Sur l’architecture Jean-François Roullin commet un drôle d’ouvrage

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Le premier ouvrage de Jean-François Roullin, directeur de l’ENSAB (école d’architecture de Bretagne), s’intitule Vocabulaire critique d’architecture à l’usage des étudiants et de ceux qui aspirent à le devenir. Version humoristique et courte, également lisible par ceux qui ne seraient ni l’un, ni l’autre.

vocabulaire-critique-architecture_pur_jean-françois-roullinÀ quoi reconnaît-on un architecte ? Il est habillé en noir. À quoi reconnaît-on un étudiant en archi ? Il se trimballe avec de grosses boîtes en carton – « ce qui peut être un fake, car maintenant, ils ont tous leurs travaux dans leur ordi ». C’est un orfèvre en la matière qui parle : trente ans en école d’archi dont la moitié à en diriger trois, Jean-François Roullin sort l’ouvrage de référence lisible par tous ceux qui voudraient marcher sur les pas de Le Corbusier.

Unidivers : Le démon de l’écriture vous a pris récemment ?

Jean-François Roullin : Non, il me titille depuis longtemps. C’est un exercice passionnant qui permet d’incarner la réflexion, d’épanouir la pensée, le « déjà là » non exprimé. Il me fallait dire aux étudiants où ils sont, et par la même occasion, donner mon sentiment de l’architecture.

U. : Le choix du glossaire s’est imposé dès le départ ?

Jean-François Roullin : Pas vraiment. J’hésitais sur la forme littéraire à donner au livre. Jusqu’alors, je n’avais écrit que des articles. Le format court me convient. Il a le mérite de favoriser la lecture à notre époque de zapping et d’hyper sollicitation.

U. : Après une introduction où vous vous excusez presque de devoir… introduire votre propos, vous commencez avec Abécédaire. Pourquoi pas avec AA ?

Jean-François Roullin : Ah, vous faites allusion à Alvar Aalto (NDLR Architecte et designer finlandais du XXe s. chéri par les amateurs d’architecture) ! Je ne souhaitais pas parler d’architectes, même si j’en cite beaucoup au fil des pages et des lettres. Ainsi, à la lettre O., dans « Ouvrier », Hassan Fathi côtoie Hundertwasser et Patrick Bouchain. Frank Gehry se trouve dans le sujet « Blob » (forme analogue à celle de la bulle de chewing-gum qui explose)…

U. :… et Jean Nouvel figure dans plusieurs entrées, dont « phallus » !

La tour Agbar, Barcelone
La tour Agbar, Barcelone

Jean-François Roullin : Parce que tous ceux qui n’aiment pas les architectes ont tendance à assimiler toute construction verticale à une érection. Les Barcelonais appellent sa tour Agbar, « le phallus du Français ». Mais à Londres, la tour de bureau qu’il a conçue dans une esthétique assez proche est surnommée « le Cornichon »… Allez comprendre !

U. : Revenons à Corbu qui se trouve entre « contraintes » et « correction » : pendant longtemps, c’était le seul nom d’architecte que pouvaient citer les Français.

Jean-François Roullin : Jean Nouvel a fini par le devancer, mais Paris-Match ne lui a pas encore consacré un dossier central comme ils l’ont fait au « maître » en janvier 1954 !

U. : Patrick Berger, le maître d’œuvre de l’école d’architecture de Rennes n’apparaît qu’au mot « halles ». Il aurait pu aussi être à « hôtel de métropole » (rires).

ensab rennes
Ensab Rennes

Jean-François Roullin : Disons qu’au moment où je rédigeais, je ne pensais pas venir diriger l’école de Rennes. Je visais celle de Nantes, signée par le duo Lacaton et Vassal — les Jacri-Baoui de l’archi qui ont obtenu l’Équerre d’argent en 2012 pour la seconde réhabilitation de la Tour Bois-Leprêtre (Paris 18e). Ceci dit, j’ai hâte de voir l’achèvement de la « canopée » au-dessus de l’ex trou des halles.

U. : Diriger une école, est-ce juste une étape dans une carrière de haut fonctionnaire ?

Jean-François Roullin : Pour moi non. Permettez-moi de citer Coluche : « la hiérarchie, c’est comme les étagères, plus c’est haut, moins ça sert ». Blague à part, je ne pense pas qu’il soit pertinent qu’une école soit dirigée par un architecte. Elle doit l’être par un pédagogue, un chercheur et/ou un administrateur, doté d’une grande capacité de gestion des personnes et… d’une bonne dose d’humour ! On est dans le collaboratif. Il ne s’agit pas de reproduire ce qui a toujours été. D’ailleurs, depuis le dernier remaniement — construit sur le modèle des grandes écoles — les élèves savent pourquoi ils sont là. Ils ont un projet. Il y a beaucoup moins de défections en cours d’études.

U. : Pour reprendre le titre de l’opus d’« un grand prix de l’Architecture du sud de la France » (périphrase pour Rudy Ricciotti), l’architecture est elle un sport de combat ?

Jean-François Roullin : Elle serait plutôt un sacerdoce.

Vocabulaire critique d’architecture à l’usage des étudiants et de ceux qui aspirent à le devenir, Jean-François Roullin, éditions PUR, mars 2016. 18 €

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jean-francois roullinJean-François Roullin a été nommé au poste de directeur de l’École nationale supérieure d’architecture de Bretagne (Ensab) le 24 juin 2014. Enseignant à l’École Nationale des Ponts et Chaussées, Jean-François Roullin a été directeur des Écoles d’architecture de Paris La Défense puis de Paris-Belleville. Il a également été impliqué dans la fondation puis l’animation de l’Ensa de Paris-Malaquais. Au sein de l’Ensab, il a pour objectif de regrouper la recherche existante et la développer, mais aussi d’avancer sur la mise à disposition de nouveaux locaux. Il souhaite amplifier le rayonnement de l’Ensab dans le tissu universitaire, architectural et culturel breton et international.

Plus de 700 étudiants
Établissement public, l’Ensab est l’une des 20 écoles d’architecture placées sous la tutelle du Ministère de la Culture et de la Communication. Elle regroupe 632 étudiants auxquels s’ajoutent les étudiants en échange et 60 architectes diplômés d’État en formation. L’école emploie 35 enseignants titulaires et associés, 50 enseignants vacataires et 39 personnels.

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Marie-Christine Biet
Architecte de formation, Marie-Christine Biet a fait le tour du monde avant de revenir à Rennes où elle a travaillé à la radio, presse écrite et télé. Elle se consacre actuellement à l'écriture (presse et édition), à l'enseignement (culture générale à l'ESRA, journalisme à Rennes 2) et au conseil artistique. Elle a été présidente du Club de la Presse de Rennes.

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