BD. Adieu Birkenau, témoignage de Ginette Kolinka

Adieu Birkenau Ginette Kolinka AlbinMichel
Adieu Birkenau de Ginette Kolinka, Efa, Cesc, Matet, Morvan. Éditions Albin Michel, 2023.

Ginette Kolinka a survécu à Auschwitz. Quatre-vingts ans plus tard, elle témoigne sur place, une dernière fois, auprès des jeunes générations avec Adieu Birkenau aux éditions Albin Michel. Puissant et indispensable. 

Comme une urgence, une nécessité. Les dernier(e)s survivant(e)s de la Résistance ou des camps de concentration nazis s’éteignent peu à peu. Documentaires, livres, BD se multiplient pour que les témoignages directs soient inscrits à jamais dans l’Histoire, à l’heure des révisionnismes de tout poil. Madeleine Résistante (Dupuis), avec Bertail au dessin, dont le tome 2 vient de sortir, rencontre un succès phénoménal. Le récit de Madeleine Riffaud, recueilli par Jean David Morvan, dit le combat et les souffrances d’une jeune femme engagée à lutter contre l’occupant nazi. C’est une autre femme, âgée de 95 ans qui témoigne cette fois-ci avec Adieu Birkenau de l’univers concentrationnaire nazi. Elle s’appelle Ginette Kolinka. Elle accompagne une dernière fois, en 2020, un groupe de jeunes à Auschwitz parce que, dit elle, « je ne sais pas dire non ». Victor Matet, journaliste à France Info et JD Morvan, de nouveau, partent avec elle. Plus de vingt ans se sont écoulés depuis son premier retour dans le camp et elle décide que ce sera son dernier voyage vers « le plus grand cimetière du monde », un cimetière pourtant sans tombes.

Entre souvenirs et visite sur le site, c’est l’histoire d’une femme touchante qui apparaît sous les yeux des lecteurs. Touchante et gaie, heureuse de vivre, insouciante comme elle l’est lors de son arrestation avec son père, son frère, son neveu, malicieuse et espiègle avec les jeunes lors de la visite de Birkenau. Pour garder une certaine distance peut-être, mais aussi parce qu’elle est ainsi, Ginette, faite pour embrasser l’existence, une aptitude à la joie qui l’a certainement aidée à se maintenir en vie. Son père, son frère sont morts sur place, trop vieux et trop jeune pour le travail, à la suite d’un tri rapidement effectué qui décidait de votre sort. Seule survivante de la famille déportée, elle culpabilise.

Rencontre exceptionnelle avec Ginette Kolinka Médiathèque André-Malraux Lisieux
Rencontre exceptionnelle avec Ginette Kolinka Médiathèque André-Malraux Lisieux Mercredi 20 décembre

La visite sur place avec les jeunes est magnifiquement dessinée par les créateurs espagnols Cesc et Efa qui ont la délicatesse, par des traits sobres, de montrer l’horreur avec la distance nécessaire. Le présent se mélange dans une même case avec les évènements du passé, mettant en relation directe les déportés avec les collégiens. Un télescopage qui frappe les consciences telle la sélection faite par Ginette des enfants de la classe, comme s’ils débarquaient des trains : « toi tu es mort »« toi tu vis encore un peu »« toi tu passes, ainsi que toi », une manière directe de faire comprendre l’Histoire.     

Les propos de Ginette enregistrés sur place évitent le pathos, ce n’est pas le genre de la dame, et son récit n’en a que plus de force. Parfois même l’humour soulage la tension du témoignage.. Ginette dit les lieux, les atrocités sans fioriture. Elle dit aussi le travail sélectif de la mémoire, cet oubli involontaire pour permettre de survivre puis de vivre lors du retour. Comme beaucoup, il lui faudra un demi-siècle pour expliquer à son fils Richard, batteur du groupe Téléphone, la signification du chiffre 78599 tatoué sur son bras gauche, seul signe visible aujourd’hui des horreurs subies.  

  • Adieu Birkenau
Ginette Kolinka AlbinMichel
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Ginette Kolinka AlbinMichel
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Ginette Kolinka AlbinMichel

C’est une dénonciation qui a fait arrêter Ginette et des membres de sa famille, cet acte odieux qui fut une des causes principales des arrestations de juifs, parfois pour un conflit de voisinage, parfois pour espérer récupérer un logement. Lorsqu’elle rentre à Paris, elle a 20 ans et pèse 26 kilos. Elle retrouve le logement rue Jean-Pierre Timbaud dans le XIème arrondissement de Paris où elle a toujours vécu, à l’exception des années de 1942 à 1945. Elle a tout laissé en l’état, conservant même les meubles probablement laissés par les spoliateurs. Sans haine. Voulant s’appliquer peut-être à elle-même ce qu’elle déclare être son cheval de bataille : « la tolérance. Musulmans, catholiques, juifs, athées, on est tous pareils, avec un nez, une bouche, des oreilles. Ce serait formidable de s’en rendre compte. Pour que tout cela ne recommence pas ».1

Madeleine comme Ginette n’étaient pas trop d’accord pour que la BD s’empare de leur histoire. Les récits illustrés les renvoyaient à leur référence d’enfance : Mickey, Les Pieds Nickelés. Finalement convaincues, elles peuvent être aujourd’hui rassurées. Confiées à des scénaristes et des dessinateurs de talent, leurs destinées touchent de la sorte un public plus large, parfois plus jeune. Une transmission indispensable pour éviter le renouvellement de telles horreurs. 

Adieu Birkenau de Ginette Kolinka. Scénario : J-D Morvan et Victor Matet. Dessin: Cesc et Efa. Couleurs : Roger Sole. Éditions Albin Michel. 112 pages. Parution : 2 octobre 2023. 21,90€.

Un cahier de 13 pages « Ginette Kolinka, itinéraire d’une survivante » écrit par Tel Bruttmann et accompagné de multiples photos et documents d’époque, complète très utilement la BD. 

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1 Actualité Albin-Michel N° 3

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Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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