BD. Le cas Zimmerman, le thriller fantastique des frères Harari

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Lucas et Arthur Harari, avec Le cas David Zimmerman, publié chez Sarbacane, nous entraînent dans un thriller fantastique en quête de notre identité la plus intime. Puissant et étonnant.

S’il est un mot pour définir les bandes dessinées de Lucas Harari c’est bien celui de « étrange ».

Dans ces deux premiers albums, L’Aimant et La dernière rose de l’été, cette étrangeté intervenait progressivement dans le récit. Le surnaturel progressait de page en page, créant un malaise croissant. Avec Le cas David Zimmerman, rien de semblable. Dès la page 37, le déconcertant prend le pas sur le réalisme. David Zimmermann, photographe d’une trentaine d’années, aimanté lors d’une soirée de réveillon, par le regard d’une femme brune, se réveille le lendemain, après avoir fait l’amour, dans le corps de cette femme inconnue qui a disparu. Si le début de la Bd est brutal et rapide, commence ensuite une longue quête, proche d’un thriller haletant où à l’image de David Zimmermann, à moins que ce ne soit sous l’identité de Rachel Bluem, ou encore de Samir Hamza-Chauvet, nous cherchons à savoir qui est vraiment qui, dans ce labyrinthe physique et psychologique de plus de 350 pages.


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La déambulation s’accompagne d’une belle balade dans les rues de Paris magnifiquement dessinées, une manière de faire qui rappelle la précision mémorielle de Tardi. On chemine du Parc des Buttes Chaumont aux gares parisiennes, et à la manière de Modiano les lieux, cafés ou épiceries minutieusement dessinées, évoquent des souvenirs ou des situations particulières. Périphériques, zones pavillonnaires, rues désertes, occupent parfois des pages entières dans des scènes nocturnes de toute beauté et d’une réelle tension dramatique. On devine que ces pages réalistes, comme ce graffiti « Free Gaza » sur un volet fermé, ou les pages de manifestations, ont pour objectif d’ancrer le fantastique dans notre époque pour donner plus de force au récit. C’est le faux qui nous est donné à lire, le faux mais aussi le vrai, dans un subtil mélange troublant.

La nuit et l’obscurité omniprésentes traduisent parfaitement le sentiment dramatique de cette quête identitaire pour retrouver son corps d’origine. Lucas Harari, qui a travaillé pour la première fois au scénario avec son frère Arthur, scénariste du film Anatomie d’une chute, emprunte alors le registre du fantastique sombre. Les visages épouvantés des « victimes » de la substitution du corps rappellent les films d’horreur les plus terrifiants. Il est terrible de se réveiller dans un corps du sexe opposé alors que se mettent en place des questions essentielles. Suis je d’abord un sexe, un genre, ou plutôt le fruit d’un passé, d’une histoire familiale ?

Didactique, utilisant un carnet annoté comme dans un cours de mathématiques, les auteurs s’attardent sur la détresse des victimes. La sueur perle sur les fronts, les yeux regardent un point fixe dans le lointain, les sourcils se froncent, les bouches s’ouvrent sous l’effet de la surprise. Avec une économie de traits, Harari nous transmet ces peurs abyssales qui nous atteignent lorsque l’on remet en cause les personnes que l’on pense être.

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La perception du monde change alors complètement et la photo d’enfance prise avec un père peut brusquement prendre une autre signification. Tabous familiaux, drames de l’enfance, condition féminine, judéité, plus que la question du genre, ces thèmes remontent progressivement à la surface, tels des indices menant à la solution du drame. De peu d’importance quand on les vit, ces principes de vie deviennent essentiels quand on les retire.

Remise en cause de soi salutaire ou perte définitive de son histoire, la fin, comme un bon thriller, est surprenante. Revient alors le mot du début de cette chronique: « étrange ». On peut y ajouter désormais celui de « déstabilisant» car la lecture de ce roman graphique ne peut laisser indifférent. Elle nous ramène obligatoirement à nous même et à ce qui nous a constitué.

Le Cas David Zimmerman. Scénario de Arthur et Lucas Harari. Dessin de Lucas Harrari. Éditions Sarbacane. 368 pages. 35€. Parution novembre 2024

A noter la qualité exceptionnelle de fabrication de l’album avec notamment, comme dans les deux ouvrages précédents de Lucas Harari, un papier au grammage spécifique remarquable.

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Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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