RENNES. APACHES DE SAÏDO LEHLOUH, « L’ALÉATOIRE PERMET L’INSTANT RÉEL »

Apaches est une création du chorégraphe Saïdo Lehlouh présentée à Rennes dimanche 6 février par Les Tombées de la Nuit et le CCNRB/Collectif FAIR-E dans le cadre du Festival Waterproof. Performance chorégraphique éphémère, Apaches est une tribu composée de 135 danseurs et danseuses qui, dans la liberté du mouvement et de l’être, viennent lier et délier la masse pour acquérir une liberté et une authenticité omniprésente dans cette création. Un moment d’émotion où l’on retient son souffle pour s’envoler l’espace d’un instant avant de reposer les pieds sur terre ! Rendez-vous place des Lices samedi 6 février à 16h.

Le 6 février 2022, la Halle Martenot, place des Lices à Rennes, verra son sol ébranlé par les pas de 135 danseurs. Une création chorégraphique nommée Apaches et signée Saïdo Lehlouh. Le danseur et chorégraphe découvre la danse à l’adolescence lorsque des amis l’entraînent à la salle de danse au lieu de l’entrainement de foot prévu. Il tombe alors amoureux de ce qu’il y découvre et de la liberté et l’espace que lui procurent le mouvement et la danse. Aujourd’hui chorégraphe et co-directeur du CCNRB, il met en scène des créations chorégraphiques comme Earthbound avec Johanna Faye. Ce dimanche c’est avec Apaches qu’il nous entraînera dans une performance chorégraphique éphémère où authenticité et vérité sont les maîtres-mots.

Le projet Apaches a vu le jour en 2018. À l’époque, Saïdo Lehlouh est en résidence d’artistes avec Johanna Faye (co-directrice du CCNRB), au centre culturel Jean-Houdremont, centre dirigé par Armelle Vernier. Dans le cadre des journées de programmation pour la fin de saison, elle donne carte blanche au danseur qui décide d’organiser des petites performances et ateliers. Il monte alors Apaches pour lequel il invite une soixantaine de danseurs. La performance est ensuite découverte lors du concours Danse Énergie 2018 et programmée par le Théâtre de la Ville de Paris. Saïdo Lehlouh devient alors artiste associé du théâtre.

La première démarche d’Apaches est d’abord de réunir des gens de la communauté hip-hop dans un moment « vécu ensemble, assumé ensemble, porté ensemble », explique Saïdou Lehlouh. Le chorégraphe souhaite bouleverser les rapports et les codes établis de ce milieu de compétitions, de cercles, de rivalités aussi bien que de dépassement de soi. Souvent dite de la « marge », la communauté hip-hop est pourtant bien plus au centre qu’on ne l’imagine. « Pour moi, ces gens naviguent entre la marge et le centre dans le sens où peu importe le milieu social, l’espace et l’environnement, ils vont toujours s’adapter avec un vocabulaire lexical ou corporel adapté à la situation, au milieu social, aux gens et aux styles », déclare t-il. Des artistes à la pluralité et à la sensibilité qu’Apaches souhaite souligner à travers le mouvement et l’énergie des uns et des autres confondues. Il regroupe des profils différents, riches d’expérience et d’une sensibilité complexe, une meute dont les membres ne parlent pas la même langue, ne vivent pas la même réalité, ne font pas la même musique, ne s’habillent pas de la même manière et qui se retrouvent libres et émancipés dans un espace partagé.

Apaches Saïdo Lehlouh
Apaches par © Josselin Carré

Définie comme une performance chorégraphique éphémère, Apaches devient une expérience vivante et instinctive, et laisse place à la fois à la masse et à l’individualité. D’un moment à un autre, d’une ville à une autre, d’une répétition à une autre, elle diffère car la place est laissée à la liberté du mouvement et l’envie de chacun d’exprimer quelque chose de profond et sincère. Une chorégraphie où chacun est finalement conscient de sa performance et se sent responsable des autres.

Pour Apaches, Saïdo Lehlouh ne demande pas beaucoup de répétitions : « l’erreur fait partie de la vie, l’accident fait partie de la vie, l’incompréhension fait partie de la vie et si tout ça est caché par la certitude de savoir faire parce qu’on a répété, on perd le charme de l’authenticité, de l’instinctif, de nos réactions dans la surprise, de nos réactions dans l’accident, de nos réactions à l’énergie qui passe et qui est fulgurante. »

apaches
© edn

Une performance de 45 minutes où la masse se construit, se déconstruit, où des solos apparaissent avant de disparaître dans l’ensemble qui s’organise, s’influence et se transforme. L’instinctif, l’authentique peut alors laisser place aux solos, aux duos qui n’ont jamais existé avant et qui, sur l’instant présent, se créent dans la fugacité du moment. Le chorégraphe souhaite volontairement faire place à ce qu’il ne décide pas, à l’aléatoire qui permet l’instant réel. C’est cette fragilité et sincérité de l’humain qui insufflent l’énergie commune et la force à la masse, dans un équilibre entre un état de transe personnelle et la protection de chacun dans cet espace partagé, champs de toutes les possibilités.

Petite particularité, Apaches regroupe aussi bien des danseurs professionnels que des amateurs. Pour ce faire, un appel à participation avait été lancé danseurs et danseuses, amateurs et amatrices.

« Pour moi il n’y a pas danseurs ou non-danseurs, il y a juste des personnes qui ont envie. Dans Apaches il y a cette possibilité de vivre l’expérience sur une durée où au début on hésite et à la fin on est sûr, ou bien l’inverse. »

Une vitalité particulièrement présente dans ce spectacle non figé dans son écriture que le danseur redécouvre chaque fois au gré des danseurs et des moments. Il y a eu des personnes âgées, des enfants, des personnes incarcérées, des danseurs issus d’une esthétique bien spécifique. Apaches, au fur et à mesure des expériences, se transforme en un moment unique où l’harmonie se nourrit de l’individualité de chaque membre et le partage de l’humain.

« Apaches ce sont des gens, c’est une femme de 65 ans qui a la vie sur son visage mais qui a la joie d’un enfant de 3 ans… »

La performance est aussi portée par des danseurs professionnels dont le geste et les mouvements consolident l’équilibre de l’ensemble. Ces danseurs alimentent leur pratique au quotidien et l’enrichissent de leur curiosité et de leur exigence, la transpirent et la vivent chaque instant. Pour Saïdo Lehlouh qui a débuté la danse dans cette perspective de liberté, l’important était d’axer Apaches sur cette possibilité d’aller chercher ce qui bouscule, ce qui touche et d’avoir le temps et l’espace pour cette démarche.

Spin off de Wild Cat, autre création du danseur, on retrouve dans Apaches des modules chorégraphiques extraits de cette autre performance et élargit pour l’occasion. Dans la construction chorégraphique se développe, comme dans Wild Cat, l’expérimentation du toucher croisée à l’énergie de la culture du bboying (breakdance), autour d’un spectre ouvert sur les expériences vécues par chaque membre de cette meute appelée Apaches.

Un nom intriguant, voire sauvage, qui fait une référence toute particulière aux gangs d’Apaches, des bandes qui régnèrent sur la capitale dans les années 1920-1930. Baptisés ainsi par la presse de l’époque, ils faisaient preuve de violence surtout entre eux. Personnages présents dans les fêtes et les bals, ils adoptaient un style particulier preuve d’une élégance certaine. Pour Saïdo Lehlouh qui a grandi à Paris dans la culture hip-hop, cette référence à ces bandes violentes est cohérente dans ce qu’elle reprend l’idée d’une rage et d’une violence parfois présente dans la culture underground du breakdance et du hip-hop.

« C’est pas les conseils que je prenais, c’est la rage que je prenais. […] Je suis une colère ambulante, quand ce n’est pas après quelqu’un quand ce n’est pas après quelque chose qui me déplaît c’est après moi-même. Je suis toujours en colère, c’est pas une colère méchante mais j’en ai besoin. » C’est sur la voix off de Charles Aznavour que le réalisateur et danseur Raphaël Stora a décidé de monter la vidéo de présentation du projet. Lors de la performance d’Apaches à Montpellier, Saïdo Lehlouh avait invité sur le projet les danseurs participant à une compétition internationale de breakdance ayant lieu au même moment. Ce qui frappe alors le réalisateur ce sont les bboys, les breakdancers. Certains ne contrôlent pas leur rage ou leur colère et sont pourtant des danseurs en relation avec le sol et l’espace dans un mouvement doux parfois brutal. Une violence qui réside dans les conditions physiques de la pratique, dans la dualité entre une certaine virilité mêlée à de grandes fragilités. À travers la danse, la rage et la violence s’expriment, prennent forme et deviennent alors mouvement dans l’espace.

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Apaches, Biennale de Lyon © Laurent Philippe

Hors les murs ou au plateau, en solo et en groupe, Apaches convoque, en un même lieu et au même instant, des danseurs longtemps considérés comme à la marge. Le chorégraphe se saisit de l’authenticité offerte par l’improvisation et propose une nouvelle fois un véritable espace d’expression désormais ouvert aux amatrices et amateurs de danse, néophytes comme professionnels.

À l’occasion de ce dimanche de clôture du festival Waterproof, 135 danseuses et danseurs composeront cette tribu hétéroclite, afin de révéler toute la beauté d’une danse instinctive et spontanée. Et c’est sur une production musicale des artistes Pac Pac et Timo que Apaches évoluera dans la Halle Martenot. Danseurs, peintres et musiciens ont réalisé un travail tout en nuances et en accord avec le corps dansant. Une manière d’harmoniser leur expressions musicales avec la chorégraphie sans cesse en mouvement.

Infos pratiques

Apaches présenté par Les Tombées de la Nuit et CCNRB/Collectif FAIR-E dans le cadre du festival Waterproof

Dimanche 06 février 2022 – 16h
Durée : 45mn
Halle Martenot, place des Lices, Rennes

Gratuit, sans réservation, dans la limite des places disponibles
Dès 6 ans

DISTRIBUTION

Chorégraphie : Saïdo Lehlouh
Interprétation : distribution variable – de 10 à 40 danseur·ses
Regard complice : Johanna Faye
Arrangements sonores : Kevin Haccoun

PRODUCTION

Création : Cie Black Sheep
Production : Garde Robe
Production déléguée : Collectif FAIR-E – CCN de Rennes et de Bretagne
Soutiens : Houdremont, scène conventionnée de la Courneuve et Arcadi Île-de- France.

Projet finaliste du concours Danse Élargie 2018 organisé par le Théâtre de la Ville – Paris et le Musée de la danse – Rennes, en partenariat avec la Fondation d’entreprise Hermès.

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