BD LA PETITE SOURIANTE, THRILLER AU MILIEU DES AUTRUCHES

« Combien de fois faut-il tuer un amour pour qu’il cesse de vous hanter ? ». À cette question Zidrou et Springer apportent une réponse singulière dans La petite souriante, une BD cinglante et saignante. Âme sensible s’abstenir.

BD LA PETITE SOURIANTE

C’est un objet bizarre. On le croirait sorti d’un bouquiniste des quais parisiens, un exemplaire usagé de la Série Noire  de Duhamel. Mais le format est trop important pour un livre de poche. Trop petit pour une BD traditionnelle. La couverture fait penser à un ouvrage animalier : trois sympathiques autruches regardent devant elles. Il est vrai que l’on apprend des choses sur l’animal, rapide comme l’éclair, « qui donne en moyenne 40 kilos de viande », mais ce n’est pas un livre naturaliste. À y regarder de plus près, on s’aperçoit que l’autruche au premier plan tient dans son bec un drôle d’appendice, qui ressemble étrangement à un œil. Et puis au verso quelques traces rouges, pareilles à des taches de sang, ornent le coin gauche.

BD LA PETITE SOURIANTE

Alors on tourne les premières pages et là aucun doute ne subsiste : on est dans un polar, mais pas chez Agatha Christie ou Conan Doyle. Non, plutôt chez James Ellroy ou Jim Thompson. Du polar bien sanglant et glauque avec un époux, éleveur d’autruches, qui va devoir se reprendre à plusieurs reprises, avec l’aide de sa belle fille, pour tenter de tuer son épouse. Et il va falloir mettre de la bonne volonté, et beaucoup de violence pour, peut-être, arriver à ses fins. Ce n’est pas rien de tuer sa femme et de rentrer chez soi pour la retrouver bien… vivante. Vous imaginez l’émoi et le trouble. Il y a de quoi devenir fou, surtout quand on l’est déjà un peu. Comme Pépino le mari tueur, ou Beli sa belle-fille complice. Ou comme le lecteur, qui se demande si c’est du lard ou de l’autruche.

BD LA PETITE SOURIANTE

Avec « l’Adoption », « De beaux étés », l’inépuisable Zidrou nous avait laissés sur des histoires douces-amères, emplies de nostalgie et de bons sentiments. Avec l’aide du dessinateur Springer, il change cette fois-ci totalement de registre pour allier le sordide au cynisme. Le titre La petite souriante trompe aussi le lecteur. On pourrait croire à une comptine pour enfant d’école maternelle. Il s’agit en fait d’une reprise d’un thème d’une chanson écrite en 1908 par Dufleuve sur une musique de Raoul Georges, qui s’appelle « Elle était souriante ». Une petite châtelaine est enlevée par des brigands qui la pendent, la jettent du sixième étage ou encore la lardent de coups de couteau, mais

Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit’s fleurs grimpantes,
Avec de l’eau de son arrose soir.

Directement inspirée de cette chanson, La petite souriante, prend des allures de récit fantastique qui n’hésite pas à faire le pied de nez au rationnel. Les dessins de Springer qui jouent sur une palette minimaliste et modifient la couleur dominante à chaque ambiance contribuent largement à la violence et au malaise ressentis à la lecture. Premier degré, second degré ? Fable ou récit de science-fiction ? Le lecteur, comme le spectateur des films de Tarantino, se fera son idée rapidement et prendra le parti d’en rire, d’en frémir. Ou de passer son chemin. Mais une chose est certaine : il ne regardera plus, après sa lecture, les oiseaux au long cou comme avant. Et rechignera peut être devant un chapeau à plumes ou un steak d’autruches.

BD LA PETITE SOURIANTE

BD La Petite Souriante Scénario : Zidrou. Dessins : Springer. Éditions Dupuis. 70 pages. ISBN : 9782800168593. 14€50.

PARUTION LE 02/02/2018
Genre : Suspens & Thrillers
Collection : Dupuis « Grand Public »
Âge du lectorat : Adulte
État de la série : En cours
Album cartonné – 72 pages en couleurs
Hauteur : 258 mm / Largeur : 195 mm

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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