RENNES. VOYAGE ARGENTÉ AU PAYS DE L’ATELIER SEPTENTRION JEWELRY

Alignés les uns à la suite des autres, les ateliers d’artisanat d’art du Mur Habité dans le quartier de Cleunay recèlent un joli lot de créativité rennaise. Parmi eux, l’atelier Septentrion Jewelry. Depuis 2019, bijoux authentiques et originaux naissent entre les quatre murs de l’atelier du binôme Nicolas Mangin et Mathias Baden. Une bijouterie alternative qui mérite de briller !

atelier septentrion mur habite rennes
Mathias Baden et Nicolas Mangin

Nichés au cœur du Mur Habité, Nicolas Mangin (38 ans) et Mathias Baden (31 ans) s’affairent derrière leur établi respectif. Au milieu des outils et machines, les deux compères passionnés invitent à une plongée dans l’univers de la joaillerie. Un univers que l’on ne connaît qu’à travers les vitrines des bijouteries que l’on croise, mais un savoir-faire issu pourtant de l’artisanat d’art. Que se passe t-il en coulisses ? De quelle manière se déroule la fabrication ? « L’établi du bijoutier est resté tel quel depuis le Moyen-Âge. Les techniques et outils sont quasi les mêmes que sous l’Égypte Antique, l’invention de l’électricité est la seule chose qui a changé dans la pratique ». Nicolas et Mathias fondent, moulent, polissent et patinent chaque bijou avec attention. Les mouvements sont rapides, mais assurés, réalisés avec une minutie experte.

« Le septentrion est un terme littéraire qui désigne le Nord. Le mot vient du latin « septem » et « triones », désignation latine de la Grande Ourse. Elle permettait aux marins et explorateurs de se repérer. Couplé à l’atelier, lieu terrestre où l’on travaille la matière, le septentrion apporte un côté poétique. Comme une invitation au voyage », Nicolas.

L’atelier Septentrion est l’histoire d’une rencontre. Celle de Nicolas et Mathias à l’école TANE, formation de bijouterie et d’orfèvrerie pour adultes à Ploërmel. Venus d’horizons différents, autant géographique que académique, rien ne laissait présager cette future collaboration. Pour autant, chacun se dirige vers l’artisanat d’art au même moment, en 2013. « Cette école a la particularité de proposer un CAP de reconversion en deux ans : quatre jours d’ateliers, un jour de tronc commun et six semaines de stage en première et deuxième année », explique Mathias Baden.

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Originaire de la région parisienne, Mathias Baden a suivi des études de commerce tandis que Nicolas Mangin, Breton d’adoption, est devenu disquaire après l’obtention d’une licence d’arts plastiques à l’Université Rennes 2. « Je n’ai pas terminé ma maîtrise pour diverses raisons. Je me suis alors éloigné des arts plastiques, mais après six ans en tant que disquaire, travailler la matière et créer me manquait », se souvient t-il. Mathias acquiesce et enrichit le dialogue de sa propre expérience : « J’avais envie de faire quelque chose de mes dix doigts et choisir un métier artisanal donne un véritable sens à la vie quotidienne. J’avais pensé au métier de joaillier à la sortie du collège, j’ai voulu revenir à cette première idée ». Cette envie de travailler la matière les réunit à Ploërmel. Nicolas se forme à l’orfèvrerie, Mathias à la joaillerie.

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Anneaux © Germain Plantard

Une fois leur diplôme en poche en 2015, chacun fait ses armes de son côté, mais dans la même ville : Paris, la capitale. Car après tout, on ne le répète jamais assez, « c’est là-bas que tout se passe ». Ils restent néanmoins en contact, « Nicolas faisait des allers-retours entre Paris et Rennes. Il a dormi plus d’une fois sur mon canapé », s’amuse Mathias. « Quand on pousse la technique de joaillerie à son paroxysme, des années d’apprentissage sont nécessaires », souligne-t-il au souvenir du nombre de refus d’alternance qu’il a essuyé avant l’école TANE. La raison ? Son âge déjà « avancé » pour cette formation, 25 ans.

La difficulté de s’insérer dans leur profession respective questionne autant l’un que l’autre, mais chacun s’investit et persiste. Mathias crée son auto-entreprise dans le bijou en argent et revient à Rennes. Nicolas quant à lui se tourne vers la bijouterie et se forme grâce aux compétences déjà acquises en orfèvrerie. « L’orfèvrerie est généralement une histoire de famille et de transmission. Se lancer tout seul est quasi impossible… il est indispensable de se former auprès de professionnels expérimentés ». Ils s’exercent, progressent et façonnent respectivement un style dans leur coin. « Nos styles se ressemblaient, nous avions la même ligne esthétique. On s’est dit qu’on serait plus fort à deux et qu’il serait plus simple de se soutenir mutuellement ». L’atelier Septentrion voit ainsi le jour, en 2019.

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L’Atelier Septentrion, des bijoux fabriqués à la fonte au sable

Aux bijoux lisses et brillants des vitrines traditionnelles, Nicolas et Mathias ont préféré l’étonnant et l’oublié. « À l’image des artistes qui s’imposent des conditions, nous voulions utiliser une contrainte et en faire une identité, une expression esthétique », déclare l’aîné. En prenant comme matière première principale la grenaille d’argent, une pratique effleurée pendant leur formation devient alors leur marque de fabrique. « La technique de fonte au sable est une pratique ancienne de l’âge du bronze. C’est une des premières techniques de reproduction d’objet en métal pour en faire une série. La pratique n’a pas été changée à travers les siècles. Au XIXe siècle, les pièces industrielles étaient fabriquées de cette manière. Cette technique n’est généralement pas utilisée en bijouterie, car elle peut être contraignante : à chaque bijou coulé, on détruit le moule pour le refaire ».

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Mathias Baden entrain de réaliser les évents autour de la matrice

Aussi passionnés l’un que l’autre, le duo parle avec enthousiasme et accepte de montrer ce savoir-faire artisanal avec plaisir. En les écoutant, on remonte les siècles … « Ce procédé offre une texture particulière, car le sable laisse des aspérités sur le bijou. On a fait le choix d’exploiter cette particularité et de mettre en valeur ces irrégularités avec une patine, une solution à base de souffre », précise Nicolas. Une technique qu’ils ont dû dompter à leurs débuts. « Je ne me souviens plus combien d’échecs nous avons dû essuyer avant de maîtriser la technique », précise Mathias avec humour.

« La fonte au sable permet de fabriquer un nombre incalculable de modèles à partir d’une même matrice avec un résultat toujours différent », Mathias.

Des reliefs disparates, cratères nébuleux, naissent de la fonte du bijou et donnent un résultat final au grain unique. Leurs bijoux ont un goût de passé et aucun bijou n’est identique. « Cette technique permet d’explorer ce que l’on veut. Une cohérence esthétique restera dans tous les modèles proposés », souligne Nicolas. Pour un œil non averti, la magie opère rapidement lors de la démonstration. « Le sable, qui contient une matière huileuse, peut être fortement compacté et va tenir en place. Plus il est compacté, moins les aspérités seront marquées. Le talc sur la matrice évite l’adhérence afin qu’elle ne colle pas au moule au moment du retrait. On réalise ensuite une cheminée sur le haut du moule par où va couler le métal », commence Mathias avec pédagogie. « Les évents, sillons réalisés autour de la matrice, permettent d’évacuer l’air enfermé à l’intérieur quand l’argent coule dans la cheminée. Cela évite la formation de bulles d’air qui fragilise le bijou. L’argent fond à partir de 964 ° et se fige instantanément d’où le besoin d’être rapide au moment de faire couler le métal » – poursuit Nicolas. « Ensuite, vient le travail à la lime. L’intérieur est lissé pour que le bijou soit agréable à porter. Et si les aspérités sont coupantes, on vient légèrement travailler dessus ».

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Après la fonte, Nicolas s’occupe de couper les évents et de limer le bijou

Au besoin, ils sont même autonomes et ne dépendent pas des fabricants. « À partir du moment où nous possédons la matière première, la grenaille d’argent, nous sommes autonomes avec les outils qui se trouvent l’atelier. Je peux fabriquer mes propres apprêts, l’argent déjà transformé – fil ou plaque que l’on appelle lingot – et utilisé dans la fabrication d’un bijou. Il me suffit d’un chalumeau, un creuset et une pierre à gouttière. On utilise ensuite le laminoir, comme une machine à pâtes, afin de gérer et atteindre l’épaisseur voulue jusqu’au dixième de millimètre ». Utile en effet en cas de problème de force majeur « comme un confinement par exemple ».

Des basiques et intemporels aux bijoux plus élaborés, Nicolas et Mathias peuvent parler de leur métier pendant des heures, preuve d’une passion. Avec l’atelier Septentrion, ils explorent leur créativité et leur sensibilité dans la conception de bijoux alternatifs. Et ce qui semble le plus important et intéressant pour l’un comme pour l’autre, « les bijoux conservent la trace de la main de l’artisan. Si on lime dans un sens ou dans un autre, on garde une trace et le rendu final sera différent ». Si le duo ne travaille actuellement que le bijou, ils ne s’interdisent pas de passer à de la petite orfèvrerie ou des pièces de joaillerie plus alambiquées à l’avenir.

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