River Pass fait partie du paysage de la BD Western. Avec le neuvième tome de Marshal Bass, « Texas Rangers », publié aux éditions Delcourt, le Marshal noir poursuit sa quête solitaire de justice. Sombre comme un enterrement. Mystérieux comme la nuit autour d’un feu de camp.
Le western aime les héros, les individus charismatiques autour desquels gravitent des histoires répondant aux codes du genre. En BD, ils sont innombrables ces personnages hors du commun, prétextes à décrire la violence de la conquête de l’ouest et la création d’un État construit sur l’élimination des faibles. Il y eut bien entendu Blueberry, le plus célèbre et le plus charismatique d’entre eux. Plus près de nous Bouncer, Stern ou Undertaker, personnages atypiques, censés briser les archétypes renouvelèrent le genre. Il y a maintenant six ans, apparut un nouveau venu, Marshal Bass avec trois créateurs, deux croates, Darko Macan et Igor Kordey au scénario et au dessin et à la couleur un bosniaque, Desko, remplacé dès le tome 2 par un serbe, Nikola Vitkovic. Leur héros s’appelle River Bass, un esclave noir affranchi, ancien soldat, ancien vagabond, qui va devenir le premier shérif afro-américain de l’histoire : Marshal Bass est né sous les fonts baptismaux de la violence et de la solitude.
Le succès est au rendez-vous puisque parait aujourd’hui le neuvième tome et premier volet d’un diptyque qui réunit les ingrédients du genre et peut être lu pour débuter. C’est le dessin et la colorisation qui font l’attrait premier de cette série qui a attiré nombre de ses nouveaux lecteurs par de merveilleuses couvertures. Celle-ci ne déroge pas à la règle et sa tonalité sombre et réaliste donnent d’entrée le ton de l’album.
Marshal Bass creuse une tombe qui n’est pas la sienne mais celle d’une crapule, pas toute jeune, qui répond au nom de Pappy, un vieil homme, qui n’est plus une fine gâchette, et que le shérif a arrêté aisément. Pappy a des fils innombrables qui veulent le libérer et le Marshall devra son salut à l’intervention de prétendus Texas Rangers dont il faudra se méfier. Défiance, mystère, ce sont de multiples pistes qu’offrent les auteurs dans ce premier opus, qui laissent des traces peu lisibles comme celles de prétendus comanches. Vrais ou faux Texas Rangers ? Vrais ou faux indiens ? Le scénario habilement mené laisse la porte ouverte à de nombreuses hypothèses et donne l’envie au lecteur de découvrir la suite. À ce suspense s’ajoute en contre point, et a priori sans aucun rapport, le cheminement d’une vielle femme, Doc Moon, rencontrée dans le tome 3, capable de tuer mais aussi de sauver. Comme une apparition surnaturelle qui ajoute au mystère de l’album.
À chaque reprise le dessin séduit de nombreux lecteurs, ou en irrite quelques-uns. Cependant, en prime, a minima, une double page comme un tableau que l’on aurait envie d’agrandir pour en découvrir toutes les facettes, éblouit par sa justesse technique. Ici c’est une attaque nocturne d’un camp d’ « indiens » qui joue ce rôle, symbole d’une colorisation magnifique et d’un trait réaliste époustouflant. L’encrage est marqué, la lumière souvent latérale marque les expressions des visages jusqu’à l’outrance, une manière de décrire conforme au fond des histoires, toujours sombres, violentes et donnant de l’espèce humaine une image peu reluisante.
La dernière page nous laisse un peu en panne, tant il est difficile d’imaginer la suite, ce qui est, pour une série, un compliment majeur. Il faudra donc attendre le tome 10, « Hell Passo », pour connaitre la suite et la fin. Seul indice en quatrième de couv, nous est présentée la couverture de ce prochain album. Elle ne nous donne aucune indication mais est une nouvelle fois, magnifique.