Nantes. Stinky sortira Solace, son nouvel album début 2025

Stinky punk hardcore
De gauche à droite : Clément (guitare), Clair (chant), Maxime (basse), Enzo (guitare) et Paul (batterie) © Insane Motion

Stinky, groupe de punk hardcore nantais, enchaîne les actualités brûlantes. Cet été, Unidivers a profité de son passage au festival Hellfest de Clisson en Loire-Atlantique pour interviewer la bande sur sa participation à la dernière édition, mais, surtout, sur les dessous de son nouvel album, Solace, prévu début 2025.

Unidivers – Bonjour Stinky, pour nos lecteurs et nos lectrices qui ne vous connaîtraient pas encore, pouvez-vous nous dire quand avez-vous fondé le groupe ? Et pourquoi êtes-vous passé du nom de Stinky Bollocks à Stinky ?

Paul Stinky Bollocks existe depuis 2008, mais on n’était pas encore dans le groupe avec Clair, nous sommes arrivés fin 2014/début 2015. À ce moment-là, on composait ce qui serait le premier album de Stinky, c’est avec cet album-là qu’on a changé de nom. Stinky Bollocks, c’était bien quand on était adolescent [“stinky” signifiant “puant” en anglais, ndlr.]. Comme les gens nous connaissaient sous notre ancien nom, on a voulu garder “Stinky”, on nous appelait tout le temps les “stinkys”. On a essayé de garder le côté subversif du mot.

Undivers – C’est un phénomène assez courant en musique que des insultes au départ deviennent ensuite des marques de fabrique que ce soit dans le punk, la funk ou même pour le terme queer.

Clair – On se réapproprie ce terme afin d’en faire quelque chose de plus positif.

stinky hellfest

Unidivers – Cette année, vous participez à la nouvelle édition du Hellfest et vous n’êtes pas des inconnus ici puisqu’il s’agit de votre second passage – le premier s’étant déroulé en 2019. Pour vous, y avait-il des choses à corriger depuis votre première venue ou des défis à relever ?

Clair – Il y a eu un changement de line-up entre temps. Trois nouvelles personnes sont arrivées dans le groupe en 2022 : Enzo, Maxime et Clément. Pour ces trois nouvelles têtes, ils n’ont jamais fait le Hellfest sur la Warzone [la Warzone étant la scène dédiée au punk et punk hardcore du Hellfest, voir l’article Welcome to Infernopolis, la nouvelle édition du Hellfest !, ndlr.]. Donc le défi, c’est déjà de vivre ça tous ensemble, de s’éclater, comme en 2019. Là, contrairement à 2019, on a peut-être un message un peu plus marqué qu’avant. Entre temps, j’ai transitionné : j’étais considérée comme une femme jusqu’en 2021, j’ai fait mon coming-out à ce moment-là. On en parle assez librement sur scène parce que les gens nous ont connus avant. Sinon, ils vont croire qu’il y a un nouveau chanteur, ce qui est un peu dommage.

Puis, quelque part, on a aussi un devoir en tant que groupe, quand on est sur scène avec un public en face, quand on a la chance d’avoir un micro et de pouvoir faire passer des messages importants. Donc oui, on l’appréhende un peu différemment, de manière plus engagée.

U. – Justement, trouvez-vous que la transphobie ou les discriminations de genres sont monnaie courante dans le milieu punk et metal ? Ou s’agit-il plus de phénomènes isolés qui prennent de l’ampleur avec les réseaux sociaux ?

Maxime – Je pense qu’il y en a partout, que c’est un phénomène de société. Tu en as autant dans le rock que dans le jazz, la musique classique et le rap, et pas seulement dans la musique. Quand tu vas au Hellfest et que tu as 60 000 personnes par jour, évidemment il y a des transphobes, et en France, a priori 33% des gens votent RN donc, a priori, cette partie de la population est potentiellement transphobe. Si on fait le ratio, il reste pas mal de monde dans notre milieu qui sont forcément transphobes.

Clair – Bien sûr, sur internet – tu parlais des réseaux sociaux – les gens se lâchent. Il n’y a aucun filtre, ils n’ont pas la personne en face. Tu as des gens qui vont écrire des saloperies me concernant, mais ils ne le feraient sûrement pas s’ils m’avaient en face. Parce qu’on est lâche. Les réseaux sociaux décomplexent ce genre de personne, mais c’est ce qu’ils pensent au fond.

U. – L’année 2024 n’annonce pas seulement votre nouvelle participation au Hellfest, mais également la sortie de votre nouvel album, Solace [ndlr “réconfort” en anglais]. Pourquoi ce choix du réconfort avec une couronne du Christ ? S’agit-il du réconfort après la souffrance ?

Clair – On a travaillé avec une de nos amies, la céramiste Leslie Marquet, pour la pochette. C’est elle qui a conçu la couronne d’épines en céramique. On a zoomé sur cette pièce parce qu’on ne voulait pas avoir une couronne pleine balle, pour éviter cette référence au Christ – même si maintenant l’objet est tombé dans la pop culture et plein d’artistes l’utilisent, surtout dans notre style de musique en plus. L’idée, c’était de trouver ce réconfort au milieu de tous les tracas dans notre vie quotidienne et réussir à trouver cette paix intérieure, cet apaisement malgré tout ce qui peut nous entourer de négatif. En gros, l’artwork est un peu dans cette allégorie là.

Maxime – C’est vrai qu’avant, les textes de Stinky étaient vachement dans la colère. Maintenant, on veut vivre avec toute cette colère, apprendre à vivre avec et en sortir meilleur et grandi.

Clair – Il y a toujours eu ça dans Stinky, mais là on le marque plus. Puis, c’est un clin d’œil à l’artwork de notre deuxième album From dead end street, où on voit des ronces. Toute la charte graphique du groupe tourne autour des ronces : ce côté végétal nous touche. On vient quasiment tous de la campagne et les ronces reprennent toujours vie même quand tu les coupes. C’est un peu ce qui se passe avec Stinky : on aurait eu mille occasions de s’arrêter, mais on a toujours repris donc on aime bien cet aspect. Et puis, il y a son côté hostile aussi alors qu’en fait c’est une espèce hyper importante pour notre planète. Ce n’est pas tant la couronne du Christ, mais quelque chose de plus métaphorique.

stinky solace

U. – Ce nouvel album a-t-il été l’occasion d’expérimenter de nouveaux contrastes dans le rythme et les mélodies, par rapport à votre dernier album, Of lost things ? On sent Solace plus lumineux dans les chants, avec plus de contraste entre violence et douceur.

Paul – Ce contraste que tu viens de dire entre la douceur et la violence, je pense qu’il se retranscrit très bien dans le dernier single qu’on a sorti vendredi dernier, « Down in the bumps », où il y a vraiment des gros breaks très marqués avec des refrains chantés presque solaires, si je peux dire. Quasiment tout l’album sera comme ça en fait. On s’est permis plus de choses que sur les anciens albums. On a travaillé d’une façon différente aussi, les morceaux sont un peu plus travaillés.

Clair – Ma voix a changé donc forcément j’ai dû réadapter pas mal de choses. Avant c’était aussi un peu plus old school, Sébastien et Titouan [les anciens membres de Stinky, ndlr.] étaient très marqués punk hardcore, mais là les gars arrivent avec des influences autres.

Maxime – C’est varié. Enzo et Clément écoutent du hardcore plus moderne. Moi, j’écoute autant du rock que des musiques post ou de la pop, ça amène autre chose, d’autres couleurs, d’autres harmonies, d’autres arrangements.

Paul – C’était une envie du groupe en tout cas.

Clair – Avant, avec les gars, la référence qu’on avait en commun c’était Comeback Kid essentiellement, du Miles Away…

Clément – Que des groupes qu’on adore, mais je pense qu’on se rejoint aussi sur des trucs plus modernes.

Clair – Du LANDMVRKS, du Stick to your guns, ce genre de chose…

Paul – Et je pense que ça va se ressentir sur les morceaux de Solace.

U. – Pourriez-vous définir votre style de hardcore ou justement en avez-vous marre des étiquettes – marre des étiquettes de genres en général aussi ? On se dit que les chœurs ont une place importante dans votre musique. Est-ce inhabituel pour le punk hardcore ?

Clément – Je pense que dans le punk hardcore en général il y a quand même une grande place pour les chœurs et ce genre de choses. Concrètement parlant, les chœurs permettent aussi de donner du relief et donnent une autre énergie. Ils donnent du relief au groupe.

Enzo – Ça donne aussi envie aux gens de participer et de faire partie du tout : c’est ça qui est hyper cool. Quand les gens connaissent les paroles on est un peu dépassé parce qu’on se dit : “wow on s’attendait pas à ça !”.

Clair – Ca crée un lien et une alchimie de ouf en live, un vrai partage.

U. – Ça permet de décentraliser un peu le chant de ta position Clair. C’est un stéréotype dans le rock que le chanteur ait toute l’attention sur lui et que le reste du groupe reste un peu dans l’ombre, avec les contraintes de la scène.

Maxime – Là, tout le monde chante pour le coup.

Clair – Tout le monde a la parole.

Enzo – Même entre les morceaux, on prend la parole.

U. – Quand vous composez vos mélodies, avez-vous des séances d’improvisations rituelles ? Ou trouvez-vous l’inspiration chez vous ? Comment opérez-vous ?

Paul – C’est quand on est chez nous !

Enzo – Avant, les gars composaient beaucoup en répétition, en faisant des jams. Ce qui a changé avec notre arrivée, c’est qu’on a tous des home studios et on compose chacun chez nous. On s’envoie des sons qu’on fait et, après, on se cale du temps pour se retrouver tous ensemble, terminer les morceaux et faire des maquettes propres. On gagne du temps et mine de rien, les déplacements pour aller aux répétitions sont très chronophages.

Maxime – Et on s’entend mieux pour apporter des idées. Grâce à ça, c’est plus riche à l’écoute aussi.

Clément – Il y a quelque chose de plus qualitatif qui en ressort. Si c’est naze, le lendemain, tu t’en rends compte. Si tu fais un truc en répèt, tu te dis : “c’est cool”, mais le lendemain : “ah beh c’était naze en fait !”. Tu n’as pas le même recul.

Paul – Tu appréhendes le studio d’enregistrement différemment aussi. Tu as pu travailler beaucoup plus tes morceaux donc tu es plus serein. Pour moi, c’est la première fois que je suis serein comme ça.

Clair – C’est comme ça qu’on a pu produire Solace.

U. – Et pour l’écriture de vos textes ?

Maxime – C’est Clair qui a écrit tout l’album.

Clair – J’ai écrit tous les textes, mais les thématiques sont proposées à l’avance. On les a choisis ensemble. En gros, je propose des thématiques et les gars disent si ça leur parle ou pas et si ça leur parle, j’écris dessus. Je leur propose le texte, on valide tous ensemble, c’est assez collégial. On s’est toujours dit que si l’un d’entre nous a aussi envie d’écrire à un moment, sur un sujet, ou aborder un sujet, mais n’arrive pas à l’écrire, eh bien on le fait à plusieurs. Ça ne me pose aucun problème. Si Enzo vient demain en me disant : “je veux parler de ce sujet là, mais je sais pas trop comment formuler les choses”, on se prend une journée lui et moi et on écrit ensemble. 

Enzo – Ce qui est complètement le cas, j’écris super mal ! (rires) C’est compliqué.

Stinky punk hardcore

Unidivers – Que pensez-vous de la musique en streaming, des plateformes comme SoundCloud qui ont permis l’émergence d’un premier genre musical international avec le phonk ? Cela représente-t-il pour vous l’avenir de la musique ? Ou encouragez-vous votre public à venir vous voir sur scène, car c’est là que l’on a une expérience authentique de la musique ?

Enzo – Il faut continuer à sortir, à aller voir des concerts, au cinéma, dans des musées, pour la culture de manière générale. C’est hyper important et ce sont des partages qu’on aura jamais autrement que sur scène en allant voir des groupes.

Maxime – On en parlait hier en plus ! On compose vachement pour nous, pour le live. C’est une musique qu’on peut écouter chez soi bien sûr, mais à la base, on pense beaucoup les morceaux sur la manière dont ils vont fonctionner en live, sur l’interaction avec le public. Comment va-t-on transmettre une énergie, une émotion ? C’est quelque chose, je trouve personnellement, qu’on vit vachement mieux en live qu’en écoutant chez soi. Après, bien sûr, il faut passer par le streaming de toute façon pour pouvoir découvrir des artistes.

Enzo – Et puis, il y a aussi des gens qui n’aiment pas forcément la musique à écouter comme ça, mais qui adorent voir Stinky en live – Stinky ou d’autres groupes. Ça nous est tous arrivé d’aller voir un groupe en live et de se dire : “Ah c’est mortel”, et de rentrer chez soi et de se dire : “Ah j’aime un peu moins”, mais il y a un truc qui se passe en live et c’est hyper bien. 

Maxime – L’inverse est vrai aussi. Je pourrai comprendre qu’on ne soit pas à l’aise dans un festival pour voir des groupes et qu’on préfère écouter la musique chez soi. 

Enzo – Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de le faire aussi. La musique, c’est avant tout des rencontres.

U. – Eh bien, merci beaucoup Stinky pour cette belle rencontre et d’avoir répondu à nos questions. On vous souhaite bon courage pour vos concerts et à bientôt !

Stinky punk hardcore
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Benjamin Julienne
Métal expérimental, littérature russe, art contemporain, chant bulgare et septième art tourbillonnent dans ma tête. J’écris principalement pour faire connaître les lieux d’exposition indépendants de Nantes.

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