Journée des droits des femmes. La brigande Marion du Faouët entre réalité et légende 

Marion du faouet maison
Germain David-Nillet : La maison de Marion du Faouët (huile sur toile, vers 1913, Musée du Faouët)

En ce 8 mars 2024, journée internationale des droits des femmes, la rédaction célèbre différentes figures féminines, d’ici et d’ailleurs, qui ont marqué l’histoire, mais dont leur récit reste parfois méconnu. Née en 1717 au Faouët, Marie-Louise Tromel est Marion du Faouët, bandit de grand chemin sur toute la Cornouaille. Cheffe de La Compagnie Finefont, le pédigrée de la femme hors la loi est suffisamment rare et exceptionnel pour qu’elle devienne la sujette de plusieurs légendes et histoires. Sa manière de pratiquer ses casses, c’est-à-dire sans violence et uniquement sur des cibles choisies, lui offre un statut presque héroïque de Robin des bois féminine et bretonne. 

Marie-Louise Tromel aurait vécu dans la misère dès sa naissance, ce qui la pousse enfant à mendier puis à voler à l’étalage dans les marchés. Elle devient à 23 ans la cheffe d’une compagnie d’environ 40 brigands qui opère dans toute la Bretagne : La compagnie Finefont. Elle est mariée à Henri Pezron, également voleur, avec qui elle a quatre enfants. Selon plusieurs récits, deux de ses frères font aussi partie de la compagnie qu’elle dirige, les autres on été recrutés dans son entourage.  

Marion du faouet
L’hôtel des Trois-Piliers du Faouët (détruit en 1878), lieu de réunion de la bande des Finefont. Jean Lorédan — Bibliothèque nationale de France

Son objectif est décrit comme étant de redistribuer les fortunes et de sortir des familles bretonnes de la misère. Rien n’est confirmé quant à la réelle distribution des trésors volés. Il semble qu’il y ait deux façons de l’envisager : l’une dit qu’aucun des joyaux n’a été caché ou gardé par la brigande et qu’ils ont tous été distribués au fur et à mesure aux pauvres. L’autre, plus légendaire, informe sur la possibilité de butin caché dans la grotte du diable à Huelgoat et dans le manoir du Bodénou dans les Côtes-d’Armor. Ses principales victimes sont les marchands de foire de visite en Bretagne, elle et ses compères repèrent ceux qui en ressortent avec le plus d’argent, les braquent et les dépouillent « sans verser de sang », selon les rapports.

La première arrestation de Marie-Louise Tromel date de 1746, son activité de hors la loi ayant débuté autour de 1740. Ce n’est pas la seule arrêtée, son mari Henri Pezron, Nicolas Hirvoy et Jean Lepetitvin sont aussi conduits à la prison de Hennebont. Leurs multiples vols leur valent une condamnation à la pendaison. Les quatre bandits font appel et sont transférés dans les prisons de Rennes le 27 mars 1747. Marion du Faouët se tire de cette condamnation à mort grâce à Henri Pezron qui, lors de son procès verbal de torture, nie l’implication de sa femme. Il meurt le 27 mars 1747 et la cheffe de bande se retrouve quand même condamnée à plusieurs sévices : torturée publiquement, marquée au fer rouge de la lettre V et bannie à perpétuité de la région Bretagne. 

Marion du Faouet
Sentence prononcée contre Marie Tromel (Marion du Faouët) et sa bande en 1753 (Archives départementales du Finistère).

Cinq ans plus tard, Marion du Faouët est de nouveau arrêtée avec plusieurs de ses complices, incarcérée à Carhaix puis transférée à Quimper en juillet. Elle réussit cependant à prendre la fuite avec l’un de ses brigands en septembre de la même année. La condamnation se fait sans les concernés en octobre 1753 à la pendaison jusqu’à ce que mort s’en suive. Elle est retrouvée un an plus tard à Nantes puis transférée dans la prison de Quimper. Le 2 août 1755, Marion du Faouët est condamnée une ultime fois à la pendaison, elle meurt dans la même journée. 

La vie trépidante de cette femme du XVIIIe siècle semble être un sujet inspirant et à sa vie réelle tout un imaginaire a été créé. L’histoire de Marion du Faouët comporte des trous et des incertitudes à cause d’un manque d’archives de l’époque, mais son existence a inspiré bon nombre d’artistes. Une petite quinzaine d’écrits – romans, lettres ou bande dessinée – à son sujet sont parus depuis 1960. La femme y est toujours dépeinte comme libre et rebelle.

Marion du faouet
La Tour du Chatel, partie de la place Saint-Corentin, à Quimper, où fut exécutée Marion du Faouët. Jean Lorédan – Bibliothèque nationale de France

Dans Marion du Faouët ou la révolte des gueux, écrit par Margot Bruyère en 2008, l’auteure profite de l’histoire de la brigande pour peindre le climat social de l’époque. La femme est décrite comme puissante et intelligente, capable de semer la terreur pour la bonne cause. Le roman s’attache aussi à raconter l’histoire de France de l’époque avec la vision du peuple réprimé vivant dans une société d’injustices provoquant la misère. Le roman met en avant le paupérisme dont Marion Tromel et sa famille souffraient au XVIIIe siècle. Il traite du devoir des classes pauvres de travailler pour les plus riches afin de rendre leur vie plus facile sans espoir d’améliorer leur propre condition. Marion du Faouët devient voleuse par refus de se plier à ces dogmes.

En juin 2019, Locus Solus fait paraître une bande dessinée nommée Brigande ! Marion du Faouët – Vie, amours et mort écrite par Roland Michon et dessinée par Laetitia Rouxel. La femme est décrite comme une « icône féministe du 18e siècle ». L’histoire dépeint Marion du Faouët sous tous ses angles, y compris sa vie de femme. Le contexte historique breton y est à nouveau détaillé, cette fois-ci en lettres et en dessins.

D’autres histoires sur la légendaire Marion du Faouët sont a découvrir : un film de Michel Favart sorti en 1997 où Marion du Faouët est jouée par Carole Richert ; une lettre de Michèle Lesbre adressée à la voleuse publiée en livre en 2017 ; de nombreux ouvrages pour enfant et divers romans. La vie de Marion du Faouët se rapproche à plusieurs égards du moyenâgeux Robin des bois. La forêt est un lieu central dans les histoires des deux et ils sont tous deux décrits comme ayant des personnalités fougueuses et insoumises. L’époque change, mais le climat social est toujours la cause de leur rebellion, leurs crimes sont alors contés comme des actes héroïques.

INFOS PRATIQUES

Marion du Faouët ou la révolte des gueux de Marion Bruyère
Brigande ! Marion du Faouët – Vie, amours et mort de Roland Michon et Laetitia Rouxel

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