Rennes. Écrire à Saint-Cyr, trois auteurs en résidence à La Paillette

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© Laurent Guizard

Écrire à Saint-Cyr. C’est l’exercice qu’a proposé La Paillette, MJC et théâtre, à trois auteurs pendant la saison 2022-2023. Écrire à Saint-Cyr, mais aussi au sujet de Saint-Cyr, ce parc borné par les deux bâtiments de La Paillette. Pendant huit semaines étalées sur l’année, Émilie Bonnafous-Armengol, Cécile Cayrel et Alexis Fichet se sont imprégnés des lieux, ont rencontré des habitants du quartier ou des usagers de la MJC pour créer des fictions ancrées dans leur territoire.

Émilie Bonnafous-Armengol, Cécile Cayrel et Alexis Fichet nous attendent dans l’entrée du bâtiment MJC de La Paillette. Ce sont les deux autrices et l’auteur qui participaient à la résidence Écrire à Saint-Cyr, mise en place cette année par La Paillette. C’est justement dans le parc Saint-Cyr que nous allons nous installer pour discuter de leur projet d’écriture respectif.

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De gauche à droite : Alexis Fichet, Cécile Cayrel et Émilie Bonnafous-Armengol

Le principe de la résidence était simple. Pendant huit semaines étalées sur l’année, les autrices et l’auteur venaient travailler à La Paillette pour écrire un texte de théâtre. Avec une contrainte, que l’histoire s’inspire de l’environnement immédiat de l’écriture : La Paillette et le parc Saint-Cyr. Le projet évoque, dans sa manière d’ancrer une résidence artistique et les productions qui en découlent à un territoire, celui mené à Rennes par Le Triangle quelques années auparavant, Le Blosne, mode d’emploi

Mais ici, les participants avaient chacun et chacune un projet d’écriture propre sur lequel ils ont travaillé en parallèle. « On a pris connaissance des textes des uns et des autres il y a peu. C’était assez émouvant de voir ce qu’une contrainte commune d’écrire sur le quartier, pendant la même saison, devient avec nos univers différents », commente Émilie Bonnafous-Armengol. En effet, les trois textes ont entre eux une relation particulière, presque de famille. Comme des frères et sœurs, ils sont nés et ont grandi dans le même environnement, ont traversé des événements similaires mais ont évolué dans des directions différentes.

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C’est dans la longère du parc Saint-Cyr qu’ont lieu les activités de MJC de La Paillette © Laurent Guizard

Avec cette résidence, la Rennaise Cécile Cayrel entreprenait sa troisième pièce de théâtre. Ses premiers écrits sont romanesques (La Couleur de l’air a changé, paru en 2020 chez Stock, un prochain à paraître en 2024), mais incluaient déjà un travail sur l’oralité, le dialogue et les situations. « J’écris une pièce sur l’histoire du couvent Saint-Cyr, actif du début du XIXe siècle jusqu’en 1976, qui a accueilli des jeunes femmes qu’on considérait déviantes », annonce l’autrice. « Alors que la loi était la même pour les garçons et les filles, on envoyait les filles dans des établissements religieux pour un oui ou pour un non, un baiser à la mauvaise personne, pour être sortie le soir, pour avoir eu des relations sexuelles, consenties ou non », continue-t-elle.

« J’avais envie de m’intéresser à cette histoire assez peu connue à Rennes. Elle commence à l’être davantage grâce à des assos de femmes enfermées à Saint-Cyr qui se créent. C’est l’histoire, potentiellement, de nos mères, de nos grands-mères. Même si elles n’ont pas forcément été enfermées là, elles ont vécu à des époques où elles savaient que c’est ce qu’elles risquaient. » Cécile Cayrel raconte cette histoire par l’entremise de quatre personnages de jeunes filles qui enquêtent sur des femmes enfermées à Saint-Cyr. En retraçant leurs parcours, ces enquêtrices incarnent différents personnages (les jeunes filles, les bonnes sœurs, le juge, etc.) et permettent d’avoir un regard en surplomb sur ces problématiques.

Émilie Bonnafous-Armengol, quant à elle, a commencé l’écriture par le théâtre, il y a une vingtaine d’années. Après trois pièces, elle se tourne vers le roman et notamment vers la littérature jeunesse où elle trouve une fantaisie plus débridée. Dans son travail, elle a à cœur d’interroger la forme du collectif. Sa pièce écrite en résidence à La Paillette reprend l’univers de son dernier manuscrit, 2100 (non édité). « Le roman se déroule chez moi en Côtes-d’Armor, à la campagne. Ça m’intéressait de reprendre cette thématique en créant d’autres personnages inspirés des gens rencontrés ici, en reprenant les bases de ma société nouvelle mais en ville ».

Le quartier s’est transformé, mais la MJC reste à peu près la même. « Je voulais que ça reste une maison de quartier, même au-delà de la pratique artistique. Dans mon histoire, c’est un lieu de vie où on va chercher de l’eau, où on peut utiliser un téléphone fixe parce qu’il n’y a plus de portables. » Et comme souvent, le travail d’anticipation se nourrit du présent. « Comme il y a eu des grèves cette année, j’ai eu envie de parler d’une société transformée à partir d’un gros soulèvement du peuple qui s’est passé en 2068 », dévoile l’autrice. Le fil conducteur de la pièce sera alors la création d’une pièce de théâtre sur ce soulèvement par un groupe de jeunes réunis dans un atelier amateur.

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Représentation de fin d’année d’un atelier amateur à La Paillette © Maeliss Lesage

Alexis Fichet a aussi commencé l’écriture par le théâtre. Il est lui-même comédien et performeur, membre de la compagnie rennaise Lumière d’août. Avec le temps, il varie les exercices d’écriture, passant par le roman, mais aussi la fable ou le sonnet. Son sujet de prédilection est la nature et sa relation à l’humain. Son projet d’écriture à La Paillette se divise en deux volets, tous deux centrés sur le parc Saint-Cyr. Le premier se situe de nos jours et cherche à nommer ce que contient le parc de vivant. « J’ai écrit une pièce sur un groupe de théâtre amateur qui travaille avec un auteur et une metteuse en scène sur ce que ce serait de jouer les plantes, les pierres, les animaux », explique-t-il. « Mais la troupe est rattrapée petit à petit par de grosses manifs en ville, qui ont lieu les mardis, le jour où ils répètent. »

Le second volet du projet se situe dans le futur. Le parc Saint-Cyr est devenu une réserve pour animaux disparus qu’on observe depuis le théâtre de La Paillette. Mais cette partie, encore en cours d’écriture, « est en train de devenir autre chose », nous confie l’auteur.

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Le châtaignier (gauche) et le cèdre (droite) sont deux des personnages de la pièce d’Alexis Fichet

Pour leur projet respectif, les trois auteurs se sont imprégnés du quartier, mais selon des modalités différentes. Dans une approche historique et sociologique, Cécile Cayrel a fait des recherches aux archives départementales, municipales, et dans les archives de la maison de retraite qui a remplacé le couvent. Y vivent encore des sœurs du couvent qu’elle a pu rencontrer. Elle a aussi passé du temps à la maison paroissiale, rue de Brest, dont elle recommande les repas du midi (ouverts à tous). Davantage dans une observation de l’environnement, Émilie Bonnafous-Armengol a préféré arpenter le quartier pour apprendre à le connaître et découvrir comment ses habitants y vivent. Elle s’est aussi beaucoup attardée sur La Paillette en elle-même et son fonctionnement en tant que MJC. Alexis Fichet s’est, lui, attaché à observer le parc. Ses animaux et ses végétaux donnent des personnages de sa pièce. Il s’est aussi amusé à repérer la vie humaine dans le parc et sa saisonnalité : le bal des poussettes de nourrices, les promeneurs de chien, Jean-Yves Le Drian…

Les pièces sont désormais écrites, un projet de publication est en cours de discussion, mais pour le moment il n’est pas question de mise en scène. « Émilie et moi avons écrit des pièces avec beaucoup de personnages, elles sont difficilement montables professionnellement en termes de budget. On pensait plutôt aux troupes d’amateurs. La pièce de Cécile, avec quatre personnages, est plus envisageable », affirme Alexis Fichet. Un avant-goût des pièces sera toutefois donné le 16 septembre 2023 pendant les Journées du Patrimoine, où des intervenants de La Paillette joueront certaines scènes. 

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© Laurent Guizard

Écrire à Saint-Cyr, sur Saint-Cyr, et finalement jouer à Saint-Cyr. La boucle est bouclée.

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Jean Gueguen
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