L’ouvrage L’Abbaye royale de l’Épau, huit siècles d’histoire, fruit d’une collaboration entre les éditions 303 et le département de la Sarthe, est paru en novembre 2024. Cette publication offre un voyage captivant à travers les siècles : elle explore l’histoire fascinante de cette abbaye cistercienne fondée au XIIIe siècle par Bérengère de Navarre, veuve de Richard Cœur de Lion. S’appuyant sur des recherches historiques et archéologiques récentes, le livre apporte un éclairage nouveau sur ce joyau architectural, agrémenté d’illustrations détaillées.
L’Abbaye royale de l’Epau est un site empreint « d’histoire, de mystère, de beauté, où chaque pierre raconte une époque révolue et où chaque rayon de soleil illumine un pan oublié du passé », tels sont les mots de Dominique Aubin, présidente de Sarthe Culture. Pour mettre un peu plus en valeur chacune de ces pierres, les éditions 303 racontent ce patrimoine religieux, offrant aux lecteurs une immersion dans ce site cistercien remarquable, à travers ses couloirs, ses jardins et son histoire.
Cette construction abbatiale est fondée à l’est de la ville du Mans au XIIIe siècle, vers 1229-1230, à l’initiative de la reine Bérengère de Navarre, veuve de Richard Cœur de Lion. L’abbaye est conçue comme un lieu de culte masculin, alors appelé le monastère cistercien de la Piété-Dieu, tout en étant destinée à abriter la sépulture de sa fondatrice à son décès. Cette fondation s’inscrit dans une tradition familiale de soutien à l’ordre cistercien et témoigne du désir de la reine de laisser une empreinte durable.
L’Abbaye en trois échos historiques
- Bérengère de Navarre : La reine méconnue qui marqua l’histoire du Mans
Sanche VI, baptisée Bérengère afin de commémorer la paix déclarée en 1158 avec le roi d’Aragon, Raymond-Bérenger IV, est l’infante du roi de Navarre. Elle voit le jour en 1160. En 1190, les négociations entre Navarre et Aquitaine aboutissent à un mariage entre elle et le désormais roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion ; leur mariage est célébré en 1191 lors d’une escale à Chypre. Mais à la mort de ce dernier en 1199, jeune veuve sans enfant, Bérengère cède ses droits au roi Philippe Auguste en échange de la suzeraineté sur la ville du Mans et sa proche région.
Elle devient la Dame du Mans, un titre qu’elle conservera jusqu’à sa mort en 1230. Femme de pouvoir, son autorité s’étend à la perception des impôts, l’administration de la justice, le contrôle de la prison et le respect des poids et mesures. Son influence est importante : elle mène une activité diplomatique auprès des cours d’Angleterre, de France, de Navarre, de Champagne, de Sicile et s’inscrit même comme alliée de la papauté. En 1220, elle fait construire l’abbaye de l’Epau, monastère destiné à sauvegarder sa mémoire personnelle. Une entreprise couronnée d’un succès – seulement quelques siècles plus tard – au XIXe.
Bérengère devient un modèle politique pour les femmes de lettres et une héroïne de fiction sous la plume du romancier Walter Scott.
- Le gisant de la Dame du Mans, monument funéraire d’une reine
L’ouvrage présente une étude iconographique riche du gisant de la reine : son chevet surplombé d’une grande verrière, vues des côtés du tombeau, des décors riches et détaillés…
Bérengère repose, portant les attributs dignes d’une reine : une longue robe au col fermé d’une broche sertie de pierreries et pourvue d’une ceinture à motif, un manteau-cape retenu par un cordon ; sa tête est ceinte d’une couronne somptueuse, tandis que deux animaux symboliques trônent à côté de ses pieds, un lion et un chien. Entre ses mains, elle tient un livre dont la couverture arbore une représentation miniature d’une reine, sculptée entre deux grands cierges, symbolisant l’âme de la défunte recommandée à la prière
Le mausolée est parcouru de détails illustrant les codes de son époque et l’histoire familiale de la Dame du Mans : « le rendu du plissé de la robe de Bérengère s’inscrit dans le courant formel des années 1230 », tandis que « le décor de la cuve fait écho à celui de la tombe de Gautier de Pontoise, ville relevant du douaire de Blanche de Castille ».
- Splendeurs gothiques : Les peintures murales de la sacristie, joyaux du XIIIe siècle
L’abbaye est un exemple emblématique du « gothique rayonnant », une expression architecturale raffinée qui s’est épanouie aux XIIIe et XIVe siècles. Ce style se distingue par sa recherche d’équilibre entre la solidité de la pierre et la légèreté du verre. Ses traits caractéristiques incluent l’utilisation de rosaces spectaculaires comme éléments décoratifs centraux et la prolifération de chapelles latérales le long de la nef.
La maison d’édition présente alors l’analyse de Claude Andrault-Schmitt, historienne de l’art médiéval, qui se penche notamment sur les décors exceptionnels de la sacristie en enrichissant son étude d’illustrations photographiques.
Et tel que l’historienne de l’art le dit : « On peut reconnaître des épisodes de la vie du Christ et de celle de Jean Baptiste, ou un saint évêque face à des moines […]. D’autres fragments peints ont été découverts ici et là, témoignant de la volonté d’habiller la pierre et de multiplier les sujets de méditation pour les lieux de vie ».
L’Abbaye Royale de l’Epau, huit siècles d’histoire. Éditions 303. 128 pages. 16€. Parution : novembre 2024. Découvrir un extrait