Votre podcast Marque-Page avec Cécile Coulon, Chloé Cruchaudet, Delgres, la série Saint-Elme…

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Bienvenue à Marque-Page, le podcast de Jeanne et Alexis dans Unidivers ! Au menu de ce premier numéro : côté BDs, Céleste, la bande dessinée de Chloé Cruchaudet consacrée à la gouvernante et secrétaire de Marcel Proust et dont le deuxième tome est paru en novembre dernier mais aussi la série Saint-Elme de Frederik Peeters et Serge Lehman dont le dernier tome est sorti en début d’année. Côté roman, La langue de choses cachées, le très beau dernier récit de la poétesse et écrivaine Cécile Coulon. Jeanne et Alexis n’oublient pas les enfants avec une sélection d’albums pour faire rêver et grandir les petits et les grands : restez à l’écoute !

La langue de choses cachées, Cécile Coulon, L’iconoclaste

Cécile Coulon

La mère connaît la langue des choses cachées. Elle seule l’entend, soigne les blessures, accompagne parfois la mort venant. On l’appelle dans la nuit, elle vient à la tombée du jour puis repart avant le lever du soleil : c’est son don, mais aussi son travail qu’elle transmet jour après jour à son fils. Une nuit, on appelle la mère dans le hameau du Fond du Puits, et c’est le fils qui part. Il n’est ni attendu ni désiré. Il doit se rappeler les conseils de sa mère, ne pas fauter, ne pas s’éloigner de la voix qui l’a appelé, ne pas s’émouvoir des mots qu’il entend à travers les portes et visages clos… mais cette nuit, la mère n’est pas là et il est seul à entendre ces langues des choses cachées.

Les 135 pages de ce récit nous racontent ces heures d’obscurité et nous immergent dans la violence des douleurs tues et des silences qui les révèlent. A côté de ce fils, nous naviguons au plus près de la noirceur des âmes, accompagné par le souffle lourd et pesant qui étouffe les vérités enfouies, les corps et  cœurs meurtris. Construit sous la forme d’un conte aussi lumineux et envoûtant qu’il est sombre et poignant, ce court roman extrêmement maîtrisé nous renvoie à nos peurs, nos désirs, nos lâchetés et nos choix. De cette nuit aux côtés du fils, personne ne sortira indemne, et résonnera encore longtemps cette langue des choses cachées. Avec son dernier roman, Cécile Coulon signe de loin son ouvrage le plus puissant en mêlant avec justesse ses talents de romancière et de poétesse.

Céleste T2, Il est temps monsieur Proust, Chloé Cruchaudet, Editions Soleil

Le tome 1 nous avait complètement conquis en nous faisant découvrir cette femme au service de l’un des plus célèbres écrivains français mais aussi en nous enivrant des mots de l’auteur et de son personnage ; c’est peu dire que nous attendions la suite avec impatience.

Nous avions laissé Céleste en 1916, démissionnaire de son poste de gouvernante car épuisée par les extravagances et caprices de l’écrivain. Nous la retrouvons au début du tome 2, libre mais nostalgique de cette relation si particulière qui l’attachait à Proust. Et si notre héroïne enchaîne les petits boulots, retrouvant une vie ordinaire auprès de son mari et de ses amies, elle se lasse vite de cette vie sans surprise et sans éclats … en un mot, sans poésie. Elle retourne donc vite auprès de son cher Marcel, en proie comme toujours à ses multiples angoisses et allergies, mais aussi à ses rêves de gloire… et à la crainte des moqueries de ses contemporains. Car s’il est adulé par une partie de son lectorat, l’écrivain est bien évidemment la cible de journalistes et aspirants auteurs qui singent ses mots et ses manières.

En lice pour le Goncourt, Proust ne goûte que très peu les sobriquets dont certains gratte-papier l’accablent. Ses aspirations de grandeur n’ont d’égal que sa peur du vide et l’écrivain navigue entre éclats euphoriques et angoisses existentielles. Et Céleste me direz vous ? Elle aussi aimerait être considérée à sa juste place, et pas seulement celle de petites mains de l’artiste. Si l’on ne peut nier l’importance qu’elle a pour l’auteur, le narcissisme de ce dernier l’étouffe quand elle aimerait pouvoir elle aussi s’élever…

bd Céleste

Chloé Cruchaudet dépeint parfaitement la dualité des personnages, leur place dans la société, leur relation si particulière et les émotions qui les traversent. Un ouvrage, fin et élégant à l’image de son graphisme tout en délicatesse, où la simplicité de son trait nous fait ressentir les émotions de Céleste Albaret et Marcel Proust. L’autrice nous offre un diptyque savoureusement drôle, alternant entre le burlesque et l’onirisme, le tout porté par une mise en scène exemplaire aux cadrages audacieux et constamment inventifs. On ne s’ennuie pas une seconde et ce ne sont pas les planches muettes qui viendront nous contredire : il n’y a parfois pas besoin de mots quand le dessin se fait évidence. Au-delà des souvenirs de Céleste, qui fourmillent de détails, les mots de l’écrivain ne sont pas oubliés et forment de très belles séquences, offrant une lecture tout à fait différente de ses romans cultes. Il y a aussi et surtout une mise en couleur à l’aquarelle parfaitement en adéquation avec le dessin : vous l’aurez compris, c’est un vrai coup de cœur !

Petit bonheur, Yue Zhang, Ecole des loisirs

Petit Bonheur, sorti aux éditions Ecole des loisirs dans la collection Kaléidoscope, est un ouvrage pour les petits lecteurs à partir de 3 ans et qui porte merveilleusement bien son nom…

Chaque année, à la veille du Nouvel An chinois, la Fée de la Lune donne à tous les petits bonheurs un pouvoir magique : celui de porter chance. Empli de ce don et tout brillants de douceur, ils s’envolent vers la Terre pour y dispenser leurs bienfaits. Mais cette année, l’un d’eux, endormi, est arrivé en retard à la distribution. Seul et sans pouvoir, il décide tout de même de partir, tout en se demandant qui va vouloir d’un petit bonheur dépourvu de magie…

Yue Zang, le jeune auteur de cet album nous propose une histoire où se mêlent croyance et magie tout en évoquant la confiance en soi et l’entraide. Avec un graphisme des plus réussis aux couleurs douces et chatoyantes, il nous propose un voyage où la bienveillance et l’amitié nous touchent en plein cœur : un vrai petit bonheur pour petits et grands. Un coup de cœur ici à Marque Page et qui a d’ores et déjà séduit de nombreuses lecteurices.

petit bonheur

Après la douceur, place à la délicatesse avec l’album Le Brutalone, toujours dans la collection Kaléidoscope.

Le Brutalone, Alexandre Lacroix et Jérémy Pailler, Ecole des loisirs

brutalone

Au cœur d’un bois profond vit le Brutalone. Grâce à sa force colossale et à son cri assourdissant, il mène une vie paisible à l’abri du danger. Malheureusement, sa force n’a d’égale que sa maladresse et sa solitude. Fuit par tous les animaux de la forêt, le Brutalone désespère : ne pourrait-il donc jamais avoir un ami ?

Alexandre Lacroix au scénario et Jeremy Pailler à l’illustration nous offrent ici un petit bijou de poésie et de beauté. Si les dessins sont tout simplement époustouflants, dans la lignée en quelque sorte d’un Fred Pillot, que dire du texte aussi drôle et émouvant qu’entraînant et ludique ? Ce merveilleux Brutalone nous permet aussi et surtout d’aborder et de définir avec nos enfants la délicatesse : et qui de mieux qu’un papillon pour nous l’apprendre ? Et quoi de plus difficile que de le devenir quand on est – ou que l’on croit être – une brute aux gros doigts sales et boudinés ?

Il n’y a pas de plus grand défi que l’amitié et les différences ne nous opposent pas toujours ; elles peuvent aussi nous protéger. C’est ce que nous apprend cet ouvrage au dessin aussi sublime que l’ histoire qui l’accompagne : une pépite à retrouver dans toutes vos librairies et que nous vous recommandons chaudement !

brutalone
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Toujours potes, Smriti Halls et Steve Small, Sarbacane

Aujourd’hui, Écureuil est très excité : il a décidé d’inviter tous ses amis pour une super fête des super potes. Débordant d’idées, il saute partout dans la maison. Ours, lui, se fait tirer l’oreille : il n’est pas sûr du tout d’en avoir envie… Mais quand arrivent les invités, il se prend au jeu et se met à chanter et danser ! Écureuil, au contraire, se sent d’un coup perdu. Le voilà qui se réfugie dans son trou, au fond de la forêt. Ours part à sa recherche : la fête sans son super pote n’est plus la fête ! Alors, toujours potes ?

Qui n’a jamais ressenti de la solitude face à l’enthousiasme débordant d’un ami, qui n’a pas toujours partagé les envies de ses supers potes ? Peut-on ne pas être d’accord sans se fâcher ? Peut-on changer d’avis et ne pas toujours tout partager ? Restera t-on toujours meilleurs amis ? Bien sûr que oui nous dit cet album pétillant et plein d’humour où les plus grands se retrouveront autant que les petits ! Un album proposé par Smriti Halls et Steve Small  qui poursuivent les aventures d’Ours et Écureuil, les Super Potes à retrouver aux éditions Sarbacane.

Toujours potes

Saint-Elme, Serge Lehman et Frederik Peeters, Delcourt

Si vous ne connaissez pas encore la série Saint-Elme de Frederik Peeters et Serge Lehman, nous vous proposons de découvrir cette série protéiforme qui oeuvre entre polar, thriller et fantastique, une histoire terminée en janvier dernier avec la sortie du 5ème et dernier volet : Les Thermopyles.

Dans le premier tome de cette série, nous avions découvert le détective Franck Sangaré, accompagné de son assistante, l’étrange madame Dombre, qui arrive à Saint-Elme, une petite ville de montagne réputée pour son eau de source. Ils sont tous deux sur les traces d’un fugueur d’une vingtaine d’années disparu depuis plusieurs mois. Sur le papier, cette enquête est apparemment facile. Sauf qu’à Saint-Elme, tout le monde vous le dira : « Ici, c’est spécial. » Et le scénariste de multiplier les intrigues pour nous présenter l’ensemble des protagonistes de cette histoire. Outre le détective à la recherche d’un fils de bonne famille, nous suivons le kidnapping d’une petite fille autour de mystérieux symboles, mais aussi une jeune femme venue passer des vacances avec son père qui semble pouvoir parler à des personnes qu’on ne voit pas et bien sûr la famille Sax, les Windsor de Saint-Elme qui ont la main mise sur la ville par la possession notamment de l’usine d’eau et dont nous suivons la bêtise crasse du fils, la soumission de la mère, la violence du père, et l’ombre du grand-père qui plane sur toute la famille.

Saint Elme est un un polar où l’étrange se mêle aux multiples intrigues qui se tissent autour de la ville titre, qui est le cœur battant de cette série, chaque album s’ouvrant d’ailleurs sur un plan des canalisations de la ville. Une ville qui se réchauffe et voit se multiplier les grenouilles qui grouillent véritablement dans la ville et ses abords. Saint-Elme est une série qui ne laisse pas indifférent : l’histoire est sombre, violente et visuellement osée. L’esthétique de cette série a une place toute particulière, dès le premier album, le lecteur remarque un gros travail sur les couleurs, disposée en aplats, avec une large dominante violette pourpre pour les scènes nocturnes. Une série qui fait le choix d’associer ces couleurs en binôme et quand le vert flashy répond au violet, le rouge répond aux bleus. Ce choix très tranché renforce l’aspect étrange du récit où des grenouilles prolifèrent au milieu de l’intrigue policière : Nous sommes ici dans de l’expressionnisme à la manière des films de Dario Argento comme Suspiria, ou plus récemment la série TV Euphoria qu’évoque l’auteur en interview. Après un deuxième album qui se passait beaucoup plus en journée et dont la force du jeu de couleurs était quelque peu estompé, le troisième album remettait en avant ses tonalités chromatiques originales avec des jeux de lumières forts lors de scènes nocturnes, scènes nocturnes nombreuses dans ce dernier et ultime opus intitulé Les Thermopyles.

Saint Elme
saint elme

Sans en dévoiler de trop, les amateurs de géographie savent qu’il s’agit d’un col montagneux du nord de la Grèce. Et les amateurs d’histoires savent que la bataille des Thermopyles est une bataille sanglante entre grecs et perses. Et donc ce dernier volume prend des allures de Fort Alamo ou plutôt Assaut de John Carpenter, le remake de Rio Bravo de Howard Hawks. Lehman et Peeters, nous offrent un western moderne pour ce dernier volume riche en actions, après la revue des effectifs et la mise en place du siège, les fusillades éclatent. Il y a bien sûr les duels entre différents protagonistes qui bouclent leurs arcs narratifs. Et notamment un dernier duel avec le derviche, antagoniste vraiment inquiétant dont la violence n’a d’égale que son imprévisibilité. Et si l’on reste encore fortement marqué par la mise en page du premier album, Frederik Peeters continue de faire parler son talent en nous proposant toujours des compositions inattendues et quelques séquences visuellement originales et cinématographiques qui ne manquent pas dans ce dernier volume explosif.

saint elme
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Saint-Elme est une des séries marquantes des années 2020. Ce polar mâtiné de mystère nous envoûte par son scénario et sa galerie de personnages hauts en couleurs, que ce soit les enquêteurs, les membres de la famille Sax ou ces personnages annexes comme ce barman qui peut prévoir la météo à la seconde près, tout résonne en harmonie dans une ambiance à la Twin Peaks des plus réussies.La série se lit d’une traite et gagne à être lue de la sorte. Saint-Elme est découpée comme autant d’épisodes d’une excellente mini-série TV. Une véritable ambiance et ambition visuelle, des secrets et des mystères, des intrigues entremêlées, des personnages forts et des scènes parfaitement mises en image : l’amateur trouvera là aussi des scènes marquantes qui font sortir du lot ce Saint-Elme. Il ne manque que la musique et la bande son pour que le film soit complet !

Bonnes lectures à vous et n’hésitez pas à nous dire ce que vous en avez pensé. Vous pouvez nous retrouver sur Instagram sur le compte marquepage_lemag

Programmation musicale :

Lecture musicale par Cécile Coulon lors de la Grande Librairie en 2024 (La langue des choses cachées, Éditions de L’Iconoclaste, accompagnée au violoncelle par Victor Julien-Laferrière qui interprète « Le chant des oiseaux », une mélodie traditionnelle catalane).
Walking alone, Delgres (Promis le Ciel, 2024)

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