Adey pose ses lapins sur le MUR de Rennes

Les lapins de la pochoiriste caennaise Adeline Yvetot, aka Adey, font le MUR de Rennes jusqu’à la fin du mois de mars 2023. Spécialisée dans la technique de la double découpe polychrome, elle crée des mondes picturaux figuratifs dans lesquels ces animaux touffus aux longues oreilles l’accompagnent au fil de ses pérégrinations artistiques. À Rennes, dans une ruelle pavée, les rôles sont échangés, des lapins peignent des visages de personnes sur les murs. Des visages peuvent vous sembler familiers, savez-vous pourquoi ? Suivez Adey, elle vous montrera le chemin…

Le MUR de Rennes, lieu d’exposition en plein air 34 rue Vasselot, change au fil des mois, au fil des saisons. Chaque artiste y apporte sa touche, pose sa pierre à cet édifice du street art initié en 2019. Après Sane2, c’est au tour de l’artiste Adey, Adeline Yvetot de son nom de naissance, de s’approprier ce tableau grand format. Des lapins peignent en catimini, menacés par la lumière d’un gyrophare au loin, des visages sur les murs d’une ruelle pavée…

adey mur rennes
© Monique Sammut

Les débuts dans le monde de l’art d’Adeline Yvetot, Adey de son nom d’artiste, se font par la porte de la peinture, du dessin et de la photographie. Après une première année à l’école des beaux-arts de Caen, elle arrête peu satisfaite de la formation. « L’école n’encourageait pas forcément la pratique de techniques classiques comme le dessin et la peinture. Plus portée sur les arts média », souligne l’artiste dont le propos résonne avec celui d’Ador interviewé en août 2022 à l’occasion de la sortie de son livre. La pochoiriste commence alors réellement à expérimenter la photographie qu’elle utilise comme modèle pour ses dessins. Son travail s’inscrit, dans un premier temps, dans le milieu associatif culturel caennais. « Il peut m’arriver de faire du photomontage ou de redessiner des zones à la main, pour transformer différents endroits si besoin, mais je dessine toujours à partir de photos. »

Sa rencontre avec Artiste Ouvrier en 2008, lors d’une exposition où tous ont été artistes invités, fut décisive dans la suite de son parcours. Il lui ouvre un nouveau chemin artistique qu’elle suivra auprès de cet artiste, devenu son ami, puis son formateur. Il lui apprend la technique de double découpe polychrome qu’il a développée et transmise à plusieurs artistes qui forment le collectif WCA (Working Class Artist), dont Artiste Ouvrier est le fondateur, structure informelle que l’on peut définir comme une université libre de pochoir. Contrairement à d’autres street artistes au passé vandale, c’est la maîtrise du pochoir qui l’a conduite à travailler en extérieur et à quitter la solitude de l’atelier pour peindre en public, faire des performances pendant des festivals ou autres événements culturels.

La double découpe polychrome consiste à imprimer une photo en deux exemplaires, ceux-ci permettront de traiter les ombres et les lumières. Sur le premier vont être traités les couleurs les plus foncées, les ombrages, on l’appelle le pochoir des noirs. Sur le deuxième, les couleurs les plus claires, les lumières, le pochoir des blancs. « Les deux sont complémentaires et toutes les couleurs intermédiaires sont placées à main levée. On peut avoir un résultat en noir et blanc sur fond gris, comme un résultat multicolore d’où le terme de double polychrome. On peut mettre plusieurs couleurs à main levée et avec le même pochoir, ce n’est pas un pochoir par couleur. » Le street artiste français leur transmet ce savoir-faire comme un artisan à ses apprentis avant que chacun puisse se l’approprier. « La bascule vers le pochoir s’est faite naturellement du fait que je travaillais déjà d’après des photos. »

adey street art
Fabrique Apefim1 © Adey

S’appuyant sur le médium photographique, Adey s’est toujours inscrite dans un style figuratif. « Le fait même de commencer à m’intéresser à la technique et à suivre cette formation un peu à l’ancienne, c’était déjà faire partie du collectif. » La panoplie de sujets qu’elle aborde révèle sa curiosité, mais au milieu de cette diversité, force est de constater qu’elle possède une aspiration particulière pour tout ce qui est lié au voyage, à la curiosité des différentes cultures et à ses démarches de rencontre avec ces dernières. Les rencontres et les voyages nourrissent ainsi son travail, comme les temples découverts en Inde qui ont alimenté plusieurs de ses créations. Et dans cet univers entre réalisme et onirisme, la figure du lapin arrive dans sa pratique pendant un voyage à Berlin, la semaine du weekend de Pâques.

De retour de ce voyage particulièrement plaisant, elle peint un lapin pour « marquer le coup ». Celui dont on ne doit pas prononcer le nom en mer ne la quittera plus et l’accompagne désormais dans toutes ses nouvelles aventures artistiques. Symbole de l’intuition, de la capacité à lâcher prise et de la découverte, cette mignonne boule de poil personnifie l’idée de nous emmener dans des contrées inconnues. Adey trouve en lui son animal totem, « puis il fait écho à des références que j’aime bien comme Alice aux pays des merveilles ».

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En 2014, elle cofonde le labo des arts, un lieu de résidences artistiques à Caen. Ce projet collectif propose des résidences d’artistes issus de plusieurs pôles, en particulier la danse et les arts plastiques, les parents pauvres de la culture à Caen contrairement au théâtre dont il existe beaucoup de lieux dédiés dans la capitale normande. Après avoir administré le lieu pendant trois ans, Adey se consacre à son art à part entière. « Maintenant, j’aime bien rencontrer des collectifs, des assos et travailler avec eux ponctuellement sans pour autant avoir cette implication quotidienne, cette responsabilité de l’engagement quotidien », avoue-t-elle. « C’est une chose magnifique et une super expérience, mais j’ai un peu moins d’énergie à consacrer. »

Aujourd’hui, elle peint autant en intérieur qu’en extérieur, la différence dans la manière de procéder est plus en termes de format que d’espace. « Je vais insérer plus de peintures à main levée en extérieur sur du grand format comme sur le MUR de Rennes avec l’escalier qui n’est qu’un seul pochoir », explique Adeline. La luminosité est amenée à main levée, tout comme les murs sont peints à la main. Pour sa carte blanche sur le MUR de Rennes, les rôles sont inversés. Sa proposition est une réponse à la carte postale éditée à l’occasion de son passage à Rennes. On y voit un lapin qui vient de se faire arrêter par la police. Dans la continuité, les petits amateurs de carotte sont mis en scène en train de graffer l’artiste et les membres de l’association du MUR. « J’induis un peu l’idée que, quand on ne les regarde pas, ils sont aussi responsables des formes figuratives qu’on interprète dans les formes abstraites des craquements de murs, des feuillages, des nuages, ce qu’on appelle la paréidolie », comme le lapin que forme les cratères de la lune quand elle est pleine.

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Les lapins quitteront leur terrier rennais douillet fin mars 2023, mais seront à visiter au café culturel La Jolie môme de Paris, dans une exposition qui dort depuis quatre ans à cause de la pandémie. Les lapins célèbres de tout temps – ceux présents dans la mythologie, dans les contes et légendes, mais aussi la littérature et les films -, seront réunis pour nous conter une histoire en images. « C’est comme si un lapin racontait toutes ses aventures avec une référence à ces lapins célèbres à chaque fois », de Peter Rabbit à Roger Rabbit, en passant justement par le lapin qui squatte la surface de la lune. En attendant l’ouverture le 6 avril, gardez l’œil ouvert et si jamais vous n’apercevez pas le lièvre de Jade, vous trouverez aisément ceux qui résident 34 rue Vasselot.

Adey

MUR de Rennes

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