Faim de littérature, retour vers les petits commerces, la brimade du confinement continue ses effets positifs sur la vente de livres en librairie. Et l’excellence de la rentrée littéraire ne peut qu’accentuer ce phénomène. Avec les premières sélections des grands prix littéraires, la première sélection du Goncourt paraîtra le 15 septembre, et les nouvelles parutions du mois, espérons que septembre confirme cette modeste relance du monde de l’édition.
Et pour cela, la littérature française peut compter sur deux auteurs qui se font rares, mais qui marquent chaque fois l’esprit des lecteurs. Depuis Continuer (Éditions de Minuit, 2016), nous attendions un nouveau roman de Laurent Mauvignier. Avec Histoires de la nuit (Éditions de Minuit, 3 septembre 2020), nous retrouvons le talent narratif, la complexité des personnages, la qualité de la construction qui font de Laurent Mauvignier un écrivain exceptionnel. À La Bassée, le destin d’une famille d’agriculteurs va basculer en une nuit suite à l’intrusion d’inconnus lors d’une fête surprise d’anniversaire. Violence, vengeance, la tension dramatique tient ce roman jusqu’à la dernière ligne.
Si Emmanuel Carrère n’a rien publié derrière Le royaume (P.O.L, 2014), c’est en partie à cause d’une dépression survenue au cours de l’année 2015. Yoga (P.O.L, 27 août 2020) est le récit de cette crise, mais aussi de sa quête pour la délivrance et la rédemption en passant toujours par la découverte d’autres vies au fil de ses rencontres. Un livre remarquable sur la difficulté d’être soi.
L’art peut-il tuer ? Trois hommes fortunés collectionneurs d’art contemporain sont retrouvés morts et affreusement mutilés. Un expert d’art international est mandaté pour mener l’enquête. Avec Efface toute trace (Viviane Hamy, 3 septembre 2020), François Vallejo nous offre une réflexion sur l’art contemporain et notamment le street art. Un roman à tiroirs dont il faudra trouver la clé.
On connaissait Gringe en rappeur ou bloqué sur son canapé avec Orelsan. Avec Ensemble, on aboie en silence (Harper Collins, 9 septembre 2020), il propose un roman mélancolique sur son lien avec son frère, Thibault, diagnostiqué schizophrène. C’est l’histoire d’une fraternité contre une maladie tragique et toujours taboue.
Lauréate du Man Booker Prize 2019, Bernardine Evaristo livre avec Fille, femme, autre (Éditions Globe, 2 septembre 2020, traduit de l’anglais par Françoise Adelstain) un récit polyphonique sur la quête d’identité de onze femmes et un trans âgés de dix-neuf à quatre-vingt-treize ans. C’est un roman fusion qui s’étale du XXe siècle aux mouvements récents de #Metoo et #Blacklivesmatter.
C’est toujours un événement de pouvoir lire le romancier et cinéaste chinois Dai Sijie, célèbre pour son roman culte Balzac et la petite tailleuse chinoise. Les caves du Potala (Gallimard, 3 septembre 2020) nous emmène en 1968 dans un palais tibétain. Bstan Pa, ancien peintre du dalaï-lama y est retenu prisonnier et torturé par des étudiants des Beaux-arts, gardes rouges fanatisés. Le vieux peintre se souvient de son apprentissage de l’art bouddhique. Que peut la violence des hommes contre la beauté ? Un roman dépaysant d’une sensualité étonnante dans la description de l’art tibétain.
Depuis sa série guyanaise et son roman Seul les bêtes plusieurs fois primés, Colin Niel est un auteur incontournable de la littérature noire française. Entre fauves (Le Rouergue, 2 septembre) met en scène Martin, garde au Parc national des Pyrénées. Il travaille notamment au suivi des derniers ours. Quand il tombe sur la photo d’une jeune femme, arc de chasse en main au pied de la dépouille d’un lion, il n’a plus qu’un seul objectif : la retrouver et la livrer en pâture à l’opinion publique. Mais que s’est-il réellement passé quelques jours plutôt ? Entre chasse au fauve et chasse à l’homme, dans les Pyrénées enneigées ou dans un désert de Namibie, Colin Niel tisse une intrigue cruelle où aucun chasseur n’est jamais sûr de sa proie.
Ragnar Jonasson aime son public français. C’est pour lui montrer qu’il a décidé de publier son prochain roman en avant-première mondiale en France, deux mois avant sa parution en Islande. Siglo (La Martinière, 3 septembre 2020, traduit par Jean-Christophe Salaün) est le sixième tome de la série qui met en scène l’inspecteur de police Ari Thor. À la veille d’une tempête de neige, Ari Thor est appelé en pleine nuit à se rendre à Siglufjördur ou Siglo, un petit port de pêche du nord de l’Islande, où l’on vient de découvrir le corps d’une adolescente dans la rue principale. Accident ? Ce n’est pas ce que semble penser un vieux pensionnaire sénile de la maison de retraite voisine…
La rentrée littéraire se fait aussi en format poche. Commençons en musique avec Où bat le coeur du monde (Livre de Poche, 2 septembre 2020). Philippe Hayat nous embarque dans une grande aventure de la Tunisie française à l’Amérique ségrégationniste en passant par la guerre en Europe sous le swing remarquable d’un personnage inoubliable. À la manière de Billie Holiday, la magie de ses notes touche « ce point précis où bat le cœur du monde. »
Manuel Mena, grand-oncle de Javier Cercas, est peut-être celui qui a influencé son œuvre littéraire. Le monarque des ombres (Babel, 2 septembre 2020, traduit par Aleksandar GRUJICIC) retrace le parcours d’un jeune homme qui a lutté pour une cause moralement indéfendable et est mort du mauvais côté de l’histoire, victime d’une idéologie toxique.
Eshkol Nevo, auteur israélien, est présent dans la rentrée littéraire avec son nouveau roman La dernière interview (Gallimard, 20 août 2020, traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche), mais vous pouvez aussi retrouver son précédent roman Trois étages en version poche chez Folio (3 septembre 2020, traduit de l’hébreu par Jean-Luc Allouche). Une comédie douce amère autour des petits secrets des résidents d’un petit immeuble de Tel-Aviv.