La Bretagne a fasciné (et fascine encore) une myriade d’artistes français et étrangers. Terres d’inspirations, ses littoraux, son folklore et son accueil se révèlent sur les toiles. Juste de passage ou en séjour prolongé, chacun avec son style et son époque, peint la Bretagne telle qu’il l’a découverte et approchée. Unidivers plonge dans l’univers artistique de six d’entre eux au moment où ils ont foulé les terres bretonnes.
Parmi les plus connus, citons l’Anglais William Turner, le Tchèque Alfons Mucha, les Français Paul Gauguin, Claude Monet et Odilon Redon, etc. La liste est encore longue et certains seront à (re)découvrir dans cette série d’articles.
Nombre d’artistes ont contribué à l’histoire des arts de la France et de la Bretagne. À la fin du XIXe siècle, les initiateurs ont permis de faire connaître la région via les peintures de Marine. Les suivants ont ensuite mis en couleurs sa beauté sur des toiles aux compositions diverses. La quasi-totalité des écoles a montré un intérêt pour cette région à l’héritage celtique : romantisme, impressionnisme, orientalisme, symbolisme, abstraction, etc.
Robert Wylie (1839 – 1877), amoureux de la Bretagne au premier regard
Bien avant le Français Paul Gauguin, une colonie d’artistes américains a visité le village de Pont-Aven, séjourné à l’hôtel Julia et peint le folklore breton. À l’origine de cette découverte ? Le peintre américain Henry Bacon en 1864. Après avoir découvert ce bijou pittoresque breton, l’artiste fait part de sa trouvaille à ses amis habitant la capitale française et leur conte les merveilles bretonnes. Robert Wylie, installé à Paris depuis 1863, suit ses conseils et part séjourner à Pont-Aven durant l’été 1864.
La région l’enchante, il tombe amoureux du village typiquement breton. Le peintre anglais devient l’un des premiers artistes à s’installer à Pont-Aven. Dès lors, il ne quittera quasiment plus la Bretagne jusqu’à sa mort en 1877. Celui que l’on considère comme l’un des fondateurs de l’École de Pont-Aven s’évertue à peindre l’exotisme breton avec réalisme. À l’image de La Sorcière bretonne, il représente les traditions bretonnes, son folklore, les hommes et les femmes de la région, etc. Le rayon de lumière venu de la droite du tableau éclaire cet épisode de la vie bretonne authentique avec une sensibilité certaine.
Décédé en 1877 à Pont-Aven, Robert Wylie est enterré au cimetière du village, à proximité de l’hôtel Julia où il a longtemps séjourné.
Johan Ericson (1849-1925), un Suédois au pays bigouden
L’histoire de l’art révèle de foisonnants échanges artistiques entre les peintres nordiques et français à la fin du XIXe siècle. Johan Ericson fait partie de ces artistes – autant norvégiens, danois que suédois – venus en France dans la décennie 1870-80. Comme Pont-Aven, Concarneau attire nombre d’artistes. La ville close protégée sur son îlot devient rapidement un haut lieu de création artistique et le cœur névralgique de cette invasion venue du Nord. Rassemblant toutes les raisons de plaire, artistes français et étrangers tombent sous le charme de ses remparts et de son port. Sans parler de la lumière, une des inspirations premières des peintres venus dans la région en quête de nouveaux horizons artistiques. On parle alors du « groupe de Concarneau », bien plus célèbre que l’École de Pont-Aven à la Belle Époque (fin XIXe – début XXe).
Après des études à l’académie des Beaux-Arts de Stockholm, Johan Ericson poursuit ses études à Paris en 1878, où il reste jusqu’en 1884. Comme la majorité des artistes nordiques de la fin du XIXe siècle, l’artiste de paysages et de marines est rapidement inspiré par la peinture française. Depuis 1865, l’influence française, son réalisme et la peinture plein air, façonne leurs peintures. Celles intimistes de Johan Ericson n’échappent pas à la règle. La palette lumineuse du peintre représente le paysage breton diurne et nocturne avec justesse. Dans ses peintures, les habitants et les vêtements traditionnels trouvent leur place dans le style de la peinture suédoise de l’époque. Une influence picturale française où celle de l’école allemande du milieu du siècle est parfois persistante.
Après son mariage avec l’artiste Anna Gardell en 1882, le couple rentre en Suède deux ans plus tard.
Le plein air breton de Stanhope Alexander Forbes (1857-1947)
Peintre de genre, Stanhope Alexander Forbes est né d’une mère française et d’un père anglais. Après avoir étudié au Dulwich College et à la Royal Academy, il étudie à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris pendant deux ans. De 1881 à 1883, il séjourne en Bretagne, notamment à Cancale et Quimperlé. De retour en Angleterre, il expose ses toiles inspirées de la Bretagne à la Royal Academy, à Liverpool et à Dublin.
Considéré comme le fondateur de l’École de Newlyn, avec sa femme la peintre canadienne Élizabeth Armstrong, ses tableaux réalisés en Bretagne rassemblent les sensibilités de cette colonie d’artistes : des portraits sur le vif et des paysages côtiers. Avec Une rue en Bretagne, l’artiste représente une scène de vie des plus ordinaires dans une rue bretonne baignée d’une lumière naturelle. Combinant une approche aux influences impressionnistes et le plein air – caractéristiques de l’école de Newlyn, Stanhope Alexander Forbes travaille à partir de sujet de la vie rurale. Il retranscrit picturalement la beauté d’un paysage rustique, la qualité de la lumière et la simplicité de la vie dans la matérialisation des gestes quotidiens de ces femmes.
Le reflet de la vie bretonne avec Marie Aimée Lucas-Robiquet (1858 -1959)
Élève de Félix Joseph Barrias à l’École des Beaux-Arts de Paris, ce n’est pas un hasard si la Bretagne a été une des sources d’inspirations de l’artiste Marie Aimée Lucas-Robiquet. Fille d’Henri Sébastien Robiquet, percepteur et officier de marine né à Lorient, l’œuvre de cette spécialiste de la peinture orientaliste – déjà riche de ces célèbres scènes religieuses et militaires, de ses tableaux d’Algérie et de Tunisie qui font sa renommée – est enrichie de paysages et peintures de figures bretonnes.
En effet, après s’être consacrée aux portraits de personnalités françaises au début de sa carrière, Marie Aimée Lucas-Robiquet se dirige vers de nouveaux horizons avec le mouvement orientaliste entre 1891 à 1909 avant de prendre avant un nouveau tournant artistique, le dernier, où la peinture de genre française et bretonne est au centre de son travail. Dans Jeune fille bretonne tricotant à la fenêtre, l’artiste fige l’activité de la jeune fille avec finesse dans une touche picturale proche de l’impressionnisme. Avec une attention particulière pour le paysage en arrière-plan et un travail minutieux du drapé du vêtement, elle compose un tableau réaliste dans la mouvance des préoccupations artistiques de l’époque.
La simplicité bretonne dans les aquarelles de Maxime Clément (1877 – 1963)
Peintre de figures et aquarelliste, Maxime Clément était également musicien, professeur de musique, directeur de l’école de dessin avant de devenir conservateur du musée de Lorient à partir de 1924.
« Il a peint une humanité humble, populaire, gentille et sérieuse, solide et traditionnelle, bon enfant de gosses maraudeurs, jouant aux cartes, casquette sur la tête, « clope » au bec comme les grands. Des grands-mères pleines de rides et de bonté, admirant le dernier (ou la dernière) né. Ou bien encore la classe des filles installées derrière leur pupitre avec leur coiffe et l’air sérieux » – Ph. Laiter, Article de La Liberté du Morbihan.
La Bretagne de Jan Zrzavý (1890 – 1977)
Considéré comme LE peintre tchèque de la Bretagne, on dit de lui qu’il a peint la péninsule bretonne comme personne : Jan Zrzavý incarne cette présence des Tchèques dans la région à la fin XIXe et au début du XXe siècle.
Lors de son premier voyage à Paris en 1906 ou 1907, il découvre Léonard de Vinci au Louvre, mais également les peintures de Paul Gauguin en Bretagne. « On dit que c’est sa petite amie qui a choisi la Bretagne comme destination où il a pu se concentrer sur son travail au début des années 1920. Il vit d’abord à Paris, se rend de plus en plus en Bretagne où il finit par construire sa maison où il passe l’essentiel des années 30 », souligne Ondrej Chrobak, directeur de la Collection des œuvres graphiques et dessins de la Galerie nationale, dans un entretien pour Radio Prague International. Il y vivra une dizaine d’années, période où il retournera peu en Tchécoslavaquie.
L’artiste découvre d’abord Camaret, et l’endroit l’enchante. Locronan, l’île de Sein, Kermeur, l’île d’Ouessant, l’île de Molène, Jan Zrzazý préfère les lieux isolés aux villes. Ils l’inspirent et prennent vie dans des œuvres à l’empreinte particulière. À bord d’une barque ou sur le quai d’un port, le spectateur de l’œuvre embarque dans un voyage pictural onirique.
Influencé par le pointilliste Georges Seurat et symbolisme « primitif » de Paul Gauguin, ses coups de pinceaux façonnent une vision originale et personnelle de la Bretagne. À tel point qu’il est difficile de ne pas reconnaître une de ses œuvres. Au-delà des formes simplifiées et arrondies, le peintre raconte une Bretagne mystique, quasi déserte : des lieux que personne n’a encore foulé ou au contraire, que les personnages viennent juste de quitter. Ses tableaux sont empreints de poésie et mélancolie, on parle alors de peinture métaphysique. Au-delà de la représentation d’un endroit particulier et du monde, l’attention est portée sur les éléments naturels et la vie du lieu en lui-même. Ses oeuvres sont douces et poussent à la réflexion.
Suite aux Accords de Munich en 1938, il rentre dans son pays natal, la France, et la Bretagne continue de l’inspirer. Il y retournera une seule et dernière fois après la Seconde Guerre mondiale.
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