La Guerre des boutons de Louis Pergaud, l’histoire drôlement épique illustré par Françoise Cestac

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En rééditant le roman de Louis Pergaud, La Guerre des Boutons, illustré par Françoise Cestac, les éditions Futuropolis remettent à l’honneur un texte intemporel. Magnifique et drolatique.

Quel plaisir de lecture ! Un siècle plus tard le bonheur est toujours aussi fort. La guerre des boutons de Louis Pergaud est un roman qui n’a pas vieilli. Le thème éternel est probablement une des clés de ce succès : deux bandes d’enfants rivales s’affrontent en raison d’une insulte. Les « couilles molles » de Longeverne contre les « paigne ku » de Velran vont entamer une lutte sans merci où presque tous les coups seront permis. Avec ce conflit l’écrivain, qui fut brièvement instituteur, évoque de nombreux thèmes de l’enfance : solidarité, obéissance aux parents, rôle de l’école, amitié, solidarité.

Comme l’écrivait Alphonse Boudard en 1990 dans sa postface, ce roman est aujourd’hui celui de la nostalgie. Celle d’un temps où les enfants allaient à l’école à travers champs, où les instituteurs et les élèves revêtaient des blouses, jouaient aux billes dans la cour de l’école. Nostalgie d’un monde majoritairement agricole qui se retrouvait le dimanche sur le parvis de l’église après la messe dominicale. Nostalgie d’une époque où les conflits ne se résolvaient pas avec des armes mais en retirant avec un canif les boutons des vaincus. Nostalgie d’un film d’Yves Robert qui popularisa Petit et Grand Gibus et la réplique « Si j’avais su, j’aurais pas v’nu ». Nostalgie personnelle de l’édition Livre de Poche à la couverture usée par les regards, un dessin d’un enfant nu, jambes et bras écartés, avec une épée de bois à la main sur un fond vert. Nostalgie d’une France disparue, aujourd’hui fantasmée et dont le roman nous donne une image couleur sépia.

Nostalgie aussi certainement pour Futuropolis qui réédite trois décennies plus tard l’édition illustrée par Florence Cestac, créatrice de la maison en 1970. La dessinatrice normande, multi primée depuis, a déjà son style si remarquable. Ces personnages ont de gros nez, les traits sont arrondis et permettent d’illustrer des ouvrages pour adultes comme pour les enfants. Et cela tombe bien parce que le roman de Pergaud parle d’enfants mais s’adresse surtout à des adultes. L’osmose est parfaite entre le texte et le dessin qui individualise peu les personnages pour montrer qu’au delà des deux groupes opposés il s’agit en fait d’enfants identiques. Plus que d’adolescents, Pergaud décrit des tribus, des communautés avec leurs codes et leurs lois.

Le style est flamboyant, argotique et même avec des rappels en bas de page, le vocabulaire franc comtois vous invite à la réflexion. Il faut vous familiariser avec miguer, le baudrion ou les avarchots. Pergaud, admirateur de Rabelais, est à sa manière un précurseur de la prose célinienne pour ici, faire rire, amuser sans arrière pensée philosophique: « j’ai voulu faire un livre sain, qui fut à la fois gaulois, épique et rabelaisien, un livre où coulât la sève, la vie l’enthousiasme et ce rire, ce grand rire joyeux qui devait secouer les tripes de nos pères (…) ». Et l’on rit en lisant les situations polissonnes, les libertés de vocabulaire, et la niaiserie des adultes comme le père Simon ou la garde champêtre, personnages que Florence Cestac croque avec jubilation. Pas de filtre dans le vocabulaire et donc aucun filtre dans le comportement des enfants qui se conduisent comme des … enfants spontanés et naturels.

Louis Pergaud écrivit son roman en 1912. Trois ans plus tard il était tué sur le champ de bataille. Le champ, un de ceux peut être que traversait le Grand Gibus avant de se faire houspiller en classe par le père Simon. Il avait pour ambition de faire rire ces lecteurs. Objectif réussi au delà des années.

La Guerre des Boutons de Louis Pergaud, illustré par Françoise Cestac. Éditions Futuropolis. 258 pages. 28€.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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