Saint-Germain-sur-Ille. Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre interrogent nos liens Avec l’animal

Avec l’animal est la nouvelle création des Suisses Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre. Dans ce deuxième volet de la Trilogie des liens sera questionné notre lien à l’animal sauvage par l’intermédiaire des récits de vie d’un chasseur et d’un pêcheur. Un moment fort de sincérité et de partage autour d’un sujet aujourd’hui clivant présenté à la ferme la Touchette à Saint-Germain-sur-Ille (près de Rennes, à 16 minutes en TER), ces samedi 18 et dimanche 19 mars 2023. Un événement des Tombées de la Nuit, en partenariat avec le Centre culturel suisse.

C’est une pièce aux airs de fable écologique qui attend le public samedi 18 et dimanche 19 mars 2023. À la Touchette de Saint-Germain-sur-Ille, la création Avec l’animal de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre donnera la parole à Bernard Magnin et Serge Bregnard, respectivement chasseur et pêcheur. Installés autour d’une table, en pleine préparation d’un repas qui mijotera pendant 1h, les deux praticiens/interprètes en profiteront pour aborder les pratiques de chasse dans le but de questionner le public sur son lien aux animaux sauvages. Ou plus précisément son délitement au fil des générations…

massimo furlan claire de ribaupierre
Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre © Pierre Nydegger

Le premier s’occupe de l’image et de la scène, la seconde se consacre plus aux textes et à l’interprétation. Ensemble à la ville depuis plus de vingt ans, le metteur en scène Massimo Furlan et la dramaturge Claire de Ribaupierre sont tout aussi complices dans le travail. « J’ai une formation artistique, aux beaux-arts, et Claire une formation plus universitaire, anthropologique et philosophique », introduit Massimo Furlan. « On s’est rejoints dans le spectacle vivant de manière assez naturelle, en étant par chance complémentaires. » Avec l’animal est le deuxième opus de la Trilogie des liens initiée par le duo en 2020, avec Dans la forêt.

Cette balade nocturne au cœur des forêts de Lausanne, avant qu’elle ne s’aventure dans d’autres milieux naturels et sauvages de France et d’ailleurs, fut le point de départ d’une interrogation autour des liens que l’être humain entretient de nos jours avec le Vivant. Au-delà d’une pratique qu’ils affectionnent tous les deux, celle de la marche en forêt de nuit, la volonté était de se questionner sur le ressenti de cette force qui nous entoure, de ces très beaux moments suspendus en dehors de nos vies de citadin. Mais aussi se rendre compte de la détérioration du lien qui nous unissait à elle.

dans la foret massimo furlan
Dans la forêt, 2020 © Pierre Nydegger

Habitué à une nature aménagée en fonction de la ville, et non l’inverse, l’être humain s’est éloigné de la nature. Son lien à elle s’est délité pour ne se résumer qu’à une contemplation souvent superficielle, un dimanche après-midi, d’un espace sauvage qui nous est aujourd’hui quasi inconnu. « On sort heureux de notre promenade, mais on a ni vu, ni senti, ni observé quoique ce soit. »

De leurs réflexions personnelles autour du Vivant est née une création dans laquelle le binôme proposait de partager une expérience intense et forte. « Comment vivre en forêt, comment développer une connaissance, y a-t-il encore des traces en nous et si c’est le cas, comment les réactiver », sont autant de questions qui ont façonné le squelette de la première création de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre. Tous deux se sont tournés vers les différents corps de métier en lien avec la nature dans le but de comprendre et de voir comment certaines personnes ont su conserver ce lien alors qu’elles vivent dans des sociétés modernes et urbaines, tout comme nous. Le projet est rapidement devenu une trilogie pour étendre ce questionnement à d’autres thématiques relatives au sujet.

massimo furlan claire de ribaupierre
© Pierre Nydegger

Ce lien particulier se prolonge ainsi dans le deuxième volet, Avec l’animal. Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre ont choisi d’aborder les pratiques de chasse afin d’interroger notre relation aux bêtes à deux, quatre pattes (ou plus). Le metteur en scène et la dramaturge sont pour cela allés interroger des personnes dont le lien avec le territoire, mais aussi avec la faune, a su être conservé. « Assez vite est venue l’idée de s’intéresser à ceux et celles qui arpentent les forêts et les montagnes, les rivières », précise Claire de Ribaupierre. Massimo complète : « On s’est intéressés à eux aussi parce qu’ils ont un rôle qui pose problème de nos jours. Je pense particulièrement aux chasseurs, une figure qui se questionne, mais dont la pratique est aussi très questionnée. »  La parole est ainsi donnée à des praticiens, Bernard Magnin et Serge Bregnard, et non à des théoriciens spécialistes. Les interprètes ne sont pas des comédiens formés professionnellement, mais bien un chasseur et un pêcheur qui n’avaient d’apparence aucune appétence particulière pour le théâtre. « C’est une expérimentation qu’on mène depuis des années, avec des personnes à qui on propose de partager une expérience, la leur et la nôtre, pour en faire un spectacle », poursuit-il. 

Plus que d’interroger le théâtre, le jeu et l’acteur, le duo cherche là à mettre sur le devant de la scène des personnes à qui on ne donne pas forcément la parole. Comme le souligne le metteur en scène, « cette parole sera bien sûr bien moins assurée ou professionnelle, mais amène dans sa fragilité et dans son expression, un courage de la part de la personne sur scène, mais aussi une émotion », et pour le cas de cette dernière création, un lien avec l’animal particulièrement fort, contrairement à ce que l’on peut penser. Tous deux partagent quelque chose qui touche à l’intime. Leur manière de raconter, les phrasés et leur voix dégagent une authenticité forte qui serait tout autre pas s’il s’agissait de la voix de l’acteur ou de l’écriture de l’auteur.

Écrits de philosophes et anthropologues, comme les relations de Nastassja Martin avec les chasseurs en Alaska et en Sibérie ou l’ouvrage L’Animal et la mort de Charles Stepanoff, pisteurs et traqueurs comptent bien entendu parmi les recherches théoriques de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre. Mais elles ont seulement servi d’axes à exploiter avec Bernard et Serge. « Ces lectures nous ont permis d’extraire des points dans leur histoire, mais on reste dans la biographie », intervient la dramaturge.

« Entre l’enfance des interprètes et aujourd’hui, les pratiques ont énormément changé. La faune, les rivières, les paysages ont changé, mais aussi les réglementations, les sensibilités. C’était beau de pouvoir travailler sur la longue durée et se questionner NON seulement sur l’actualité mais aussi l’évolution. » 

Claire de Ribaupierre, dramaturge.

Loin d’être un projet moraliste ou qui prend parti, Avec l’animal retrace l’expérience de deux personnes d’un âge mûr qui ont traversé une époque et vécu l’évolution d’une pratique devenue aujourd’hui un sujet épineux, tellement clivant que le débat n’est plus. « Peut-être essayons-nous de proposer une vision, un point de vue différent qui est hors du jugement péremptoire justement », suggère Massimo. Ce qui donne une création étonnante, à l’écoute des récits et qui questionne nos certitudes. Il continue : « Au-delà de cette passion, Bernard a véritablement un amour pour les animaux, ce qui paraît totalement paradoxal mais c’est ce qui nous intéresse aussi ». Et de finir : « Ces cinq dernières années, il a tiré quatre fois. Ce n’est pas le seul à avoir ce rapport, mais il a une chasse presque rurale qui est fascinante. » Tous deux créent une rencontre avec deux personnes qui, souvent, n’ont pas la parole pour, quelque part, briser les a priori. « C’est l’idée de prendre le temps d’essayer de comprendre, de témoigner, d’écouter pour ensuite laisser le spectateur réfléchir et se faire sa propre idée, ses propres sentiments à propos de ces rencontres », éclaire Claire de Ribaupierre. 

  • massimo furlan claire de ribaupierre
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  • dans la forêt trilogie des liens
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Le moment de parole laissera ensuite place à un moment de partage, autre notion au centre du projet. « Autant Serge que Bernard, quand ils expliquent la mise à mort d’un animal, c’est pour le partager avec la communauté, leur famille, ce n’est pas un acte égoïste », nous apprend Massimo Furlan. Autour de la table, deux hommes discutent et, entre deux histoires racontées, deux témoignages dévoilés, une soupe se prépare. Cette dernière sera partagée avec le public en fin de spectacle afin qu’à son tour il puisse s’exprimer et témoigner de sa propre expérience pour tenter, peut-être, de reconstruire un lien au Vivant. 

Chez la compagnie OCUS
La Touchette, Saint-Germain-sur-Ille
Samedi 18/03, 19h30 • Dimanche 19/03, 16h
10€ Tarif plein, 4€ Tarif Sortir !
Billetterie en ligne sur lestombeesdelanuit.com
ou sur place 30 minutes avant le début du spectacle

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