Deux projets ont été retenus par le Comité de sélection de l’appel à projets artistiques Unidivers 2015 : La marche brisée et Fugitive promenade vibrante. La marche brisée est une série work in progress de 10 à 16 créations créée à quatre mains par Anna-Maria Le Bris et Francesco Ditaranto. Le 1er numéro de La marche brisée paraîtra vendredi 6 mars.
Présentation du projet et des artistes lauréats par eux-mêmes.
Francesco Ditaranto
Né en 1983, vit et travaille actuellement entre l’Italie et la France (Bretagne)
Diplomé d’une formation universitaire en Sciences politiques et Relations internationales, je suis journaliste indépendant et écrivain. À la suite d’expériences dans la coopération internationale et le commerce équitable, j’ai obtenu un master en journalisme d’enquête à la fondation Lelio Basso de Rome. Lors de deux années où j’ai vécu à Rennes, j’ai rencontré des photojournalistes avec qui j’ai collaboré – notamment Julien Ermine, pour un reportage au sujet des migrants et de l’antiracisme. Je suis actuellement rédacteur en chef de Radio Città Fujiko à Bologne et correspondant de l’Italie pour le mensuel français Le Peuple Breton.
Je m’intéresse depuis toujours à l’individu et aux relations qu’il entretient avec l’environnement dans lequel il vit. En utilisant le double axe individu/environnement, je me concentre sur les histoires de personnages marginaux ou marginalisés, focalisant l’attention sur l’anti-héros. Ainsi, en octobre 2014 a été publiée la bande dessinée dont je suis scénariste : « Io dov’ero ? » (maison d’édition Lavieri). Elle relate l’histoire vraie d’un ouvrier tellement immergé dans le présent qu’il ne s’aperçoit pas que l’Histoire – la chute du Mur de Berlin – se passe devant lui. Là encore, et comme dans beaucoup de mes récits, on ne saura jamais vraiment si le rejet de la réalité est une chose consciente, inconsciente, voire les deux en même temps… La BD a été présentée au Festival international de l’Histoire de Bologna et est en cours de traduction française et bretonne.
Dans mon travail, j’utilise tous les jours le langage du récit appliqué au reportage journalistique et au scénario : c’est cette écriture essentielle et lapidaire que j’aime employer également dans mes récits. La structure, la forme du texte et la force de chaque parole ont une grande importance pour moi.
Mettant en évidence les limites et les défauts des hommes, j’essaye de limer la frontière entre normalité et anormalité, entre prévisible et inattendu. Profondément convaincu que la majorité n’a pas forcément raison, j’aime raconter les individus tels qu’ils sont, plongés dans leur atmosphère, sans émettre de jugements. Gardant à l’esprit des figures comme celle du peintre italien Antonio Ligabue et plus encore celle du psychiatre Franco Basaglia, « La Marche Brisée » explore et extrapole cette recherche en se confrontant au domaine de la folie – celle socialement reconnue comme telle.
Anna-Maria Le Bris
Née en 1987, vit et travaille actuellement en Bretagne
Mêlant recherches théorique et pratique, mon travail se développe sous des formes variées (photographies, livres, vidéos…). Il interroge principalement notre relation quotidienne aux images : comment les percevons-nous dans leur multiplicité, leur répétition, leur contexte ? Comment pouvons-nous nous y projeter, quelles relations s’établissent entre réalité et fiction ? Etc.
Après avoir obtenu mon DNSEP à l’École européenne Supérieure d’Art de Bretagne de Rennes, j’ai poursuivi mes études à l’Université de Rennes 2 où j’ai soutenu mon mémoire de master – portant sur les représentations artistiques et médiatiques de la catastrophe. Actuellement, je prépare un projet de thèse autour de l’utilisation des images médiatiques dans l’art contemporain.
Dans mes travaux en cours, je questionne une possible activation des images à travers la production (photographies mises en scène, de voyages, photo-croquis), mais aussi la collecte d’images (provenant de journaux, magazines, d’internet). S’ensuit un temps de réorganisation de ce fonds d’images, de sélections, de montages et confrontations. Ce qui m’intéresse, ce sont les relations qui s’instaurent entre des images différentes, entre des textes, des pensées et des images qui gravitent à l’intérieur et autour d’elles.
Pour Unidivers, cette activation se joue entre des photographies que j’ai réalisées (récentes ou plus anciennes) et les textes de Francesco Ditaranto. Mes images ne se présentent ni comme des illustrations ni comme des documents, mais déjà comme un appel à la fiction, une amorce de récit qui trouve écho avec le travail de Francesco.
Notre projet pour Unidivers : « La marche brisée »
Nous nous connaissions depuis quelques années, mais nous n’avions jamais discuté de nos pratiques. Cette série est née de la volonté de travailler ensemble.
À travers nos domaines respectifs, nous nous intéressons tous deux à la construction de la fiction, ainsi qu’à la relation entre l’individu et son environnement. Nous sommes liés par les questions qui se posent de la relation texte/image. Nous pensons que le choix de mélanger images et textes nait directement de l’exigence de montrer différents angles depuis lesquels on peut regarder une histoire, tout en sachant que la réalité en tant que telle dépend directement de la perspective adoptée par chacun.
Dans « La Marche brisée », les images et les textes pourront ainsi exister séparément, mais aussi se nourrir les uns des autres. Nous aimerions que le lecteur/regardeur puisse créer des relations – de sens, de formes, etc. – qui lui sont personnelles en effectuant des allers-retours entre image et texte ainsi qu’entre publications précédentes et suivantes.
L’appel à projets du magazine Unidivers nous a aussi beaucoup intéressés, car il permet de repenser le principe du feuilleton. Il est important pour nous que la série soit en évolution ; le texte appelant une image, ou une photographie amenant une pensée vers un nouveau texte. Nous tenons ainsi à ne pas prévoir en détail ce qui suivra chaque semaine, mais de jouer le jeu d’une création en train de se faire.