Effet de bord de la crise malienne, la prise d’otage du site gazier d’In Amenas en Algérie se solde, pour l’instant, par la mort de 35 otages mais aussi de 15 terroristes. Pour autant, ce sont aussi 600 otages algériens qui ont été libérés dans cette opération.
Le premier ministre du Japon, dont certains ressortissants sont présents sur le site, demande un arrêt des opérations de l’armée algérienne. Le premier ministre de la couronne britannique s’offusque que les autorités algériennes n’aient pas communiqué sur le sujet. La comparaison avec la prise d’otage du théâtre de Moscou est de plus en plus citée. Ces commentaires à chaud oublient que cette prise d’otage ne vise aucunement une rançon. La prise d’otage d’In Amenas constitue un véritable acte de guerre dans un terrain bien plus ouvert qu’un simple bâtiment.
Tous les experts militaires s’entendent pour dire que dans de telles circonstances, il est impossible de libérer des otages sans effusion de sang. Si aucun chiffre officiel n’indique le nombre d’otages retenus par une poignée de terroristes lourdement armés et véhiculés, il est avancé qu’ils seraient plus de 800, soit un chiffre comparable à ceux du théâtre russe. Mais avec une multitude de bâtiments, de caches, la difficulté de déterminer qui sont les terroristes sachant qu’ils sont susceptibles de se mêler aux otages, une opération de libération s’avère nécessairement aléatoire.
En matière de revendication, elles sont tout simplement inacceptables : la libération de terroristes emprisonnés en Algérie et la possibilité d’exfiltrer les otages réputés les plus lucratifs. L’Algérie ne souhaite pas qu’In Amenas crée un précédent pour d’autres groupes terroristes qui pourraient s’en prendre à d’autres sites du sud du pays. In Amenas produit 18 % des exportations gazières du pays, une manne financière considérable.
La large variété de nationalités présentes parmi les otages empêche les autorités algériennes d’informer de manière trop précise des opérations à venir. En effet, multiplier les contacts risque de multiplier les fuites, sans compter que l’Algérie a des liens plus étroits avec la France, voire la Russie, qu’avec le Royaume-Uni ou les États-Unis. Du reste, lorsqu’un ressortissant d’un pays maghrébin se retrouve otage sur le sol d’un pays occidental, ce dernier appelle-t-il ses homologues étrangers pour décider de l’action à mener ? Certains, algériens ou non, perçoivent dans cette conception la désagréable trace d’une vision colonialiste du monde où les seuls pays décideurs et experts devraient être les pays riches. A fortiori, la connaissance du terrain et des forces en présence est sans conteste du côté algérien. Le commandant Prouteau, fondateur du GIGN, soulignait l’expérience considérable des militaires algériens dans de tels théâtres d’opérations.
35 ou 600 ? Toujours la question si ambiguë des chiffres. Certes, quel horrible décompte dans ce théâtre russe que 129 otages morts pour 39 terroristes tués. Pourtant, à côté des chiffres, ce qui retient l’attention, c’est l’effet domino d’un conflit malien qui est lui même un effet de bord du conflit libyen et des armes libérées lors de la chute de Khadafi. Sans parler de l’absence de règlement d’une situation malienne qui a vu une partie de ses populations du Nord massacrée dans l’indifférence générale. Et c’est encore à la colonisation, à sa sortie et au tracé des frontières inhérent qu’elle renvoie. Un demi-siècle après, les morts africains ne sont toujours pas relatés dans les journaux, sauf quand des Occidentaux sont touchés.