Le talent de passeur de langue de notre ami Albert Bensoussan vient d’être récompensé ce mardi 27 février 2024 par le prestigieux prix Diálogo, attribué par une association éponyme fondée à Madrid en 1983 et dont les Présidents d’Honneur sont le Roi d’Espagne et le Président de la République française. Il le partage avec Mario Vargas Llosa, Prix Nobel et académicien fraîchement élu, malheureusement retenu au Pérou.
Le prix Diálogo a pour objectif de promouvoir et de renforcer les relations franco-espagnoles à travers des acteurs de différents horizons œuvrant dans les domaines économique, scientifique comme culturel. C’est ainsi que Carlos Saura et Isabelle Huppert auront été distingués en 2018, Javier Cercas, écrivain, en 2019, María del Carmen Domínguez et Valérie Masson-Delmotte en 2020 pour leurs recherches sur le climat… Dans un tout autre registre, l’Opéra national de Paris et le Teatro Real de Madrid en ont été les lauréats en 2022.
Une succession prestigieuse donc au côté de Mario Vargas Llosa dont il a traduit tous les livres. Un traducteur inlassable, car la plupart des grands auteurs d’Amérique latine et quelques fameux noms d’Espagne seront passés entre ses mains… euh… lui auront confié leurs manuscrits. Il en va ainsi de Juan José Saer, José Donoso, Guillermo Cabrera Infante, Manuel Puig, Juan Carlos Onetti, etc. pour de grandes maisons (Gallimard, l’Herne, Seuil…) ou des maisons indépendantes (Unamuno, Zoé Valdés et bientôt Héctor Abad à La Part Commune). Albert Bensoussan fait référence dans son discours de réception à Jérôme, ce moine slovène patron des traducteurs, célébré par Valery Larbaud, qui s’immergea plus de trente ans à Bethléem pour rendre compte en latin des Testaments. Il parle bien sûr et surtout de l’art de traduire. Trahison ou inévitable imperfection ? Création véritable, simple voix de passage, tour de passe-passe, indécidable alchimie, main invisible ? Faisons confiance à Albert, quoique je veux bien parier avec vous qu’il nous dira tout sans que nous ne sachions rien de son mystère. N’oublions pas non plus qu’il écrit poèmes, récits et romans (une trentaine d’ouvrages publiés pour les plus récents aux éditions Al Manar, Apogée, Le Réalgar ou encore Gallimard et La Part Commune). Sans compter ses essais et autres biographies, par exemple son cri d’amour pour Piaf comme sa tendresse pour Verdi. Sans compter non plus ses chroniques généreuses sur les livres et les auteurs qu’il aime dans En attendant Nadeau, Europe ou ici même, sur la plate-forme culturelle Unidivers.
Cette journée du 27 février 2024 aura été une journée chargée, car la cérémonie de remise du prix à l’ambassade d’Espagne à Paris fut précédée par une table-ronde en hommage à son ami Jean Canavaggio, récemment disparu, qui n’aura eu de cesse d’interroger Miguel de Cervantès y Saavedra (il recevra le prix Goncourt de la biographie en 1986). Jean Canavaggio avec qui il formait le binôme de tête lors de l’agrégation d’espagnol de 1960… Je ne peux m’empêcher en bouclant cet article d’imaginer ces deux inséparables en duo donquichottesque. Inutile de chercher à savoir qui des deux sera Sancho Panza, n’est-ce pas ?
¡ ¡enhorabuena Albert, un abrazo fuerte ! (Félicitations Albert, mon affection !)
Prix amplement mérité et qui me réjouit au-delà des mots!