La BD JOSÉPHINE BAKER résonne comme le jazz : elle vibre comme une danse de Music Hall. Mais qui dit aussi le combat des Noirs, des pauvres et des femmes. C’est une BD qui raconte la vie de Joséphine Baker. Magnifique et instructif.
Aucun doute, dans cette BD Joséphine Baker, nous sommes en terrain connu : pagination importante, format et collection facilement identifiables, José Louis Bocquet et Catel Muller en première de couverture. On retrouve immédiatement les codes qui ont fait le succès mérité des deux biographies précédentes des mêmes auteurs consacrées à Kiki de Montparnasse et à Olympe de Gouges. Ces ouvrages, qui ont fait l’objet de multiples rééditions, ont en commun de raconter la vie d’une femme hors du commun en s’appuyant sur un travail de recherches et de synthèse très important.
Même profil pour Freda Joséphine Mc Donald, qui deviendra Joséphine Baker, par la « grâce » d’un mariage parmi d’autres, bref, mais décisif. Et donc même traitement pour un résultat identique. Aucune recette miracle pour autant, mais il faut reconnaître que le choix de la chanteuse noire américaine semblait évident et gage d’intérêt pour les lecteurs.
Sa trajectoire sociale est fulgurante, menant la jeune espiègle des faubourgs miséreux de St Louis en 1906 aux châteaux du sud de la France soixante ans plus tard. Les auteurs ont le talent d’intégrer, comme les meilleurs historiens, la vie de leur « héroïne » dans le contexte social de l’époque. La ségrégation raciale américaine est omniprésente au début du siècle aux États-Unis et conjuguée à la misère matérielle et affective, elle va constituer pour la future vedette, un socle de vie et une motivation qui nourriront ses multiples engagements.
Joséphine Baker, comme Olympe ou Kiki, est une militante : militante des droits des Noirs, militante des femmes, militante des droits des enfants.
Sa force, elle la tire probablement d’une forme d’insouciance et de joie de vivre que Catel par son dessin retranscrit à merveille : deux simples traits pour tracer des yeux écarquillés, un trait pour une bouche gourmande et insolente de la jeune adolescente, annoncent déjà les formidables mimiques immortalisées par de célèbres photos. La dessinatrice met en scène merveilleusement, et avec le minimum de moyens apparents, toute la gouaille et la plasticité de la danseuse dans cette BD Joséphine Baker. Tout est mouvement avec l’Américaine, mouvement et musique. Le dessin restitue le rire qui résonne dans les pages et la chorégraphie endiablée qui renvoie Mistinguett à un second rôle. Faisant ployer les courbes, sous le trait plus ou moins épais de son crayon, Catel met en mouvement le corps de caoutchouc de la danseuse noire américaine dans des spectacles qui deviennent de magnifiques vignettes graphiques.
La scène, la volonté de transmettre la joie de vivre sont nécessaires pour expliquer la réussite de la danseuse qui découvre à son arrivée en France, une société où la ségrégation raciale n’a pas cours. Danseuse, juste vêtue d’un pagne et d’une ceinture de bananes, elle va apporter sur toutes les scènes d’Europe, une vision décomplexée de la femme. Libre de son corps, libre de ses pensées, elle va s’engager pour les alliés au cours de la Seconde Guerre mondiale, elle va être au côté de Martin Luther King dans son combat, elle va soutenir les enfants déshérités du monde entier dans le château des Milandes, en Dordogne, où elle recueille 12 orphelins d’origine différente. Cette dernière lutte, mondialement médiatisée, symbole de l’engagement de Joséphine Baker, de son incorrigible optimisme l’amenant parfois à négliger les réalités matérielles, les auteurs la traite longuement comme un symbole qui résume 69 années d’une vie hors du commun, affranchie du conformisme social.
Tout au long de ce cheminement de liberté, on aura également côtoyé, Simenon en devenir, Le Corbusier, amant éperdu, Jean Cocteau, le couturier Poiret et tant d’autres (*), acteurs de ces années de libéralisation lente, mais réelle des mœurs, de ces années dites « folles » avant que la Seconde Guerre mondiale ne brise cet optimisme contagieux.
« Catel et Bocquet » va vite devenir une marque déposée comme « Lagarde et Michard ». Une marque de justesse historique, mais aussi d’originalité et de plaisir.
La BD JOSÉPHINE BAKER Catel et Bocquet est parue aux Éditions Casterman dans la Collection Écritures, septembre 2016, 407 pages. 26,95 €.
Scénario : José-Louis Bocquet
Dessin : Catel
(*) Comme pour les deux biographies précédentes, à la fin de l’ouvrage, une cinquantaine de pages sont consacrées à la biographie des personnages apparaissant dans la BD, démontrant le caractère historique et documentaire du travail réalisé par les deux auteurs.
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Le Château des Milandes et Joséphine Baker
JOSEPHINE BAKER : hommage à une grande Dame
Le Château des Milandes, labellisé « Maison des Illustres » en 2012 se veut avant tout un lieu rendant hommage à l’une des plus exceptionnelles femmes du XXe siècle. Il est aussi incroyablement habité par l’âme de l’artiste.
Tous les hommes n’ont pas la même couleur, le même langage, ni les mêmes mœurs, mais ils ont le même cœur, le même sang, le même besoin d’amour .
Joséphine Baker