant bien tardif, quand on sait que la IIe République instaure le suffrage universel masculin : les hommes votent depuis 1848, soit un siècle plus tôt que les femmes : c’est à ce moment-là que commencent les premières revendications du droit de vote par les militantes féministes. Après la Ligue française pour le droit des femmes en 1882, l’Union française pour le suffrage des femmes est créée en 1909 par la sage-femme Jeanne Schmahl (1846- 1915), qui se bat pour les femmes, afin qu’elles obtiennent un revenu financier, le droit de témoigner et le droit de vote qui se limite aux élections municipales. Elle continue le combat et revendique avec le soutien de Cécile Kahn- Brunschvicg ( 1877-1946), une des premières femmes nommée dans un gouvernement français : elle est sous-secrétaire d’Etat à l’Education Nationale dans le gouvernement du Front Populaire de Léon Blum (1872-1950) en 1936. Léon Blum accueille pour leurs compétences professionnelles deux autres femmes militantes pour le droit des femmes : Irène Curie (1897-1956), la fille de Pierre et Marie Curie : infirmière, radiologue et docteur en science, elle obtient le poste de sous-secrétaire d’Etat à la Recherche scientifique et Suzanne Lacore (1875-1977), institutrice et militante socialiste : elle est nommée à la Santé publique.
Au cours des élections législatives de 1936, une autre féministe : la journaliste et femme de lettres Louise Weiss (1893-1983) qui fait carrière au sein de l’hebdomadaire L’Europe nouvelle et qui est présidente de l’association La Femme nouvelle, bouscule l’opinion public et organise plusieurs actions militantes dans la presse, notamment en direction des sénateurs. Elle devient leader des associations féministes françaises. Elle s’exprimera cependant : Trois hirondelles ne font pas le printemps !
Les Françaises sont aussi en retard par rapport aux femmes des autres pays qui ont obtenu pour certaines le droit de vote entre la fin du XIXe siècle et les années 1920, à l’image des Néo Zélandaises qui votent les premières en 1893, les Australiennes en 1901 et les Finlandaises depuis 1907. Pendant la Première Guerre mondiale, le droit de vote est accordé au Danemark et en URSS en 1915, au Canada en 1917. Après la Grande Guerre, de nombreux pays accordent l’obtention du droit de vote aux femmes : l’Autriche en 1918 ; la Grande-Bretagne aussi en 1918, avec cependant une restriction de l’âge : les femmes Britanniques votent à partir de l’âge de 30 ans (en 1928, elles voteront comme les hommes dès 21 ans) ; l’Allemagne en 1918, dès l’âge de 20 ans comme pour les hommes ; les Pays-Bas en 1919 ; les États- Unis en 1920, à l’exception de la Californie qui a accordé ce droit déjà en 1911 et trois autres Etats en 1912 : le Kansas, l’Oregon et l’Arizona ; le Brésil en 1930 ; le Portugal et l’Espagne en 1931 ; la Turquie en 1934…
L’injustice est dénoncée en France par les communistes et enfin réparée le 21 avril 1944. L’amendement communiste de Fernand Grenier est voté par 51 voix contre 16, sur 67 votants. Les françaises votent en 1945 à la 59 e place mondiale, comme les Japonaises.
D’autres pays affichent un retard encore plus long : les Italiennes en 1946 ; les Belges en 1948 ; la Grèce en 1952 ; Le Mexique en 1953 et la Suisse en 1971 !
80 ans plus tard, en 2024, certaines femmes n’ont pas encore accès à ce droit fondamental. Encore aujourd’hui, certains pays refusent d’accorder le droit de vote aux femmes : Le Vatican, ce micro État est régi par une monarchie absolue et seuls les cardinaux ont le droit de vote ; En Suisse, parmi les 26 cantons, Appenzell Rhodes est le dernier canton à refuser le droit de vote aux femmes, par décision du Tribunal fédéral ; l’Etat Indépendant des Samoa en Polynésie occidentale n’accorde que le droit de vote aux hommes ; Le Brunei en Arabie Saoudite est une monarchie absolue qui n’accorde pas le droit de vote, ni aux femmes, ni aux hommes.
En 2024, pour l’anniversaire des 80 ans du droit de vote des femmes, les auteurs et réalisateurs Stéphanie Thomas et Jean-Frédéric Thibault ont réalisé un film documentaire intitulé Citoyennes. Le film retrace l’histoire du combat mené depuis la Révolution française et donne la parole aux militantes et aux femmes politiques, à travers des portraits et des discours qui ont émaillé leurs conquêtes : d’Hubertine Auclair ou de Jeanne Deroin à Christiane Taubira, en passant par George Sand, Louise Weiss, Simone Veil, etc.
Pour toutes celles et ceux qui ont manqué la diffusion de Citoyennes le lundi 8 avril 2024 sur la chaîne infos LCI, retrouvez le film ci-dessous ;