Phil Maggi est compositeur, expérimentateur sonique, membre/pilier du projet belge de méta-rock Ultraphallus. En 2012 le liégeois réalise Babimost un court-métrage mutique où gestes et mouvements disent le tout du rien, son ressenti, l’apaisante espérance qui y luit.
Aucun sacrifice ne modifiera les formes naturelles du mal. (D. de Roux, Immédiatement)
Narration pleinement cinématographique, iconique, d’un prêtre solitaire dans un monde qui, on l’imagine, a rejeté Dieu, le « témoin gênant » de Nietzsche, Babimost tire son titre d’un village polonais martyr souvent visité par le jeune réalisateur. Dans ce combat viscéral contre le vide de l’absence on songe, évidemment, au Journal d’un curé de campagne de Bernanos, à son adaptation grandiose par Pialat dans Sous le soleil de Satan… Mais, avec un talent évident, Phil Maggi évite les références et les évidences. Musicien, il compose sa propre bande-son et libère sa mise en scène de tous dialogues superflus. Ses arrangements de samples d’œuvres classiques évoquent la déliquescence, le graduel appauvrissement d’une culture du sublime liée au culte. À moins que ce ne soit l’inverse…
Toujours est-il que cette ivresse des profondeurs du vide, de l’abandon conduit doucement, sans heurt, vers une fin de vie repue, foisonnante de sa nullité, de son excès d’œuvres ouvrant sur un au-delà d’une beauté et d’un bien vains et finalement corrupteurs. L’âme exigerait alors un saut. Un outrepassement vers un excès non épuisé, non corrupteur. Le martyr, la sainteté. Mais discrets, comme un souffle. Furtif comme une brise embaumée, comme un geste esquissé, celui qui ne se voit pas mais qui rédime et sauve. Celui, suggéré par l’acte cinématographique profane, qui dévoile sans révéler. Le plein du cadre suggère l’absence. L’homme abandonné abandonne les gestes rituels devenus vains et se met en marche vers une beauté finale, toujours présente et toujours cachée. Geste à jamais essentiel.
Babimost est une de ces œuvres, une de ces tentatives d’œuvres discrètes, presque invisibles qui irriguent la création contemporaine sans asséner de discours clos et sclérosant. On ne peut que souhaiter assister à l’émergence et au partage par l’intermédiaire des multiples réseaux numériques d’un nombre croissant de ces travaux artistiques de qualité.
Beaucoup plus bruyant et moins apaisé, le projet musical Ultraphallus annonce pour le mois de juin 2015 la parution d’un nouvel album sur le mythique label Belge Sub Rosa. Son titre, The Art of spectres, pourrait toutefois renvoyer à la thématique profonde que Phil Maggi a exposée dans Babimost. Tout comme son tout nouveau LP Motherland, ode électronique à l’alchimie spirituelle, paysages sonores atmosphériques, ballades vocales et expérimentales enregistrées en Ombie, à Assise et Gubbio, au cœur de l’Italie. Inspiré par les textes de Fulcanelli, Robert Garcet et Giordano Bruno, Motherland est un flot de lumières paradoxales, alternant passages abyssaux et crises psychédéliques, évoquant avec fougue la puissance de l’imagination créatrice.