Alienoid, protecteurs du futur. Un blockbuster qui mélange SF, fantasy et théâtre coréen

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Depuis des millénaires, des Aliens qui refusent un monde en paix sont, une fois arrêtés placés par leurs compatriotes qui refusent la guerre, déportés vers la planète Terre où ils sont enfermés dans des corps humains en guise de condamnation. Quand l’humain meurt, son habitant parasite aussi. Mais les prisonniers peuvent, sous certaines conditions et en perdant leur mémoire, s’extraire des corps humains durant quelques secondes afin d’envahir un humain plus jeune ou en meilleure santé. Afin d’empêcher ces menaces d’évasion, un Gardien envoyé du futur est posté sur Terre. Mais lorsqu’une bande de méchants Aliens viennent chercher sur Terre leur commandant en chef (le Contrôleur) pour le libérer ainsi que tous leurs comparses prisonniers, les choses se gâtent… En parallèle, des siècles plus tôt, une mystérieuse élue capable de dompter la foudre parcourt le pays à la recherche de l’Alien Contrôleur. Des quêtes parallèles de ces Voyageurs du Temps dépendra le salut de l’Humanité…

630, période Goryo, alors que des guerriers taoïstes sont à la recherche de la Lame divine, épée permettant de voyager dans le temps, un étrange véhicule apparait dans le ciel et sème le chaos dans le village.

2022, alors que la jeune Ean en fait voir à son père de toutes les couleurs, un vaisseau extra-terrestre apparait dans le ciel. Les Aliens qui en sortent n’ont qu’un but : investir des cerveaux humains.

Invasions extra-terrestres et voyages dans le temps se conjuguent dans une boucle tout à fait réussie et non sans inventivité. Le spectateur suit des personnages à travers 2 ou 3 espaces-temps qui se chevauchent dans une histoire cohérente. Au service de cette histoire bien menée : des arts martiaux, de la magie, des robots, des aliens, des vaisseaux. Mais aussi des gestes grands, beaux et ralentis qui, comme de grands bonds des initiés, défient la pesanteur dans l’esprit Tigres et dragons. Les paysages sont, comme leur envers que sont les effets spéciaux, réussis. Le dispositif scénarique fonctionne bien à part de menues incohérences.

La principale prend place durant la longue scène catastrophe façon Gozilla. Conformément aux codes du blockbuster SF, elle montre une course-poursuite dans le centre de Séoul. Dans son superbe vaisseau spatial hi-tech esthético-flambant neuf, un méchant Alien tout flippant (qui est venu délivrer son chef, le Contrôleur, qui est emprisonné sur terre…) prend en chasse un inspecteur de police. Là, on s’étonne que les moyens mis en oeuvre soient si destructeurs étant donné que – sans divulgâcher – on sait que si l’inspecteur meurt, le contrôleur aussi…

Pour le reste, le réalisateur convoque une question classique dans la SF : sommes-nous seuls sur terre, les aliens existent-ils, sont-ils déjà là, où logent-ils, notre vision du réel est-elle manipulée ?

Dans ce cadre réflexif, ce que nous avons aimé, c’est l’histoire grâce au jeu des acteurs. Un jeu qui, dans la veine asiatique, reste conservateur malgré l’adoption de codes inspirés par la jeunesse occidentale telle qu’elle est véhiculée par le cinéma hollywoodien. Ici, les acteurs coréens n’hésitent pas à rappeler que leur jeu, comme tout spectacle, s’inscrit dans l’art théâtral. Les gestes corporels sont marqués, les voix travaillées, des expressions orales ou faciales empruntent au comique, parfois même au loufoque ; l’ensemble rappelle que tout cela, ce film, n’est que comédie. Ce faisant, ce blockbuster Alienoid résiste à l’implacable mais également problématique habitude normative instaurée par le cinéma américain : jouer d’une manière spontanée et naturelle de telle sorte que le spectacle fasse croire qu’il est réalité et ainsi s’y substituer. Au-delà de la question éminemment philosophique de la contrefaçon du réel, cette tendance des acteurs occidentaux à produire clins d’oeil à destination des spectateurs, entre complicités stéréotypées et appels pseudo-héroïques à briser le quatrième mur me semble desservir la puissance évocatoire de l’art. Dans Alienoid, il n’y a aucune tentation de faire croire aux spectateurs à une immersion dans du réel, pas plus que le contraire d’ailleurs. Aussi en ai-je tiré une impression bien agréable : celle de regarder se dérouler un conte, un conte à l’exposition occidentale, aux motifs coréens et à l’exposition coréo-occidentale. Un conte qui sait mêler les âges, les temps et les sentiments sans prétendre n’être rien d’autre qu’une bonne histoire classique qui incorpore des motifs de la SF et de la fantasy.

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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