Il y a 50 ans, la loi Veil pour l’avortement était promulguée le 17 janvier 1975

loi Veil

Baptisée loi Veil, du nom de Simone Veil, alors ministre de la santé (1974-1978), la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) a 50 ans ce vendredi 17 janvier 2025. Les députés et les sénateurs se sont réunis en congrès au château de Versailles lundi 4 mars 2024 afin de prononcer l’inscription dans la Constitution de la liberté des femmes de recourir à l’avortement, faisant de la France le premier pays à autoriser explicitement l’IVG dans sa Constitution.

Promulguée le vendredi 17 janvier 1975, la loi Veil, essentielle pour la liberté des femmes à disposer de leur corps, légalise l’avortement.   Mais avant qu’elle ne soit promulguée, l’avortement était considéré comme un crime jugé par une cour d’assises et puni d’une peine de réclusion ; il est redéfini le 21 mars 1921 comme étant un délit jugé par les tribunaux correctionnels. Cela n’empêche pas les avortements clandestins, pratiqués par des faiseuses d’ange qui connaissent les techniques d’avortement, qui consistent à aspirer le contenu de l’utérus de la femme enceinte à l’aide d’une canule et d’une seringue. Nombreuses femmes enceintes qui ne voulaient pas garder leur enfant, pour différentes raisons (déjà mère de nombreux enfants, pauvreté, etc.), avortaient dans la clandestinité, parfois entre mères de familles et de bouche à oreilles ! Souvent au péril de leur vie, ces femmes réalisaient ces avortements à l’aide de pratiques rudimentaires, non médicalisées, notamment avec des aiguilles à tricoter ou avec la pose de sondes dans le col de l’utérus accompagnée d’injections d’eau savonneuse et de massages. Il arrivait fréquemment que les patientes décèdent suite à une hémorragie ! Entre 1965 et 1972, on comptait une cinquantaine de décès par an dus aux avortements clandestins. La peintre rennaise Clotilde Vautier fut l’une d’entre elles en 1968 (voir notre article sur l’artiste peintre).

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Dans les années 1970, le Mouvement pour la libération de l’Avortement et de la contraception (MLAC) est composé d’une trentaine de jeunes militantes à Besançon dans le Doubs. Chaque semaine, dans une arrière-cour de la rue Mégevand, le MLAC accueille les femmes, les informe sur les possibilités d’avorter si elles le désirent. Ce sont ainsi 120 femmes qui ont pu avorter clandestinement mais dans de bonnes conditions avant que la loi Veil n’autorise de le faire légalement.

Une autre femme se bat pour cette même cause : le 11 octobre 1972, au procès de Bobigny en Seine-Saint-Denis, l’avocate Gisèle Halimi (1927-2020) défend le droit à l’avortement. Elle est signataire du manifeste des 343, qui tient son nom du nombre des femmes signataires affirmant publiquement avoir déjà avorté et bravant l’interdiction. Ce procès, qui vise à défendre Michèle Chevalier, la mère de Marie-Claire 16 ans qu’elle aide à avorter après avoir été victime d’un viol, s’achève le 8 novembre 1972. Il est un prémisse à la loi Veil de 1975 !

Gisèle Halimi poursuit le combat pour la légalisation de l’avortement devant les tribunaux. Elle déclare : « Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté ! De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre… »

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Gisèle Halimi au centre ; à gauche : Michèle Chevalier et à droite, sa fille Marie-Claire

La ministre de la santé Simone Veil défend le projet de loi devant le Parlement, alors presque exclusivement composé d’hommes. Le débat en séance publique à l’Assemblée nationale commence le 26 novembre 1974. Le projet de loi est adopté en première lecture le 29 novembre 1974 à 3h40 par 284 voix contre 189. Le texte est ensuite examiné en séance publique au Sénat le 13 décembre 1974 et voté par la Haute Assemblée le 16 décembre à 2h35 par 184 voix contre 90. Simone Veil déclare : « Le Sénat a conservé le fond du texte, et en a amélioré la forme ».

Le projet de loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse est définitivement adopté par le Parlement le 20 décembre 1974. Saisi le lendemain par 81 députés, le Conseil constitutionnel déclare la loi conforme à la Constitution dans une décision du mercredi 15 janvier 1975. La loi est promulguée le vendredi 17 janvier et publiée au Journal officiel du samedi 18 janvier 1975.

Biographie de Simone Jacob (épouse Veil)

Elle vient au monde à Nice dans les Alpes Maritimes le 13 juillet 1927. Sa famille, originaire de Bionville-sur-Nied en Moselle, est juive non pratiquante et bourgeoise. Simone est la dernière de la fratrie. Pendant sa scolarité au lycée, elle s’investit chez les scouts, qu’elle considère comme une seconde famille. Elle passe son baccalauréat à presque 17 ans en mars 1944 et travaille à la bibliothèque municipale.

Cependant, le 30 mars 1944, Simone Veil est arrêtée alors qu’elle est en route pour fêter la réussite de son examen avant d’être envoyée au camp de Drancy puis déportée avec sa famille au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau en Pologne le 15 avril 1944. Elle y perd ses parents et son frère Jean. Elle et ses deux sœurs, Madeleine malade du typhus et Denise, seront rescapées de la Shoah, car libérées par les Américains, un an jour pour jour après leur arrivée au camp de la mort : le 15 avril 1945. Simone Jacob est de retour le 23 mai 1945 à Paris au centre d’accueil de l’hôtel Lutetia…

Simone Jacob entame des études de droit, obtient une licence et un diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris. Devenue Simone Veil depuis le 26 mars 1946, elle entre dans la magistrature comme haut fonctionnaire jusqu’à sa nomination comme ministre de la Santé, en mai 1974. C’est à ce poste qu’elle fait adopter, par une droite frondeuse et avec le soutien de la gauche, la loi Veil qui dépénalise le recours par une femme à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Entre 1979 et 1982, Simone Veil est la première présidente du Parlement européen élue au suffrage universel. En 1993, elle devient Ministre d’État, ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville dans le gouvernement d’Édouard Balladur. Simone Veil siège au Conseil constitutionnel entre 1998 et 2007, puis se retire progressivement de la vie politique. En 2007, elle soutient Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle ; en 2009, elle publie Une vie, son autobiographie. Le 18 mars 2010, Simone Veil entre à l’Académie française.

Simone Veil s’éteint le 30 juin 2017 à l’âge de 89 ans. Elle entre au Panthéon le 1er juillet 2018 : elle est à ce moment-là, la cinquième femme à entrer au Panthéon, après la chimiste Sophie Berthelot (1837-1907) en 1907 ; la physicienne Marie Curie (1867-1934) en 1995 ; les résistantes Germaine Tillion (1907-2008) et Genevièvre De Gaulle (1920-2002) en 2015. L’artiste Joséphine Baker (1906-1975) les a rejoint en 2021…

Une phrase de Simone Veil restera à jamais dans les mémoires : « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement... », elle fut prononcée devant l’Assemblée Nationale lors de sa présentation de la loi IVG.

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Martine Gatti
Martine Gatti est une jeune retraitée correspondante de presse locale dans le pays de Ploërmel depuis bien des années.

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