Aurélie Guillerey, illustratrice rennaise depuis 26 ans, nous dévoile son approche créative et son amour du dessin, mêlé à son goût pour les mots et les histoires. Rencontre.
Originaire de Besançon, Aurélie Guillerey s’installe à Rennes il y a 25 ans. Après son bac, elle intègre l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg, où elle explore divers médiums : sculpture, peinture, gravure. C’est la gravure qui la séduit particulièrement. Alors, sous la direction de son professeur, elle développe son style personnel, surtout dans l’univers du dessin. Ce qui débute comme une quête d’identité se transforme rapidement en une véritable affirmation artistique, l’illustration devenant une évidence pour elle.
Elle choisit dès lors de se spécialiser dans cette discipline et se forme davantage auprès de Claude Lapointe, un maître du genre. C’est au contact de ce dernier qu’elle approfondit sa compréhension de l’illustration. Pendant ces années, elle affine ses techniques et s’affirme comme une illustratrice pleinement engagée dans le domaine de l’illustration jeunesse.
Le travail d’Aurélie Guillerey se distingue aujourd’hui par une grande diversité de supports et de projets. Des livres jeunesse aux affiches, en passant par des jeux pour enfants, son univers graphique se caractérise par sa douceur, ses personnages légèrement décalés et son goût pour l’humour subtil. Dans chaque projet, elle adapte son approche tout en conservant une identité visuelle unique et immédiatement reconnaissable.
Le processus créatif de Aurélie Guillerey se caractérise par une combinaison de spontanéité et de réflexion approfondie. Avant de commencer un projet, elle réalise des esquisses, les « crayonnés », où elle explore la composition et la dynamique des personnages. Ces premières étapes sont essentielles pour poser les bases visuelles tout en permettant une marge de manœuvre pour l’improvisation et les ajustements.
Elle passe ensuite à l’étape du « chemin de fer », qui consiste à répartir les éléments visuels et textuels sur les pages, en réfléchissant à la mise en page et au rythme du livre. Une fois cette étape validée par l’éditeur, elle passe à la mise en taille et en couleurs. « Je réalise les dessins en noir et blanc avec un mélange de plumes et de pinceaux. Une fois scannés, je fais la couleur en numérique », précise-t-elle.
Lors de la mise en couleur, elle combine techniques traditionnelles et numériques, jouant avec les textures et les matières pour obtenir le bon équilibre. Bien qu’elle ait longtemps utilisé une tablette graphique, elle a redécouvert le plaisir de travailler sur un iPad, ce qui lui permet une grande fluidité. Cependant, elle admet : « Ce qui me gêne quand je bosse sur mon iPad, c’est que je ne travaille pas à la taille réelle. Je peux zoomer, ce qui me pousse à être trop minutieuse et à perdre du temps sur des détails qui, une fois agrandis, ne rendent pas de la même manière ».
Ses premiers travaux, tels que Que se passe-t-il là-dessous ? ou l’illustration des Tartines au Ketchup de Marie-Sabine Roger, révèlent sa capacité à jouer avec l’imaginaire des enfants tout en abordant des thématiques à la fois profondes et ludiques. Pour 100 choses à faire avant d’avoir dix ans, elle a ajouté sa touche personnelle à un projet conçu initialement par Virginie Aladjidi et Caroline Pellisier, qui avaient listé des bêtises à accomplir avant l’âge de dix ans. « Je leur ai dit très vite, je veux bien faire le projet, mais je veux participer à l’écriture », explique-t-elle. Pour elle, dessiner déclenche de nouvelles idées et elle souhaitait enrichir le livre en y apportant sa propre vision créative.
Les thématiques explorées par Aurélie Guillerey sont variées, mais un fil conducteur se dessine : « J’aime bien les histoires de fantaisie, les personnages légèrement loufoques. J’aime les petits décalages, les histoires qui se déroulent dans un quotidien réel, mais où il y a un petit twist ». Cette approche permet aux enfants de retrouver un monde familier, tout en étant imprégné de poésie et d’humour. Ce goût pour les histoires positives s’étend à son travail pour la presse, notamment pour des magazines comme Pomme d’Api, pour lequel elle a illustré la grande histoire du mois de janvier.
La diversité de son univers créatif dépasse l’illustration jeunesse puisqu’Aurélie Guillerey a aussi réalisé des livres musicaux, tels que Mes premières chansons des reines du jazz, prévu pour une sortie le 20 février 2025. L’illustratrice s’intéresse de plus en plus à un public plus âgé, notamment à travers des projets pour adolescents. Elle prépare actuellement un livre pour la maison d’édition rennaise Hygée Éditions, une nouvelle direction pour elle qui lui permet d’élargir ses horizons tout en combinant ses compétences d’illustratrice à un thème plus actuel. « Ça s’adresse vraiment aux ados », précise-t-elle.
Aurélie Guillerey a également exploré l’univers du jeu, notamment à travers sa collaboration avec Moulin Roty. Ce projet lui a permis de créer la collection Les Bambins, incluant la conception de la typographie, la mise en page et la sélection des jeux. « C’était un projet merveilleux. J’ai inventé les jeux, le nom de la collection, la typo, la mise en page et j’ai choisi les jeux à faire », raconte-t-elle. Ce travail lui a permis de se replonger dans ses souvenirs d’enfance, imaginant un monde ludique où jeux, couleurs et imagination se rencontrent.
Depuis quelques années, Aurélie Guillerey s’est aussi imposée dans le paysage culturel de Rennes, notamment à travers ses collaborations avec le Carré Rennais. Elle a réalisé plusieurs affiches pour des événements locaux comme Rues Vivantes et la braderie de juin. Elle évoque également une installation sur Place Saint-Germain, où ses images étaient imprimées sur une grosse bulle, créant une œuvre éphémère et poétique.
Ces créations illustrent sa capacité à allier esthétique et fonctionnalité, en transformant chaque événement en une invitation visuelle pleine de vie et de couleurs. Ces affiches, comme ses autres œuvres, sont souvent empreintes de poésie et d’humour, tout en conservant sa signature artistique. Plus récemment, elle a conçu une affiche pour un festival de littérature jeunesse à Cherbourg, élargissant ainsi son impact au-delà de la scène locale.
À travers ses dessins, Aurélie Guillerey nous plonge dans un univers coloré, riche en émotions et en rires, où la fantaisie se mêle à la réalité. Son style unique et son approche personnelle rendent hommage à l’imaginaire tout en restant profondément ancrés dans le quotidien. Son parcours, en constante évolution, témoigne d’un talent toujours renouvelé et d’une créatrice dont l’œuvre continue de surprendre et d’enchanter.L’illustratrice envisage de se lancer dans l’écriture de son propre album, un projet très personnel où elle souhaite allier texte et illustration de manière autonome. « J’ai vraiment une idée d’histoire, mais je ne sais pas trop comment m’y prendre. Je voudrais écrire mon propre album, sans travailler avec un auteur. Je suis en train de réfléchir à ça », confie-t-elle. Alors ne la perdons pas de vue !
