Atoem sort Entropy le 22 septembre 2023, sur le label Yotanka Records. Après six ans d’exploration sonore cosmique, le duo de musiques électroniques atteint le firmament du premier album, nouvelle étoile dans une discographie sans faute. Les deux Renno-Nantais y poursuivent le dialogue artistique entre musique et science qui leur est cher, mais aussi l’alliage entre instruments organiques, synthétiseurs analogiques et modulaires qui a fait leur renommée. Rencontre.
De passage à Rennes pour la promotion du premier album d’Atoem, Antoine Talon et Gabriel Renault nous rejoignent en terrasse. Ils semblent bien excités par cette sortie imminente sur laquelle ils travaillent depuis des années. « C’est un tournant dans notre carrière », commence Antoine.
La trajectoire d’Atoem débute en 2017, à Rennes. À l’image de leur époque, les deux garçons qui pilotent la fusée sont la somme d’influences variées. Dans la mosaïque musicale de la seconde moitié du XXème siècle, ils puisent aussi bien au rock psychédélique qu’à la disco, à l’italo comme à l’électro et, bien sûr, à la techno. Fascinés par le chant des machines, ils sont tout autant attachés aux instruments qu’ils manient depuis l’adolescence. Ils mêlent dans leurs créations ces objets d’hier et d’aujourd’hui, alliage nouveau où cuivre et cordes font chœur. Repérés par les Trans Musicales à la suite de leur premier EP, Ruins, ils sont accompagnés par le fameux festival rennais en 2018, puis par les Vieilles Charrues en 2019. C’est l’ascension, la tournée des festivals et des salles de concert, les dates à l’étranger, etc.
Entre 2017 et 2019, Atoem sort trois EP, puis un EP live en 2022. Le duo ne délaisse pas pour autant le studio d’enregistrement, au contraire. Laborantins à la recherche d’un nouvel état de la matière, les deux garçons œuvrent dans l’ombre à leur prochaine grande découverte : le premier album. « Certains morceaux ont été composés il y a longtemps, il y en a un qui date de 2018 », témoigne Antoine Talon. « Depuis 2019, on a dû travailler sur 60-70 démos pour arriver aux 14 morceaux d’Entropy », ajoute Gabriel Renault.
La confection du premier album est passée par la recherche d’un concept fort. Les précédents EP d’Atoem se référaient déjà à des concepts scientifiques détournés. Enter The World’s Symmetry renvoie à la physique quantique, Voltage Controlled Time à un paramètre de synthétiseur. « À chaque fois, ce sont des concepts farfelus qu’on reprend à notre sauce », résume Gabriel Renault. Ici, c’est la notion d’entropie qui est à l’honneur.
En physique, l’entropie est une fonction exprimant l’état de désordre de la matière et, de façon plus générale, la tendance de cette dernière à se dégrader et à se disperser avec le temps. « C’est une notion fondamentale pour comprendre pas mal de phénomènes, notamment l’apparition de la vie sur Terre, ou notre perception du temps, qui est selon moi une perception de l’entropie, de la dégradation des choses. Il y a une loi dans l’univers qui dit que l’entropie ne fait qu’augmenter, que le désordre va finir par advenir », explique Antoine Talon. On peut alors voir dans ce titre un clin d’œil au premier EP d’Atoem, Ruins (les ruines), qui évoque aussi la dégradation de la matière avec le temps.
« Cette idée de désordre, de chaos, nous inspire parce qu’on arrive à faire des liens évidents avec ce qui se passe aujourd’hui dans nos sociétés », précise Gabriel Renault. « Chaque morceau de l’album est une clé de compréhension de ce concept transformé artistiquement », continue-t-il. Mais l’album va plus loin encore dans son illustration de l’entropie en cherchant à l’intégrer dans la construction des morceaux. « Au départ, les morceaux sont assez lisibles, avec des batteries, des couplets et des refrains. Au fil de l’écoute, les structures, les textures et les textes deviennent de plus en plus désordonnés. On tord la matière, les fréquences pour signifier l’augmentation du désordre », commente Gabriel.
En effet, dès le premier morceau, « Sinking Ocean », on entend comment une structure ordonnée peut, sous le coup de la répétition, craqueler son vernis pour laisser échapper une étincelle de folie. Pour autant, ce premier album d’Atoem ne fonctionne pas selon la loi de l’explosion systématique du tube techno (communément appelé banger). « On aime faire de la techno en live, mais on n’en écoute pas en permanence. Dans nos écouteurs, c’est plutôt de la musique électronique assez posée », confie Antoine Talon. D’ailleurs, la musique d’Atoem n’est pas uniquement électronique. Comme dans les précédents EP, la guitare électrique d’Antoine est encore largement présente sur plusieurs morceaux et toutes les batteries utilisées dans l’album ont été enregistrées en studio par Gabriel.
Hybride, le duo Atoem l’est aussi par la volonté d’explorer une variété d’univers. « On traverse différents styles et époques dans cet album. Il y a de la ballade électronique, du downtempo, de la dance, des choses beaucoup plus rave », énumère Antoine Talon. « Ce n’est pas tant dans le style qu’on pourrait se définir que dans les textures sonores et la manière dont on compose nos structures », résume Gabriel Renault. Ainsi, on reconnaît Atoem à son goût pour les harmonies, aux riffs orientaux évoquant la musique psychédélique, aux synthés typés années 70-80 qui ne feraient pas rougir Jean-Michel Jarre, au vocodeur inspiré de groupes phares pour le duo, de Pink Floyd à Daft Punk.
Le son d’Atoem s’enrichit encore des différentes collaborations pour cet album. En premier lieu celle avec Maël Danion qui a assuré le mixage des morceaux en apportant une touche plus pop. « Son parti pris, c’était de mettre les voix très en avant, ce qu’on n’a pas l’habitude de faire », explique Gabriel Renault. « On a beaucoup appris de lui. Notamment à retirer des éléments pour que d’autres parlent d’eux-mêmes, sans surcharger. À prendre des partis pris et à s’imposer que tout ne peut pas aller ensemble », continue le musicien. « Les Couleurs du son », chanson écrite (un lendemain de Trans Musicales) et chantée par le complice NVVN, apporte une teinte plus électro-pop. La plume poétique de Pablo Melchior mystifie la symphonie de synthés de « Ride On Time ».
Toujours au chapitre des collaborations, il faut signaler le somptueux travail d’artwork de Timothée Boubay, qui signe la pochette d’Entropy et toute la direction artistique qui entoure la sortie. Belle mais cryptique, l’illustration est en fait une représentation de la matière qui passe à un autre état, dessinant un sablier. Antoine Talon, passionné de physique, nous explique qu’il s’agit d’une vision artistique du condensat de Bose-Einstein, l’un des cinq états de la matière. Non observable dans la nature, « on le retrouve à des températures proches du 0 absolu, quand les atomes se synchronisent tous ensemble et créent une grande vague, comme une onde quantique géante ». Poétique, l’image évoque celle d’une foule disparate que la musique ferait soudainement danser d’un même mouvement.
Le dernier partenaire indispensable dans la sortie de cet album est le label nantais Yotanka. C’est le premier label à signer une sortie d’Atoem qui jusque-là avait toujours fait le choix de l’autoproduction. Partenaire de confiance, « petite famille à taille humaine » d’après Antoine Talon, Yotanka a permis à Atoem de réaliser ses premiers clips (après des live sessions qui avaient déjà fait la réputation du duo). Le premier, « Sinking Ocean », avait déjà attiré notre attention à sa parution, et un second est en préparation.
Atoem fêtera la sortie d’Entropy le 22 septembre 2023 à Rennes, leur ville natale et de cœur. Entouré de la DJ Célélé et du groupe Roszalie, le duo se produira devant le public qui l’a vu grandir. C’est l’occasion de présenter une nouvelle scénographie : un show laser, conçu par Lénaïc Pujol du collectif Scale, complétant les imposantes barres de lumières LED qui avaient déjà marqué les esprits. Cette date rennaise sera suivie d’une tournée des salles de concert françaises, au rythme soutenu d’une trentaine de concerts en trois mois. Puis, aux beaux jours, d’une tournée des festivals. Mais entre-temps, les deux alchimistes d’Atoem sont bien décidés à s’enfermer dans leur laboratoire pour commencer la création d’un second album. On n’est pas prêt de ne plus entendre parler d’Atoem.