Aki Kaurismäki, après six années d’absence, revient avec L’autre côté de l’espoir, lauréat de l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à la Berlinale 2017. En 2011, le réalisateur finlandais avait commencé à aborder le thème des migrations avec Le Havre. L’autre côté de l’espoir constitue le deuxième volet d’une trilogie sur le même sujet. Décalé, drolatique, dramatique, Aki Kaurismäki, magistralement, brouille les frontières.
Aki Kaurismäki, 59 ans, cinéaste finlandais, et près d’une vingtaine de longs métrages à son actif. Caustique, pour ne pas dire cynique, son œuvre est traversée d’un humour sans pareil, entre rire jaune et grimace silencieuse. Et entre rire et chanson : plusieurs de ses réalisations font la part belle à la musique, particulièrement au rock.
L’autre côté de l’espoir n’y coupe pas : puisqu’il présente un blues de l’exil, autant le faire sur des guitares, sèchement, électriquement, en acoustique. L’histoire ? Deux destins croisés, à Helsinki : Wikhström, cinquantenaire, bouleverse son existence, quitte sa femme et ouvre un restaurant, Khaled, jeune réfugié syrien, arrive par hasard dans un cargo. Chacun sa galère : ils se retrouvent pourtant dans ce restaurant-monde où Wikhström décide de l’embaucher, certes par solidarité, mais aussi par nécessité.
Réaliste ? Actuelle ? Aki Kaurismäki choisit plutôt la tangente. L’autre côté de l’espoir est noir comme les destins qu’il met en scène. Comme dans son précédent film, Le Havre, le réalisateur finlandais préfère à la vraisemblance l’anachronisme. Bluegrass, Finlande années 80, voitures de collection, costumes trois-pièces : Aki Kaurismäki frôle la parodie. Résultat ? Il parvient à hisser son sujet – les migrations contemporaines – à un niveau intemporel. Niveau humour, le spectateur s’amusera de l’absurde des situations. L’autre côté de l’espoir, c’est un peu Vladimir et Estragon dans les faubourgs de la Finlande actuelle, des exilés de tous bords.
Quel est cet « autre côté » ? Sans doute Aki Kaurismäki voulait-il pointer du doigt les désillusions d’un réfugié syrien à son arrivée « de l’autre côté », derrière la guerre, les bombes, la mort. Autant le dire : ni le réalisateur ni les personnages ne s’avèrent optimistes. Silencieux à la limite de l’aphasie, ils n’ont pas perdu l’espoir. Ils se résignent, ils attendent, ils luttent avec patience et flegme. Khaled tente d’obtenir un visa, de retrouver sa sœur, de ne pas rencontrer les quelques xénophobes finlandais qui le traquent. Wikhström, exilé d’un autre ordre, veut faire vivre sa nouvelle affaire. Le restaurant constitue un personnage à part entière : pour le faire fructifier, Wikhström le transforme en bar à sushi, en indien ou en bar dansant. L’autre côté de la mondialisation, c’est une vision irréelle et drolatique du multiculturalisme.
Pour le réalisateur, l’occasion est donnée de parler de la Finlande, un pays lui aussi marqué par la guerre, une vision en clair-obscur où se côtoient extrémismes et solidarité en demi-teinte. Un instant, des images d’Alep bombardé font irruption sur un écran de télévision, moment de réalisme au milieu d’une bulle quasiment autistique. L’exil, pour paraphraser Cioran, c’est aussi notre conscience.
L’autre côté de l’espoir Aki Kaurismäki, sorti le 15 mars 2017, 1h38, avec Sakari Kuosmanen, Sherwan Haji, Tommi Korpela…
Réalisation et production : Aki Kaurismäki
Photographie : Timo Salminen
Monteur : Samu Heikkilä
Costumes : Tiina Kaukanen
Maquillage : Tiina Kaukanen
Assistant-réalisateur : Eevi Kareinen