BD. Le Démon de Mamie de Florence Cestac

florence cestac

Si devenir Papi ou Mamie vous fait peur, hâtez vous de lire Le démon de Mamie paru chez Dargaud. Vous y ferez l’apprentissage de l’énervement, mais aussi de la sérénité, de la tristesse mais aussi de la joie. Un petit bijou, incontestablement une BD phare de ce début d’année.

Si vous êtes membre du groupe les « Tamalou », celles et ceux qui se réveillent le matin avec des douleurs aux genoux et de l’arthrose dans les mains, cette BD est pour vous.

Si vous êtes membre du club les « Chicouf », celles et ceux qui sont heureux quand les petits enfants arrivent chez eux, « Chic » et qui soufflent quand ils repartent, « Ouf », cette BD est pour vous.

Si vous êtes jeunes, que le matin vous sautez sans douleurs dans vos chaussures et que vous travaillez sans relâche dix heures par jour, cette Bd est aussi pour vous. Elle sera une forme de documentaire, de pense bête, de référence qui vous servira obligatoirement lorsqu’à votre tour, les fleurs de cimetière apparaîtront sur le dessus de vos mains.

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On n’y peut rien, la « sénescence » vous guette, enchantée ou pas. La sénescence au fait c’est ce « processus de ralentissement de l’activité vitale chez les individus âgés ». Née en 19.. (par empathie pour Florence Cestac, on vous laisse chercher l’année exacte), on peut écrire que la co-fondatrice des éditions Futuropolis, qui a dépassé les trente ans depuis un petit moment, n’est pas jeune. Assez « mûre » pour dessiner et écrire ce quatrième volet d’une série débutée en 1996 avec « Le démon de midi », où Noémie, version papier de l’autrice, fait part de ses émois sentimentaux, sexuels, affectifs.

On la retrouve Noémie dans un jardin d’enfants, partageant avec d’autres mamies (ou d’autres mémés, bonne-mamans, mamours et autres joyeusetés), les joies, mais aussi les embarras, provoqués par des petits enfants adorables. Et insupportables. Elle est ainsi cette BD, une balance perpétuelle entre le positif et le négatif, un équilibre entre la joie de vivre et la peine de vieillir. Sous la forme d’un inventaire à la Prévert, Florence Cestac dresse avec souvent des strips d’une page une liste très complète des aléas de l’existence, la soixantaine passée. Tout est répertorié, du voyage en train avec des petits enfants intenables aux tentatives de remise en forme physique vites abandonnées ou encore les occupations artistiques pour passer le temps de la retraite avant que ne se profile au loin l’Ehpad.

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Et puis le nombre des progénitures ajoute à la difficulté. « Vous imaginez avec un petit enfant c’est déjà difficile, mais avec deux…. On ne touche pas à ça, arrête d’embêter ta sœur, pas de ballon dans la maison… », la liste des interdits est interminable. Celle des joies aussi comme le moment de la sieste avec le petit dans les bras ou la réception du premier sourire. Cependant, en toute honnêteté, et à Unidivers, vous le savez, l’honnêteté est notre credo, les pages s’attardent plus sur les désagréments du corps qui flanche, de la mémoire qui fout le camp ou de la sexualité déclinante (mais toujours titillante. Quand même faut pas exagérer !). Cela râle à tout bout de champ, au point de se demander si cette mauvaise humeur est propre aux gens d’âge mûr. La fille qui a décidé de ne pas se reproduire, les jeunes couples mécontents de la planète laissée par leurs parents, vont certainement devenir à leur tour des vieux aigris manipulés par leurs manies et leur égoïsme. Elle est ainsi la vie, perpétuelle source d’insatisfactions et de mauvaise humeur, des vagissements de la salle d’accouchement à « la piste d’envol du dernier voyage ».

Ce pourrait être glauque ou sinistre. C’est délirant et jouissif. Comme à son habitude, Florence Cestac, qui enfile son gros nez de clown qu’elle dépose sur les visages de ces personnages, insuffle une joie de vivre et de rire, même à des moments parfois désespérants. De là à écrire que nous sommes heureux de vieillir il y a une marge. Quoique.

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Le démon de Mamie ou la sénescence enchantée de Florence Cestac. Éditions Dargaud. 64 pages. 17€. Parution : 17 janvier 2025. Lire un extrait

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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