La Fondation Manuel Rivera-Ortiz d’Arles invite du 3 juillet au 5 septembre à l’exposition les Pionners à faire un pas de côté, à changer de point de vue. A se poser la question : s’il n’y a plus de Terra Incognita ni de « grands explorateurs » … qui sont les réels Pionniers aujourd’hui ? Les êtres humains ont parcellisé, surveillé, exploité les espaces terrestres, aériens, maritimes. Exit les Terra Incognita, les cartes sont pleines… il est temps de les rebattre ! Nous voulons donner la voix à des hommes et des femmes assez lucides pour penser en dehors des limites que nos sociétés ont globalement établies sur des considérations anthropocentriques, anthropométriques, mécaniques, puis numériques. Les 6 expositions présentées invitent à questionner nos limites tant physiques que mentales ou spirituelles à travers les travaux de Mathias Benguigui et Agathe Kalfas, Wu Cheng-Chang, Sylvie Léget, Andréa Mantovani, Pablo Ernesto Piovano et les archives de Boris Vian. Ici, vous découvrirez des histoires humaines de vie et de survie collective car, sans elles, la vie n’aurait aucun sens. Nous avons tous besoin d’un peu d’espoir.
ON N’EST PAS LÀ POUR SE FAIRE ENGUEULER commissaires / curators Nicole Bertolt, Nicolas Havette
BORIS VIAN
www.borisvian.org
« Vian, c’est l’arrachement douloureux à l’enfance. Tous ses héros (Colin de L’Écume des jours, 1947, Angel de L’Automne à Pékin, 1947, et l’autre Angel, celui de L’Arrache-cœur, 1953, comme Wolf de L’Herbe rouge, 1950) manquent leur passage à l’âge adulte ; ils meurent ou disparaissent de ne pouvoir se soumettre à ses contraintes, à ses normes (celles du travail, de l’argent, de l’amour, du mariage, de la paternité). Inconscient, Vian, irresponsable ? Non. Lucide au contraire. »
Cette lucidité et sa critique acide, nous les retrouvons dans chacune des chansons que Boris Vian a écrites. Tout au long de sa courte vie (39 ans), la musique a posé son empreinte sur tous les champs de sa création et a imprégné une bonne partie de sa production littéraire. Auteur-compositeur, trompettiste, fin jazzologue dans les revues musicales les plus en vogue de l’époque, directeur artistique chez Philips puis Barclay, Boris Vian a signé plus de 500 chansons dont beaucoup furent interprétées par des artistes majeurs de l’époque et sont régulièrement reprises.
Cette exposition rend hommage à la passion de Boris Vian pour la musique et la chanson et son héritage. Musiques, photos, archives et documents personnels à l’appui, l’exposition reconstitue l’atmosphère singulière et pataphysicienne de l’œuvre de Vian.
VISION OF TAIWAN commissaire / curator Nicolas HAVETTE
WU CHENG-CHANG né en 1965 à Pingtung, Tw
www.wuchengchang.com
Le travail Vision of Taiwan découle de l’observation aiguë du territoire et des positions que l’artiste WU Cheng-Chang prend par rapport à l’évolution du pays dans lequel il vit.
« La photographie a été pour moi une source de soulagement émotionnel. Je me positionne dans les paysages que je photographie en pose longue. À l’aide de flashs, j’efface mon visage. Une “surexposition incontrôlée” provoque une disparition temporaire de mon visage. Je souhaite emmener le regardeur au-delà de l’esthétique et la séduction des images que je produis et poser la question “environnementale” en choisissant des perspectives qui mettent en relief l’absurdité et les conflits qui existent dans mon environnement.
Derrière la beauté apparente d’un paysage se cachent des objets absurdes et la crise environnementale. L’environnement existant semble déconnecté du “monde réel”. On ne peut que “regarder sans voir” lorsqu’on est confronté aux situations actuelles qui nous entourent. »
Par son approche de “photographie documentaire”, la série Vision of Taiwan propose un regard sur les relations entre l’homme et son environnement et les aspects surréalistes d’une critique calme. Bien qu’elle montre un certain niveau de pessimisme et de déception face à la situation actuelle de l’environnement taïwanais, elle n’en demeure pas moins porteuse d’un idéal de “réforme de la vie”.
EXILS ÉGÉENS commissaire / curator Lionel CHARRIER
MATHIAS BENGUIGUI AGATHE KALFAS né en 1991 à Avignon, née en 1989 à Saint-Etienne, Fr
www.mathiasbenguigui.com www.akwhispers.com
Lesbos. Deux populations, deux histoires de migrations.
Au cours de l’année 2015, près de 500 000 réfugiés échouent sur les plages de Lesbos, île grecque située à seulement 12 km de la Turquie. Ces arrivées massives réveillent la mémoire collective des habitants, en particulier le souvenir de la « Grande Catastrophe » de 1922. La défaite de la Grèce, en guerre contre la jeune République turque de Mustafa Kemal, provoqua les épurations ethniques et expulsions de plus d’un million de grecs orthodoxes installés en Asie mineure depuis l’Antiquité, dont 45 000 arrivèrent à Lesbos dans le plus grand dénuement. Un siècle plus tard, leurs descendants se mobilisent pour secourir ces nouveaux réfugiés, acte qui leur offre une nomination au prix Nobel de la paix.
Cinq années ont passées, les exils d’hier et d’aujourd’hui s’observent mais le dialogue est rompu. Les accords entre l’Union européenne et la Turquie de 2016 imposent aux nouveaux arrivants de rester sur l’île en attendant le traitement de leurs demandes d’asile. Le camp de Moria, conçu à l’origine pour recevoir 3 000 personnes en compte 20 000, débordant sur les champs d’oliviers alentours. Mauvaise gestion et échec politique, au niveau local et international, semblent avoir eu raison de cette entraide, de ce lien qui unissait les deux populations.
Exils Egéens est une étude de ce territoire à la croisée des mondes, lieu de passage immémorial. Elle fouille les traces, visibles et imperceptibles, laissées dans le paysage et la mémoire, par le mouvement incessant des Hommes. Par une série d’images et de textes composée de portraits, paysages et documents d’archives, Mathias Benguigui et Agathe Kalfas nous invitent à une autre lecture des problématiques contemporaines de Lesbos et construisent un espace de dialogue pour ceux qui ne se parlent plus.
Créant une nouvelle iconographie, ils nous engagent dans un dialogue intérieur, questionnant notre humanité et notre rapport à l’altérité.
GIVING BIRTH IN EXILE commissaire / curator Audrey HOAREAU
SYLVIE LÉGET née en 1962 à Paris, Fr
www.sylvieleget.com
Giving birth in exile a été initié en 2016, en plein cœur de la crise migratoire européenne. Comment, d’abord, penser la migration sous un angle plus humain. Le prisme de la maternité est apparu comme une évidence.
La maternité, parce qu’elle constitue un passage à l’instar de la migration. La maternité, parce que l’accouchement est un acte violent, tel celui qui pousse souvent de nombreuses femmes à prendre le chemin de l’exil. Un moyen de souligner que les causes de la migration sont aussi liées à la question du genre.
La maternité, parce qu’elle peut, paradoxalement, rimer avec solitude. Et le poids de l’isolement et de la solitude est le point commun qui relie la plupart de ces femmes dans leur expérience migratoire.
A travers un propos universel composé d’histoires individuelles, ce travail relève à quel point ces femmes sont de véritables combattantes. Cette image de résilience s’oppose à celle misérabiliste souvent véhiculée par les médias. Elle renvoie aussi à des situations et des luttes qui pourraient être celles de toute femme et de toute mère.
MAPUCHES. KUIFI AUKIÑ ÑI TREPETUN THE AWAKENING OF ANCIENT VOICES commissaire Nicolas HAVETTE
PABLO ERNESTO PIOVANO né en 1981 à Buenos Aires
www.pablopiovano.com
La Couronne d’Espagne trouva un obstacle insoupçonné dans sa colonisation de l’Amérique : le peuple Mapuche.
Contrairement aux Incas, qui avaient un pouvoir centralisé, les communautés Mapuche étaient autonomes. Dans ce qui est aujourd’hui l’Argentine et le Chili, ils ont résisté et combattu pendant près de trois siècles. L’aptitude guerrière des Mapuches était telle qu’elle a obligé la Couronne espagnole à signer des accords et à reconnaître leurs territoires.
Quelques décennies après la création des États chilien et argentin, des campagnes militaires ont été déclenchées entre 1860 et 1885, considérées par le peuple mapuche comme la deuxième invasion et nommées à tort « Pacification de l’Araucanie » et « Conquête du désert ». Avec chacune leurs spécificités, toutes deux ont déclenché le génocide ethnique le plus sanglant de la région.
L’histoire officielle tant en Argentine qu’au Chili a tenté de cacher ce qui, en partie, s’est répété pendant les dernières dictatures militaires : la tentative de reprise des territoires, entamée dans les années 60, a été écrasée par la violence et la mort. Or, ces dernières années, différentes communautés ont entamé des processus de récupération de leurs territoires ainsi que de leurs coutumes, spiritualité, langue et histoire que les armées victorieuses avaient supprimés.
À présent les Mapuches sont à l’origine d’un soulèvement sans précédent. Leurs communautés, en partageant la revendication de leur identité culturelle, ont commencé à s’opposer à des projets d’extractions forestiers, miniers, électriques, pétroliers… Les voix anciennes se réveillent.
ILS NE SAVAIENT PAS QUE C’ÉTAIT IMPOSSIBLE ALORS ILS L’ONT FAIT LE CHANT DES CYGNES commissaire Nicolas HAVETTE
ANDRÉA OLGA MANTOVANI née en 1985 à Poissy, Fr
www.mantovaniandrea.com
Dans la partie orientale de la Pologne, juste à la frontière avec la Biélorussie, se situe la forêt millénaire de Bialowieza. Ces 142 000 hectares de végétation constituent la plus ancienne forêt naturelle de plaine d’Europe. Depuis 2016, elle est le théâtre de l’un des plus importants conflits environnementaux en Europe. Le Ministère de l’Environnement polonais y mène une campagne de déforestation.
Durant plusieurs mois, la photographe Andrea Olga Mantovani a exploré ce territoire en cherchant à saisir les enjeux du conflit qui s’y déroule. Dans son approche, la photographe alterne des images de paysage célébrant la force et la beauté d’une nature immuable et des photographies plus allégoriques. Elles nous renvoient à la complexité de cette crise, à la relation entre les concepts de nature et culture et elle évoque de manière métaphorique, certains aspects de l’affrontement qui oppose un gouvernement traditionaliste aux valeurs défendues par les militants écologistes.
Dans ce travail, elle a cherché à rendre compte de ses rencontres avec ces derniers, à porter par l’image, la voix des peuples de la forêt, celles des luttes et des imaginaires, révélant ce qu’elles ont de commun et d’actuel. Et depuis là, pouvoir saisir, autrement qu’en éternelles victimes, la guerre qui nous est faite.
COMMUNIQUÉ