La bande dessinée de romance est un genre qu’il convient de ne pas négliger. De grands auteurs français comme Marijac, Jean-Claude Forest ou Raymond Poïvet s’y sont essayés avec succès dans des revues comme Frimousse ou La semaine de Suzette. Aux États-Unis (Alex Toth, Vince Colletta, Leonard Starr) comme en Espagne (Esteban Maroto, Enric Sio, Luis Garcia), ce genre était très populaire des années 50 aux années 70. Vous pouvez trouver des traductions des bandes de ces deux pays dans les petits formats publiés par Arédit/artima comme Clapotis, Cœur à Cœur ou Romantic. Peu collectionnés, vous vous en procurerez avec un peu de chance et quelques centimes dans des braderies de quartier.
Depuis une vingtaine d’années, on découvre en Europe, la richesse et la variété des bandes dessinées romantiques en provenance du Japon (souvent appelées shôjo mangas ou ladies comics), pays où la bande dessinée a toujours eu un lectorat féminin important. En France, ces BDs commencent à avoir une influence notable sur certains dessinateurs et surtout dessinatrices.
D’un point de vue formel, il est très difficile de réussir ce type de bd. Il n’y a pas beaucoup d’action et beaucoup de bavardage. Le scénariste et le dessinateur doivent donc faire preuve de beaucoup d’habileté pour répartir le texte sur la page, pour varier les expressions des visages et des mains, pour choisir des angles de vue inattendus, pour donner du glamour au décor d’arrière-plan, pour insuffler à l’ensemble un esprit particulier (cape et d’épée, art-déco, hollywoodien, beat, psychédélique, disco, gothique, cyberpunk, japanim, etc.) en harmonie avec la mode de l’époque et le public visé.
D’un point de vue historique et sociologique, on peut aussi apprendre beaucoup de choses dans ces bandes sur l’air du temps. Ce qui prête parfois à sourire…
Pour en arriver à « Marie-Lune », il semble que, pour poser un jugement, il est préférable d’être une jeune adolescente d’aujourd’hui entre 11 et 14 ans et le lecteur devinera que ce n’est pas notre profil…
Les aventures dépensières et top branchées d’une ado qui a plus d’un tour dans son sac ! Nom : Marie Lune. Passion : Le shopping. But ultime : choper le dernier sac Golce et Dabana en vente dans sa boutique favorite. Mais la vie de Marie-Lune n’en est pas pour autant facilitée, car toutes ses copines, elles aussi enfants gâtées rivalisent d’ardeur dans l’art d’être le nombril du monde…
Avec le peu d’éléments de comparaison en notre possession, nous dirons tout de même que l’ensemble parait s’inscrire dans la veine de la bd des filles de Anne Baraou et Colonel Moutarde. En ce qui concerne la narration, le scénario parait un peu difficile à suivre, un peu confus, particulièrement pour un lecteur qui n’est pas familier de ce genre de bandes. Par contre, d’un point de vue visuel et technique, il y a dans Marie-Lune une très grande maitrise du dessin et de l’infographie. C’est très habile et soigné avec des personnages aux expressions finement ciselées et des décors bien composés.
Les auteur(e)s des nouvelles générations sont rarement des autodidactes, ni d’anciens étudiants des Beaux-Arts. Ils proviennent en grande majorité d’écoles d’arts appliqués qui les préparent davantage au jeu vidéo et au dessin animé qu’à la bd. Ces écoles produisent en outre des artistes au style assez uniforme: bien rond, caoutchouteux avec des couleurs pastel. Un style que l’on retrouve indifféremment utilisé en bd, en pub, jeu, animation, etc. Pour le coup, Yllya est un contre-exemple : c’est une jeune autodidacte, férue de culture japonaise. Grand est son mérite ! Mais quel dommage que son style dans Marie-Lune ne soit pas plus original… Pour l’instant, Yllya semble réserver à son blog ses productions les plus personnelles.
Hildred Castaigne
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Retrouvez Yllya en dédicace à Rennes chez notre partenaire la librairie Le Failler le samedi 13 octobre à l’occasion de la sortie de Marie-Lune, Tome 5 : Help ! J’ai la tête à l’envers
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