BD L’Adoption de Monin et Zidrou, à adopter tout de suite !

L’Adoption, la BD de Monin et Zidrou, à la fois sensible et juste, ne révèle dans son titre qu’une partie du thème abordé. Une BD qui pourrait bien apporter un début de réponse à une question centrale de notre époque : et si la « vraie vie » recommençait la soixantaine passée ? En faisant son jogging ou en adoptant une petite fille étrangère.

 

l'adoption BD« Cela ne peut pas faire de mal ! » : cette phrase si souvent entendue, notamment lorsque des parents incitent leur progéniture à avaler de l’huile de foie de morue (un exemple parmi tant d’autres !), est celle qui vient immédiatement à l’esprit après la lecture de cette BD, tendre et légère à la fois. Rien à ingurgiter pourtant, mais plutôt le plaisir de déguster un récit où l’amour et la tendresse l’emportent sur la violence.
Cet album n’est pas le premier ni le dernier, qui s’attachent à montrer le bonheur du quotidien et des plaisirs de la retraite. Les trois tomes des « Vieux Fourneaux », les quatre opus des « Gens Honnêtes » jouent sur ce même registre de personnages vieillissants qui profitent de la dernière partie de leur vie pour inaugurer de nouvelles joies. Et le compagnonnage d’amis est toujours de mise, comme si la retraite ne se vivait bien qu’à plusieurs. Tendance éditoriale forte (1), ces ouvrages, avec leur brin de naïveté idyllique, rencontrent un large succès. Tous ont pourtant en commun, au-delà du « c’était mieux avant », la volonté d’aborder avec le sourire des thèmes d’actualité plus larges, comme le chômage ou la société de consommation. Petits traités de sociologie, ils donnent une image tout en nuances de notre époque.
adoption_bd_moni-zidrou_grand-angleAvec L’Adoption, les auteurs, outre le bonheur de la retraite (ils sont trois retraités comme dans les Vieux Fourneaux) s’attachent d’abord à démontrer que l’apparition d’un enfant dans une vie de couples ou de grands-parents modifie le sens de l’existence. Cette apparition s’appelle Qinaya, elle est d’origine péruvienne et orpheline à la suite d’un tremblement de terre dans son pays de naissance. Adoptée, elle débarque un jour chez Alain et Lynette, couple dans lequel elle va combler un vide et chez Gabriel et Mamie Rysette, ses grands-parents qui vont découvrir progressivement combien l’existence a priori heureuse de retraité peut devenir étincelante et redécoller vers des projets et des envies comme au bon vieux temps, tel celui où Noël n’avait de sens que lorsque des enfants trônaient au pied du sapin. On le devine à la lecture de ce scénario, il n’y a pas loin entre la sensibilité et la sensiblerie. Les auteurs évitent le piège de la seconde par de subtils dessins craquants et légers, en utilisant notamment le silence, si difficile à dessiner, mais porteur de si riches sentiments quand il est traduit avec justesse.

bd_monin-zidrou_adoption_grand-angleSur la couverture Gabriel, que l’on devine grincheux mais repenti et vaincu par le simple dessin d’une silhouette évocatrice, regardant la petite Qinaya, donne le ton. Car il est bougon le grand-père, craintif à ce que l’ordonnancement de sa vie parfaitement réglée, avec notamment la « journée des Gégés » (ses deux potes Gérald et Gaston, anciens commerçants retraités)  soit troublé par un enfant venu d’ailleurs. Alors que Cauuet et Lupano utilisent le rire et la farce pour dissimuler une émotion qui peut devenir impudique, voire obscène, Zidrou et Monin jouent sur les attitudes et le non-dit. On est alors touchés, sans crainte du voyeurisme, par le visage poupin de Qinaya qui promène son doudou, ou le sourire sans limites d’une grand-mère heureuse de choyer sa petite fille. Par le dessin et la décomposition des gestes, l’arrivée muette d’une course cycliste devient un moment magique de connivence et de tendresse. Ainsi la vie quotidienne est revisitée à l’aune des petits et très grands bonheurs quotidiens que sont un anniversaire ou une fête scolaire de fin d’année. L’actualité et la prise directe avec la vie réelle ne sont cependant pas oubliées grâce à une surprise finale qui donne envie au lecteur de connaître la suite.

bd_monin-zidrou_adoptionLe mérite de ces albums, au-delà du registre maîtrisé de l’émotion, est de dessiner les contours de notre société par petites touches impressionnistes. Monet et ses suivants voulurent saisir la lumière et l’air du temps par de petits coups de pinceau superposés les uns sur les autres. Les dessinateurs et scénaristes de BD d’aujourd’hui représentent le quotidien à petits coups d’émotion et de tendresse. Tous contribuent à nous faire aimer la vie. Et ses impressions.

 

L’Adoption Zidrou et Arno Monin. Éditions Bamboo, Collection Grand Angle. Épisode ½. 72 pages. 14,90 €.

Scénariste : ZIDROU
Dessinateur : Arno MONIN

Lire un extrait ici.

(1) Dans la même veine sort actuellement le deuxième tome de Les beaux étés de Zidrou et Lafebre Jordi chez Dargaud, albums basés sur la nostalgie des souvenirs de vacances des années 70.

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ZIDROU
Né en 1962 à Bruxelles, Zidrou est d’abord instituteur, puis en 1991, il rencontre le dessinateur Godi avec qui il crée L’Élève Ducobu. Il signe alors de nombreuses séries pour enfants et adolescents, des Crannibales à Tamara, de Scott Zombi à Sac à Puces, puis imagine des histoires pour adultes comme ProTECTO, Lydie, ou encore Tourne Disque. En février 2012, il signe Boule à Zéro chez Bamboo Éditions et en octobre 2014, Merci chez Grand Angle.

ARNO MONIN
Après avoir passé un bac littéraire puis une année à la fac en histoire de l’art, Arno Monin intègre une école d’arts appliqués qui proposait la formation dessin ,animation, bande dessinée. En cours de formation, un projet BD commence à le démanger. Il s’y consacre alors à plein temps afin de le présenter à des éditeurs, jusqu’à la bonne rencontre avec Grand Angle. Il signe les dessins du très remarqué L’Envolée sauvage, suivi de L’Enfant maudit.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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