SIX ARTISTES QUI ONT RACONTÉ LA BRETAGNE EN PEINTURE (1/3)

La Bretagne a fasciné (et fascine encore) une myriade d’artistes français et étrangers. Terres d’inspirations, ses littoraux, son folklore et son accueil se révèlent sur les toiles. Juste de passage ou en séjour prolongé, chacun avec son style et son époque, peint la Bretagne telle qu’il l’a découverte et approchée. Unidivers plonge dans l’univers artistique de six d’entre eux au moment où ils ont foulé les terres bretonnes.

Exposition d'artistes tchèques en Bretagne 1850-1950
Alfons Mucha, Détail de Bruyère à la falaise – panneaux décoratifs, calendrier 1906. Lithographie, 1905

Parmi les plus connus, citons l’Anglais William Turner, le Tchèque Alfons Mucha, les Français Paul Gauguin, Claude Monet et Odilon Redon, etc. La liste est encore longue et certains seront à (re)découvrir dans cette série d’articles.

Nombre d’artistes ont contribué à l’histoire des arts de la France et de la Bretagne. À la fin du XIXe siècle, les initiateurs ont permis de faire connaître la région via les peintures de Marine. Les suivants ont ensuite étalé sa beauté sur des toiles aux compositions diverses. La quasi-totalité des écoles a montré un intérêt pour cette région à l’héritage celtique : romantisme, impressionnisme, orientalisme, symbolisme, abstraction, etc.

 

Les paysages marins de Jean-François Hue (1751 -1823)

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Jean-François Hue, Vue de la rade de Brest

Particulièrement répandu entre le XVIIe et le XIXe siècle, les peintres de la Marine sont parmi les premiers à peindre la Bretagne à travers ses ports de guerre. L’artiste Jean-François Hue compte parmi eux.

En 1791, l’Assemblée constituante demande au paysagiste de reprendre la série « Vues des ports de mer de France », commande de Louis XV, mais abandonnée par Joseph Vernet en 1765. Suivant les traces de son maître dont il entre dans l’atelier à la fin des années 1790, Jean-François Hue termine la série et exécute six tableaux sur le thème des ports de Bretagne entre 1792 et 1798, les ports bretons n’ayant pas été traités par Vernet.

 

Le chemin breton de William Wyld (1806 – 1889)

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William Wyld, Chemin à Ploujean

Avant sa vocation de peintre, William Wyld exerce en tant que diplomate. Cependant, son intérêt pour le dessin émerge très tôt – en 1812, il reçoit en leg le matériel de dessin d‘un oncle décédé. Secrétaire du consulat britannique de Calais à la mort de son père (1826), il attend que son frère soit en âge de lui succéder dans son travail de négociant. En 1833, il décide que son futur sera fait de voyage et de peinture.

De l’Algérie à l’Italie, en passant par l’Égypte, les voyages de William Wyld le mènent ensuite en Bretagne (1845). Il séjourne notamment à Fougères (Ille-et-Vilaine) et Morlaix (Finistère). Sur place naissent de véritables amitiés, notamment avec la comtesse de Tromelin chez qui il séjourne. Le titre de sa toile Chemin à Ploujean atteste la profondeur de leur relation.

La révolution de 1848 le pousse à rentrer en Angleterre où il continue de peindre des sujets orientalistes.

 

Les intérieurs de Suisse Marius Borgeaud (1861-1924)

Artiste tardif, Marius Borgeaud commence à peindre à 40 ans seulement et laisse derrière lui 350 œuvres. La touche postimpressionniste de ses premiers tableaux laisse rapidement la place à des toiles au style atypique, s’éloignant de tout mouvement artistique. Installé à Paris au début des années 1900, 1908 marque un tournant dans l’écriture de la vie de l’artiste : il réalise ses premiers Intérieurs et séjourne pour la première fois en Bretagne, une découverte capitale. Il y retournera plusieurs mois par an jusqu’à la fin de sa vie alternant entre Paris et la Bretagne.

Ses séjours à Pont-Aven et Locquirec en 1908, son installation à Rochefort-en-Terre en 1909, son déménagement à Le Faouët et la dernière étape de son parcours breton à Audierne en 1923 sont autant de lieux qui ont nourri son œuvre. À cette époque, les artistes convoitent la Bretagne : son littoral et ses côtes sauvages, ses traditions et son folklore. A contrario, la peinture Marius Borgeaud est différente et s’intéresse à tout autre chose. De sa touche singulière, il narre picturalement la vie quotidienne des Bretons et leurs intérieurs, les endroits anonymes telles les gares et les auberges. Marius Borgeaud a su poser sur la toile ce qui fait la renommée de la Bretagne : son authenticité et sa lumière inspiratrice au travers de scènes qui relatent la vie de ses habitants.

 

Le symboliste français Charles Filiger (1863-1928)

Grand acheteur des tableaux de Filiger, André Breton le considérait comme un surréaliste un peu à l’écart des autres artistes de l’École de Pont-Aven. Émile Bernard voyait en lui un disciple de Gauguin.

Peintre d’origine alsacienne, Charles Filiger (1863-1928) a passé une grande partie de sa vie en Bretagne. Arrivé à Paris en 1885, il est surtout connu comme un proche de Gauguin, rencontré cette même année ou l’année suivante. Sans un sou à cette période, ce dernier choisit la Bretagne comme lieu d’exil. Une région que l’Alsacien rejoindra en 1888. D’après Paul Sérusier, Charles Filiger semble séjourner à l’hôtel Goanec à Pont Aven avec notamment Paul Gauguin avant de se déplacer à l’Hôtel Destais au Pouldu en 1889.

Alors que ses amis repartent sur Paris, Filiger quitte définitivement son atelier parisien pour la Bretagne à partir de 1893. Il est de plus en plus isolé. Hospice de Malestroit dans le Morbihan en 1905, pension Sohier à Rohan en 1906, hôtel des voyageurs à Guéméné-sur-Scorff en 1909, hospice de la même ville en 1910, hôtel Jagoudez à Arzano en 1911, etc. À partir de 1901, il entame une vie d’errance en Bretagne et passe d’hospice en hôtel sordide. Il essaie de se faire interner dans un hôpital psychiatrique ou de se faire admettre dans une abbaye.

Une abstraction minimaliste aux aplats de couleurs, héritée de ses aînés Paul Gauguin et Jan Verkade, remplace le pointillisme de ses débuts, avec une influence omniprésente des formes byzantines et de l’art populaire breton.

 

Le Tchèque František Kupka (1871 – 1957)

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Kupka, La Vague, 1902

Peintre symboliste au début de sa carrière, František Kupka glisse vers une abstraction dés le début des années 1900. Les sujets, devenus simples pans de couleurs, finissent par totalement disparaître de la composition picturale au profit de formes circulaires. L’année 1912 marque concrètement cette rupture. Amorpha, fugue à deux couleurs et Les disques de Newton présentées au Salon de l’Automne traduisent ce changement de cap artistique. František Kupka rompt avec la tradition mimétique, et le symbolisme, et plonge dans l’abstraction. Une nouvelle réalité de la peinture s’ouvre à lui.

Cependant, avant d’être reconnu comme un des pionniers de l’art abstrait, la force naturelle du littoral breton gagne sa place dans la peinture encore symboliste de l’artiste. Après des études à l’Académie des Beaux-Arts de Prague – où il sort diplômé en 1892, František Kupka s’installe à Paris (1896). Quelques années plus tard, il découvre la Bretagne, notamment Trégastel et la Côte de granit rose. Ses paysages lui inspirent des œuvres saisissantes où la peinture traduit la houle et les vagues qui se fracassent contre le littoral breton. À cette période naît La Vague, un de ses chefs-d’œuvre.

La sensualité féminine est exposée face au déchaînement de la mer dont le mouvement est majestueusement capturé comme un rappel de la force immuable de la nature. En écho à la célèbre Grande Vague du Japonais Hokusai (1830-1831), le tableau confirme le talent de František Kupka pour la figuration.

 

La surréaliste tchèque Toyen (1902 -1980)

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Artiste surréaliste reconnue internationalement, Marie Čermínová adopte le pseudonyme de Toyen en 1923 – une hypothèse voudrait d’ailleurs que le nom vienne du mot « citoyen » en français. D’abord proche du cubisme, elle se rapproche rapidement du surréalisme pour une œuvre à l’univers mystique où le réel filtre avec l’imaginaire. Figure emblématique de l’avant-garde tchèque, elle devient également la première femme peintre surréaliste reconnue par ses pairs masculins en 1927.

La vie de Toyen est jalonnée de rencontres et compagnonnage de route. Sa rencontre avec le peintre Jindřich Štyrský en 1922 tracera les débuts de sa carrière artistique. Après des études à l’École des Beaux-Arts de Prague, tous deux séjournent trois ans à Paris avant de retourner à Prague (1925-1928). Co-fondateurs du groupe surréaliste en Tchécoslovaquie avec le poète Vítězslav Nezval et Jindřich Štyrský en 1934, ils accueillirent notamment les poètes André Breton et Paul Eluard, chefs de file du surréalisme français.

C’est lors de son deuxième séjour en France qu’elle découvre la région bretonne avec le poète et photographe juif Jindřich Heisler, son second compagnon de route – Jindřich Štyrský, à la santé fragile, décède en 1942. Véritable pays d’adoption, elle ne retournera plus sur sa terre natale. Elle séjourne sur l’île de Sein (1948), visite Carnac et Ouessant (1957) accompagnée de ses amis surréalistes, notamment le poète Benjamin Péret et André Breton dont elle restera proche jusqu’à sa mort en 1966.

Source d’inspirations pour nombre d’artistes tchèques, Toyen ne fait pas exception. Les motifs bretons marquent son œuvre surréaliste. Dans un entretien (Radio CZ le 23 février 2019), la conservatrice de la Galerie nationale de Prague Anna Pravdová parle de l’exposition Artistes tchèques en Bretagne (Musée départemental breton, du 16 juin au 30 septembre 2018 ) et évoque les motifs bretons de l’oeuvre de Toyen : « […] ses tableaux bretons sont très différents par rapport au reste de son œuvre. Ce ne sont pas des tableaux réalistes, mais des sublimations, des œuvres où elle transmet ce qu’elle a pu ressentir en observant notamment la nature sauvage sur l’Île de Sein, où le vent souffle très fort et où l’océan est déchaîné […] ».

 

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