Sans même ouvrir ce livre, le titre vous intrigue comme moi, j’imagine. Quel lien peut-il bien exister entre un cheval et une fusée ? Eh bien voici l’occasion de le découvrir avec ce livre de Léandre Pourcelot, publié aux éditions Edita.
Comment résister à écrire une chronique face à un livre d’un de nos grands chercheurs et innovateurs ? Il est rare que les scientifiques nous racontent leur histoire et c’est un regret que j’exprime souvent ici ou là, sans réussir à convaincre, je vous l’avoue. Peur de se lancer dans un exercice d’écriture si éloigné de leurs articles publiés en revue et le plus souvent en anglais ? Timidité face au milieu littéraire ou retenue sur leurs contributions à la science ? Un peu de tout ça et je suis certainement loin du compte.
Pourtant, ils en ont des choses à nous dire ces scientifiques ! Car la recherche est une belle aventure et elle démarre souvent par une rencontre inattendue, un livre, une émission, un(e) professeur(e), quelque chose ou quelqu’un qui a un moment donné va attirer notre attention et déterminer notre chemin. Aventure, mais aussi passion, car l’une ne va pas sans l’autre en recherche. Ajoutons la curiosité, l’envie de comprendre et de découvrir, voilà quelques constantes que nous partageons et que nous voudrions partager plus encore. Toutes les belles histoires commencent par « il était une fois… ». Elle se poursuivrait ici par « … une famille de fermiers du Haut-Doubs, un modeste hameau de petite montagne près d’un aussi modeste village où les hivers sont rudes, une famille de dix enfants où les travaux des champs, l’élevage du bétail et les coupes d’arbre occupaient l’année… »
« Ici, la vie de chacun tient avec le lait, le beurre, le fromage (le fameux Comté) et le bois. Chaque matin, quatre kilomètres à marcher, parfois dans la neige et la bourrasque, pour rejoindre à la queue leu leu l’école… » Et puis, il y a Bijou et Lisette, deux chevaux comtois magnifiques de force et d’allure. À nourrir, à harnacher, à faire boire puis à tirer la charrue et les arbres une fois écorcés. Ou, les dimanches de messe à atteler pour partir au village en tilbury. Cette enfance et sa jeunesse sont rendus par Léandre Pourcelot avec un sens de l’observation qui ne le quittera jamais. Ces pages (les 2/3 du livre) sont purs apprentissages, découvertes et émotions.
La seconde partie est tout autre. Elle emprunte le chemin de longues études : l’Insa1 de Lyon et le diplôme d’ingénieur, puis la thèse et un recrutement à Tours pour un métier d’enseignant-chercheur avec en parallèle, c’est décidé, des études de médecine. Léandre est tombé dans l’électronique depuis longtemps déjà et l’aventure des ultrasons est lancée. Combien d’innovations, je ne saurais dire. En nombre. Premier Doppler ultrasonore au monde et création de la société Delalande électronique (1968), échographie à balayage électronique (1973), imagerie Doppler (1976), etc. etc. Mais la fusée dans tout ça ? Nous y sommes.
Le CNES cherche justement une équipe pour suivre l’état cardiovasculaire des spationautes en régime d’apesanteur. Ce sera le premier vol habité franco-soviétique équipé d’un échographe Doppler tourangeau à s’envoler dans l’espace sur Saliout 7 avec Jean-Loup Chrétien (1982). Embarquer un tel équipement n’est pas une mince affaire car il faut s’assurer de son utilisabilité par les cosmonautes eux-mêmes et de sa robustesse à toutes les conditions du vol. Ensuite ce sera la NASA et le vol de Patrick Baudry sur la navette Discovery en 1985. L’aventure spatiale ne fait que commencer.
Impossible bien entendu de tout vous raconter. Vols habités, créations d’entreprises… En un mot, voilà un livre qui nous fait du bien dans un temps où tout paraît banal, épuisé avant même un usage. Ce n’est pas une œuvre littéraire au sens classique du terme bien que la première partie de l’ouvrage en remontrerait à beaucoup. Ce livre nous dit que rien n’est jamais gagné mais que tout est possible. Et c’est sur ce possible, qu’au-delà du rêve, la réalité de demain, celle des enfants comme celle des adultes, peut se construire. En voilà un exemple.
Léandre Pourcelot, Du cheval à la fusée, Edita éditions, 200 pages, 20€. Parution :
1 Institut National de Sciences Appliquées