LE VOYAGE DE MÉLANIE EN BAIE DES MOCHONS, ROMAN GRINÇANT DE JEAN-CLAUDE LE CHEVÈRE

Le Voyage de Mélanie de Jean-Claude Le Chevère est celui d’une toute jeune fille de 14 ans. Elle fugue de son collège en même temps qu’elle fuit une mère volage, acoquinée avec le directeur de l’usine à cochons, pardon ! à « mochons », de son petit village de Bourg-les-Collines. Mais aussi un père restaurateur, époux abandonné et délaissé, qui plus est, par une clientèle qui ne veut plus de ses plats imprégnés des exhalaisons de la pestilentielle industrie d’élevage porcin locale.

Mélanie va fuir son village où l’on ne peut plus, tout bonnement, respirer sans l’aide d’un masque. L’accessoire, devenu vital, est aussi source de la subite et mirifique fortune d’un entrepreneur du coin qui a « senti » le rentable filon en fabriquant et vendant lui-même l’indispensable objet. De mèche, et copain comme « mochon », bien entendu, avec le directeur de l’infecte usine de production. L’argent n’a pas d’odeur, on ne saurait mieux dire…

Jean-Claude Le Chevère
Jean-Claude Le Chevère

La fuite de Mélanie, jalonnée sur son parcours de macabres découvertes, humaines et animales, l’amènera vers la mer, lieu, espère-t-elle, débarrassé d’agressifs miasmes de pourriture, après moult mystérieuses et réconfortantes rencontres en chemin avec des « résistants », comme elle, à ces ennemis exploiteurs et destructeurs de nos ressources et de nos vies. Elle trouvera sur son chemin la douce et mystérieuse Marie qui a fait de son jardin un étrange cimetière des victimes du commerce mortifère des « mochons » ; un boulanger ensuite, qui la fera entrer dans la « Chaîne » des insoumis en rébellion contre la funeste usine ; un barman retraité de la RATP enfin, philosophe à ses heures, dernier maillon de cet insolite enchaînement de personnages rencontrés sur le chemin jusqu’à la côte et la mer où Mélanie voudra revivre et retrouver un air enfin pur, débarrassé de ses funestes effluves.

Ce roman glaçant est, on l’aura compris, une charge en règle contre l’agriculture et l’élevage intensifs qui sévissent en Bretagne et, plus globalement, contre l’empoisonnement et la destruction progressive de notre planète et de son environnement. L’auteur sait de quoi il parle : il vit non loin des magnifiques rives de la baie de Saint-Brieuc désormais connue sous la triste appellation de « baie des cochons », empuantie et polluée depuis des décennies par une exploitation irréfléchie et sans limites de la terre, des hommes et des animaux. Si rien n’est fait, assistera-t-on à une désespérante migration, voire élimination, des populations autochtones ?

Le récit de Jean-Claude Le Chevère est une sombre mais lucide représentation de notre organisation sociale, de notre capacité à survivre sur cette terre et sur l’aveuglement et la cupidité de l’espèce humaine. Même si l’auteur la teinte d’humour et d’ironie pour la rendre, peut-être, un peu moins angoissante.

L’inquiétude sur ce terrain n’est pas nouvelle, bien sûr, Paul Valéry, lui-même, dans Regards sur le monde actuel, s’alarmait déjà du danger des pollutions en tout genre : « Songez à ce qui se consume chaque jour dans cette quantité de moteurs de toute espèce, à la destruction de réserve qui s’opère dans le monde. » Il avait écrit ces mots, prophétiques, en 1945, quelques semaines avant sa mort.

Le voyage de Mélanie, Jean-Claude Le Chevère, éditions Folle avoine, 2001, 118p., ISBN 978-2-86810-148-8, prix : 13 euros.

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