Zola a-t-il été assassiné ? Suite à la parution dans l’Aurore à la fin du XIXe siècle, journal quotidien où fut publié son édito J’accuse !, dans lequel il prend clairement position en faveur de la défense et de l’innocence du capitaine Dreyfus, le grand écrivain naturaliste, Émile Zola déclenche de nombreuses polémiques qui émanent essentiellement de la droite conservatrice comme de l’extrême-droite et des torrents de haine. Qui mieux que Dreyfus, le Juif, pouvait faire – en sa qualité de militaire -, un excellent coupable, accusé de haute trahison et de manquement d’honneur à la France ?
En cette fin de siècle, on assiste – comme on le connaîtra dans les années 1930 et comme on le constate avec tristesse et colère aujourd’hui, à une grave montée de l’extrémisme, du fascisme, de l’antisémitisme en France comme en Europe. Le Juif, c’est la décadence, c’est la confiscation aux autres de l’argent, c’est la concentration des pouvoirs entre quelques-uns… Tout comme les Francs-maçons. Ainsi, ils deviennent la communauté à combattre, à abattre.
Mais Émile Zola, en sa qualité de journaliste, d’homme de lettres, d’écrivain et d’humain ne l’entend pas de cette oreille. Et il fait savoir à la France qu’il penche pour une grossière erreur judiciaire orchestrée par des politiques complaisants et racistes qui ont trouvé là leur bouc-émissaire. Il se met donc à dos toute une partie de la classe politique et se défend avec véhémence. Mais son temps est compté car, malencontreusement peut-être, il meurt un matin dans son lit aux côtés de sa femme (qui, elle, en réchappera) d’une intoxication au carbone, des vapeurs qui émanent de la cheminée obstruée de la chambre de son appartement parisien. L’enquête rapidement menée conclut à un accident.
Jean-Paul Delfino, dans ce remarquable roman, Assassins !, épouse une thèse différente : et si Zola avait été assassiné ? Peu crédible railleront d’aucuns, tout-à-fait envisageable siffleront d’autres qui, en analysant scrupuleusement le déroulement proposé par l’auteur, tout comme l’ambiance politique, sociale et géopolitique de l’époque, un climat délétère permanent, épouseront le point de vue exposé.
Revivre les derniers moments du géant de la littérature avec en toile de fond, les relents permanents de l’antisémitisme, de ces conflits mondiaux qui prennent racine à ce moment-là, est des plus pertinents et captivants. Bien entendu, nous ne referons pas cette histoire mais les angles choisis avec excellence par Jean-Paul Delfino peuvent être intéressants afin de les mettre en contraste avec notre propre époque. Et ce n’est pas un hasard si les scénarii se répètent ; dès qu’un intellectuel, quel qu’il soit, veut dénoncer une sombre affaire, des relations ambiguës entre certains puissants, souvent on tente de le faire taire par toutes sortes de moyens, surtout les plus infâmes.
Au nom de la liberté comme de l’exercice littéraire, Assassins ! est un excellent roman à lire d’une traite.
Assassins ! – Éditions Héloïse d’Ormesson – 280 pages – Parution : septembre 2019. Prix : 18,00 €.
Couverture : © Musée d’Orsay © amb/m87design – Photo auteur Jean-Paul Delfino © babelio
Né en 1964 à Aix-en-Provence, où il vit toujours, Jean-Paul Delfino est romancier et scénariste. Auteur d’une trentaine de romans, ses derniers ouvrages, Les Pêcheurs d’étoiles (autour de Cendrars et Satie) et Les voyages de sable (prix des Romancières, 2019, Saint-Louis), plébiscités par la critique ont respectivement paru en 2016 et 2018 aux éditions Le Passage.
À voir également: Le cycle « Affaire Dreyfus, 120 ans du procès en révision : Rennes se souvient et en parle » se déroulera du lundi 9 septembre au vendredi 29 novembre 2019. > ici.