BD. La Veuve de Glen Chapron, un western contemporain au féminin

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Dans ce western au féminin, Glen Chapron dessine une femme victime de la violence des hommes, mais décidée à être libre.

Ne surtout pas se fier aux couleurs de la couverture, ni au titre, La Veuve, qui semble annoncer l’histoire d’une malheureuse femme éplorée. Mary, 19 ans, est en effet une jeune veuve, qui a perdu son enfant peu après la naissance. Elle erre à travers les Rocheuses canadiennes en ce début de XXe siècle poursuivie par les deux frères de son défunt mari qu’elle a tué. Elle trébuche, affamée, épuisée, sans ressources. Malheureuse donc sans aucun doute, mais éplorée certainement pas. On le sait, l’histoire de la conquête de l’Ouest est une histoire d’hommes qui conquièrent des terrains et la richesse à coups de pistolets et de testostérone. Du moins c’est ce que l’Histoire officielle a retenu de ces décennies d’instauration d’un État créé par la force et les armes. Pourtant au milieu de ces hommes, des femmes courageuses ont conduit des chariots, travaillé sur des terres agricoles, combattu et chassé. Mary n’est pas non plus de celles-là.

Personnage créé par la romancière et nouvelliste Gil Adamson, elle est plutôt une femme d’aujourd’hui, une femme en avance sur son temps.

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Victime de la violence de son mari, elle se sauve pour trouver sa liberté, son indépendance. Sa fuite est à l’unisson de la nature que dessine et peint avec des encres de chine à la manière talentueuse de Edmond Baudoin, Glen Chapron, auteur remarqué des Vents dominants (Sarbacane). La forêt est omniprésente et offre des images dignes des westerns en noir et blanc. Recouverte de neige, ou feuillue, elle est la meilleure protection de Mary, celle qui la cache, celle qui lui donne la liberté de la solitude. Pourtant sa fuite perpétuelle s’enrichit de rencontres qui vont lui permettre de dévoiler peu à peu son histoire dramatique. Des femmes vont l’aider dont une veuve si dissemblable de Mary par son âge et sa richesse mais si semblable par sa force de caractère. Et puis il y a des hommes, qui ne sont pas tous des salauds et pour lesquels on se prend de sympathie tel Bonny le pasteur, Henry qui l’amène à Frank, « une ville minière infâme » en la respectant. Et surtout John, homme solitaire qui vit dans ses forêts depuis 13 ans, ermite, pendant masculin de Mary, autant épris de liberté qu’elle.

On les aime ces hommes, non violents, tendres et doux, qui acceptent Mary telle qu’elle est, rebelle et indomptable. Cette BD est aussi cette histoire de rencontres de personnages qui racontent tour à tour leur passé, leurs fêlures dans un Ouest qui ne laisse guère de place aux bons sentiments. Antihéros, ils sont emplis d’une humanité simple, parfois naïve mais si touchante.

L’héroïne c’est elle, Mary. Fragile et pourtant très forte, couchée, abattue, malade, mais se redressant toujours pour continuer son chemin, le chemin qu’elle a tracé seule, celui d’une existence indépendante. Plus la traque se prolonge, plus son visage enfantin porte les marques de la détermination. La jeune femme se transforme en femme décidée à prendre en main son destin au cours d’une course poursuite haletante, à l’issue incertaine jusqu’au dernières pages, comme dans un bon roman policier.

On la suit, on craint pour elle dans ces décors indispensables dans ce type de récit où l’on retrouve même de manière allusive, les codes du western : le chasseur de primes, les mines d’or, les indiens dissimulés, quelques méchants, mais aussi des gentils. À partir d’un scénario de base traditionnel, une poursuite à travers les paysages de l’Ouest, Glen Chapron fait un récit humaniste et bouleversant où les rencontres changent les vies. Une ode à la liberté.

« Je n’ai pas besoin qu’on s’occupe de moi », déclare Mary dans les dernières pages. Une profession de foi, simple et déterminée, qui définit parfaitement l’héroïne de cette épopée finalement contemporaine.

La Veuve de Glen Chapron d’après l’oeuvre de Gil Adamson. Éditions Glénat. Noir et blanc. 176 pages. 25€. Lire un extrait

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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