Dans Whitman, Barlen Pyamootoo s’empare de la figure de Walt Whitman, géant de la poésie américaine, pour nous faire sillonner, à travers les yeux du poètes, les théâtre d’opération de la guerre de Sécession. Un roman court et souvent sec, à paraître aux Éditions de l’Olivier le 2 mai 2019. Comment aurait-il pu en être autrement lorsqu’on décrit avec autant de pertinence les ambiances, les souffles, les couleurs de la guerre ?
Décembre 1862, le poète Walt Whitman, qu’on ne présente plus, apprend que son frère George a probablement été blessé à la bataille de Fredericksburg, en Virginie.
Il décide sur le champ de partir à sa recherche pour voir ce qu’il en est, et surtout, pour le soutenir. Il sort donc de sa tour d’ivoire, quitte sa poésie et part sur le terrain. Il cherche partout, un peu désespérément, n’hésitant pas à écumer les hôpitaux, les campements. Il bat la campagne dans un périple qui va le conduire de Brooklyn (New York) à Washington et jusqu’en Virginie, à pied, en train, en bateau.
De son statut de poète, Whitman passe à celui de chroniqueur de guerre, n’hésitant pas à nous relater avec force précisions, non sans poésie cependant, l’horreur du quotidien de la guerre, tout autant que la bonne volonté et l’humanité de celles et ceux qui portent secours, souvent si peu sûrs de leur efficacité. Comme un reporter, il nous embarque dans son périple au plus proche de ces troupes nordistes et sudistes qui s’opposent dans une Amérique déchirée par la ségrégation raciale. Et cela prendra encore bien des décennies avant que les choses s’apaisent « un peu » !
En traversant les États, en côtoyant les troupes, autant les gradés que les simples troufions, Walt Whitman, le poète, s’humanise chaque jour, chaque nuit, davantage, vivant au rythme des combats, des ordres, de la faim, de la crasse, des blessures, de la mort omniprésente. Et de l’espoir, de l’attention, de la douceur, qu’il transmet comme il peut aux soldats souvent désespérés, démembrés physiquement comme moralement.
Un très grand moment de littérature, une écriture remarquablement ciselée, d’une qualité irréprochable !
I have perceiv’d that to be with those I like is enough,
J’ai compris qu’être avec ceux que j’aime est assez,To stop in company with the rest at evening is enough,
Que s’arrêter avec eux pour me reposer le soir est assezTo be surrounded by beautiful, curious, breathing, laughing flesh is enough,
Qu’être entourÉ par la chair belle, curieuse, vivante, riante est assezTo pass among them or touch any one, or rest my arm ever so lightly round his or her neck for a moment, what is this then ?
Que passer parmi eux ou en toucher un seul, ou reposer mon bras un instant si lÉgÈrement que ce fut autour de son cou à lui ou à elle, qu’est-ce alors ?
I do not ask any more delight, I swim in it as in a sea.
Je ne demande pas d’autre délice, j’y nage comme dans une merWALT WHITMAN, « I Sing the Body Electric », Leaves of Grass (1855)
Barlen Pyamootoo, Whitman, Paris, Éditions de l’Olivier, 160 pages. Parution : 2 mai 2019. Prix : 16,00 €.
Barlen Pyamootoo a passé son enfance et son adolescence à l’île Maurice, avant de partir en France avec sa famille en 1977. Après des études de Lettres et quelques années d’enseignement à Strasbourg, il s’est de nouveau installé à Maurice. Depuis 1995, il vit à Trou d’Eau Douce. Traversé par les mots, Barlen Pyamootoo impose d’emblée une voix très singulière. Il a publié quatre romans aux éditions de l’Olivier : Bénarès (1999), Le Tour de Babylone (2002), Salogi’s (2008) et L’Île au poisson venimeux (2017).