Après Lille, c’est au tour de Rennes d’accueillir les Assises nationales de la protection de l’enfance. Pour cette huitième édition, qui s’est déroulée Le 15 et le 16 juin au Liberté, près de 2000 professionnels ont fait le déplacement. Autour de tables rondes en séances plénières et de cinq ateliers, les acteurs du monde social ont pu débattre sous le thème « Protéger, c’est prendre des risques. Comment mieux les assumer ? » Les Assises se sont clôturées par une visite très attendue, celle de la ministre de la Justice, Christiane Taubira.
Face à un secteur en proie à des difficultés accrues, Christiane Taubira a tenu a apporté son soutien mais, surtout, celui de l’Etat. Pendant près d’une heure, elle a étayé sa feuille de route censée apporter des solutions aux problèmes les plus récurrents que rencontrent les acteurs de la protection de l’enfance. Les parents, l’enfant devenu majeur, la délinquance ou, encore, le rôle de la justice – voici les principaux thèmes abordés lors de cette conférence.
La conférence a débuté par des salutations suivies de remerciements. La Garde des Sceaux a en premier lieu tenu à remercier tous les métiers qui interviennent auprès des enfants et à saluer les efforts déployés en faveur de la protection de l’enfance, car « on ne vous le dit pas assez. »
La ministre réitère sa confiance en des professionnels qui subissent au quotidien ingratitude et manque de reconnaissance : « vous êtes les mieux placés pour savoir ce qu’il convient de faire. » Elle n’exclut pas dans ce discours les enfants aux attitudes parfois « exaspérantes », mais « malgré tout ça, vous êtes là, vous tenez bon, car ces enfants-là sont nos enfants. Renoncer à cela c’est renoncer à notre propre avenir. »
Christiane Taubira s’est ensuite attachée à rappeler le rôle prépondérant de la justice dans le secteur de l’enfance, un secteur qui n’évolue pas seul. Elle prend pour exemple les placements : 88% d’entre eux seraient mis en œuvre par les conseils départementaux et émaneraient d’une décision de justice. Une justice qui ne se contente pas seulement de donner des sanctions mais qui « a une connaissance fine du parcours de ces enfants, de leur complexité. »
Elle admet que « ce n’est pas simple, mais il faut accepter la complexité » et rassure sur le fait que l’Etat prenne sa part de responsabilité dans cette collaboration étroite. « Vous connaissez cette complexité vous y apportez des réponses, nous devons en faire autant au niveau des institutions. »
Qu’apporter de nouveau en matière de protection de l’enfance ?
La ministre de la Justice est revenue sur l’un des plus gros problèmes dans le suivi du parcours du mineur : le couperet de la majorité. Lorsque le mineur pris en charge obtient ses 18 ans, le plus souvent l’accompagnement cesse alors que le travail n’est parfois pas fini. Pour pallier cette difficulté, elle promet de trouver les moyens budgétaires afin de répondre aux nombreuses demandes formulées sur la continuité du parcours du futur majeur. Mais d’ores et déjà, grâce aux rencontres annuelles avec les différents acteurs, elle assure que des éléments qui facilitent la prise en charge sont en cours d’introduction. Il s’agit de répondre aux questions à caractère social et économique auxquels fait face le majeur une fois livré à lui-même. Lorsqu’il est en placement, la prime de rentrée scolaire (confiée en général à la Caisse de Dépôt et Consignations) devrait être réservée afin qu’à sa majorité il puisse en disposer comme point de démarrage par exemple. Se soigner, trouver un logement, réussir à s’insérer dans la vie sociale aisément, l’objectif est que l’enfant puisse acquérir progressivement une totale autonomie. Certes, tout cela prend du temps. La Garde des Sceaux en est consciente : « La précipitation de l’actualité, du sensationnalisme, ou encore la pression de l’électoralisme. Cette pression qui consiste à dire il faut faire très vite, n’est pas réaliste. Il faut vous dégager de tout cela »
Que fait-on du problème de la délinquance ?
Dans une société où les enfants sont livrés à eux-mêmes, à des actes de délinquance, parfois même à des vols de nécessité, « nous ne devons pas baiser la garde. » La ministre explique que « même si la délinquance n’augmente pas, chaque intervenant doit être vigilant. » L’enfant devra être responsabiliser face à ses actes et non seulement puni. Le débat entre les différents partis est primordial. « Nous allons accompagner vos initiatives plutôt que de les entraver. » En parallèle, à partir d’éléments objectifs comme les statistiques, la politique d’intervention auprès des jeunes est susceptible d’être ajustée pour mieux profiter à chacun.
Travailler ensemble pour mieux réussir
Le secteur de la protection de l’enfance regroupe plusieurs métiers. De l’éducateur au juge, Christiane Taubira souhaite que les actions diverses des différents intervenants s’additionnent et servent l’enfant. Si la transversalité de la prise en charge est améliorée, une dynamique interdisciplinaire promet ainsi de se mettre en place. « Fluidifier l’échange, de façon à ce que le travail de chacun d’entre vous soit à la fois valorisé et fécondé par l’intervention des autres. »
Mais quid des parents ?
L’invitée du jour insiste sur le fait que dans ce combat, il est primordial d’inclure les parents. Avec leurs manquements et leurs défaillances, les parents doivent être associés ; à condition bien sûr de ne pas constituer un danger pour les enfants. « Il faut connaître et mesurer les risques pour agir de façon efficace. Adapter la réponse en fonction de la situation, c’est ça la clé du succès. »
Un discours fortement applaudi qui s’est terminé sur des citations de Jacques Prévert, et sur cette petite phrase : « merci d’être vous. »