BD en vidéo. Rencontre avec Zanzim, un Grand petit homme

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Avec Grand petit homme publié aux éditions Glénat, récit aux allures de conte, Zanzim nous dit que tout homme peut grandir en rapetissant physiquement. Un paradoxe troublant. Le dessinateur a été invité à discuter de cette nouvelle création dans l’émission Faites-moi lire, coproduite par Les Champs Libres, TVR et Unidivers.

Il existe des textes ou des BD qui éveillent de nombreux souvenirs ou des images enfouies. Grand petit homme fait partie de ces ouvrages parce qu’au moment de le raconter les qualificatifs se multiplient. La première référence, d’ailleurs citée dans le livre, est celle du roman de Jonathan Swift, Les voyages de Gulliver. Le personnage principal de la BD, Rétif, une indication déjà sur la personnalité de l’homme, est petit, trop petit à son goût. il mesure un mètre cinquante sept et demi, une taille qui l’oblige à porter des talonnettes mais surtout constitue un obstacle insurmontable pour aborder les jolies femmes. Petit, par l’entremise d’une chaussure magique, il va encore rapetissé, pour devenir aussi petit qu’une souris et découvrir l’univers différemment, comme le héros de l’écrivain irlandais.

On songe alors à L’homme qui aimait les femmes de Truffaut, car Rétif, devenu minuscule va pouvoir rentrer dans l’intimité de ces êtres étranges qui lui font peur et l’attirent, notamment par leurs chevilles, leurs pieds, dont il est un fétichiste avéré. « Les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie »disait le cinéaste, une sentence que reprendrait bien à son compte notre petit homme.

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Au soupirail d’un magasin de chaussures, où il travaille, il peut observer en toute impunité les talons à aiguilles, les mules ou encore les trotteurs qui rendent si finement le galbe des mollets. Il peut même, comme dans la chanson de Souchon, regarder « sous les jupes des filles ». Devenir presque invisible aux yeux des autres lui change l’existence. Il apprend combien il était méprisé, par sa patronne et ses deux collègues femmes qui lorsqu’elles le redécouvrent minuscule en font presque un jouet de plaisir. Elles deviennent les maitresses des jeux presque sexuels dans une atmosphère ambiguë. Comme les hommes, elles aussi ont leurs préjugés, physiques et intellectuels et Rétif est victime de leurs moqueries et de leur emprise.

Zanzim, dessinateur de l’immense succès de Peau d’homme qu’avait scénarisé le regretté Hubert, revient en auteur solo avec cet album déroutant, aux multiples facettes. Il ne démontre rien, ne revendique rien. Loin de tout manichéisme, il nous livre un récit doux amer en dessinant des personnages complexes, sympathiques dans certaines situations et odieux dans d’autres. L’humour et le tragique se côtoient, prenant parfois la forme du conte lorsque Rétif le minuscule se love dans les endroits les plus doux du corps de la blonde Madeleine. Objet sexuel de la jeune femme, à la manière de la Belle au Bois dormant, il profite de la nuit pour dans des pages de grande poésie, sans aucune grivoiserie sillonner « tout entier à travers les mèches ardentes embrasées par l’éclat de la lune rousse ».

Peu à peu, physiquement minuscule, le petit homme va grandir et découvrir que les sentiments les plus forts ne lui sont pas interdits. C’est une autre forme d’humanité qui devient accessible en regardant au delà de son soupirail et en ouvrant son champ de vision sur la présence des autres qui l’entourent, surtout lorsque ceux-ci sont porteurs de terribles secrets. La reconnaissance de l’autre dans son entièreté, et non par des parties de son corps, va transformer Rétif. Rapetissant encore, il va offrir son corps devenu quasi invisible pour sauver une femme, grandissant moralement jusqu’à devenir par son sacrifice un véritable homme capable d’aimer.

Le dessin identifiable de Zanzim est un bonheur, la petitesse de Rétif permettant toutes les métaphores poétiques. On craque aussi devant la beauté de Fleur, cette jeune femme, commerçante voisine, amoureuse transie de Rétif. Elle s’appelle Fleur et bien entendu sa grand mère est fleuriste. Si Rétif ne lui prête guère d’attention au début, les lectrices et lecteurs, qui savent regarder autour d’eux, ont tout de suite compris qu’elle aime .… les jolies chaussures. Sans manichéisme, maniant l’ambivalence et le gris plutôt que le noir et blanc, Zanzim nous dit ainsi combien les apparences sont trompeuses et que les sentiments les plus forts échappent parfois aux regards. Des plus petits comme des plus grands.

Grand petit homme de Zanzim. Editions Glénat. 144 pages. 25€. Parution : 6 novembre 2024
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Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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