Chaque 1er avril, des millions de personnes se prêtent au jeu des farces et des canulars. Mais d’où vient cette tradition ? Retour sur une histoire ancienne, entremêlant réformes calendaires, satire sociale et légendes symboliques.
Une origine calendaire : la réforme de Charles IX
L’explication la plus souvent avancée est historique. Jusqu’au milieu du XVIe siècle, dans de nombreuses régions d’Europe, l’année civile commençait fin mars ou le 1er avril, coïncidant avec l’équinoxe de printemps.
En 1564, par l’édit de Roussillon, le roi Charles IX fixe officiellement le début de l’année au 1er janvier. Certains continuent pourtant à célébrer l’ancienne date. Pour se moquer d’eux, on leur joue des tours : fausses invitations, cadeaux absurdes, voire… poissons.
Le poisson, cet étrange symbole
Mais pourquoi un poisson ? Plusieurs hypothèses se croisent :
- La période de fraie : la pêche étant interdite à cette période, offrir un faux poisson devient une plaisanterie symbolique.
- La crédulité du poisson : plus facile à attraper au printemps, le poisson devient métaphore de la naïveté.
- Un écho chrétien : le poisson est un ancien symbole du Christ, parfois réinterprété en dérision festive.
- Un rôle social moqué : « poisson d’avril » désignait aussi un messager ou un entremetteur risible.
Des racines plus profondes : carnavals, fêtes antiques et satire sociale
D’autres pistes renvoient à des rituels antérieurs : les Hilaria romaines en l’honneur de Cybèle, les carnavals médiévaux, ou la Fête des Fous, tous marqués par l’inversion des rôles et la licence temporaire. Le 1er avril hériterait de ces espaces ritualisés de transgression.
Un phénomène européen (et au-delà)
Si la France cultive le poisson d’avril, d’autres pays ont leurs propres versions :
- Royaume-Uni : April Fool’s Day, où l’on devient « fool » pour un jour.
- Italie : Pesce d’aprile, poisson en papier inclus.
- Allemagne : Aprilscherz, ou la blague du mois d’avril.
- Inde : rapprochement possible avec Holi, fête de la couleur et de la transgression.
Canulars médiatiques et postmodernité
Le XXe siècle voit naître des poissons d’avril massifs, portés par les médias :
- 1957 : la BBC filme une fausse récolte de spaghettis en Suisse.
- 1986 : Le Parisien annonce le déménagement de la Tour Eiffel.
- 2000 : Google crée une fausse boisson « Google Gulp ».
Le canular devient une performance collective, parfois satirique, parfois purement ludique.
À l’ère des infox, la frontière entre plaisanterie et manipulation se brouille. Le canular bienveillant doit désormais composer avec une culture de la suspicion et de la viralité incontrôlée. Le poisson d’avril incarne une forme d’intelligence sociale et d’humour codifié. En rituant la tromperie, il révèle les ressorts de notre rapport à la vérité, à la surprise et à l’innocence. Une tradition qui, malgré ses origines floues, continue de nous tendre un miroir amusé.
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