Michele Peroncini dessine Les Mouvements célestes de trois esprits intranquilles

mouvements celestes bd

Entre réalisme et imaginaire, Michele Peroncini, nous emmène dans des rues italiennes derrière trois gaillards un peu paumés. Les Mouvements célestes, une bd déstabilisante au charme fou.

On les appelle Les Pieds Nickelés, trois lascars que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître et qui ont pourtant un record, celui de la longévité d’une bande dessinée française. Dessinés par Forton à l’origine, ils se nomment Croquignol, Ribouldingue et Filochard. Un peu filous, un peu escrocs, manquant de sérieux, ils sont en marge d’une société qu’ils côtoient sans vraiment l’intégrer. Bien qu’italiens, Fausto, Siro et Gian sont de la même veine. Perdus dans leur existence, ils cherchent un chemin qui les amènerait, si ce n’est au bonheur, du moins à la tranquillité matérielle et intellectuelle.

Ils sont pourtant très différents nos trois compères. Siro est une boule de feu consommant une énergie qui ne lui vient certainement pas de ses origines nobles. La voix de Gian nous est pratiquement inconnue, peu de mots sortent de sa bouche. Taiseux, il cache ses phrases dans sa barbe et préfère agir avec ses mains d’or plutôt que d’énoncer quelques banalités. Le leader, il faut bien un chef dans toute bande, c’est le beau brun aux cheveux gominés. Séducteur, beau parleur, Fausto trouve les affaires qui permettent à la bande de vivre : déménagements, petits vols, menus larcins, amours rapides et cachés, tout est bon pour essayer de trouver un sens à l’existence.

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Fausto est aussi traversé par des pensées complexes, des problèmes « métaphysiques » : « plus qu’à une providence, divine, je crois à un provisoire divin ». Cela en jette. Et il ajoute pour faire bonne mesure qu’il croit à « des états de grâce et des déluges intermittents ». C’est étrange et c’est le charme indéniable de cette bande dessinée qui nous emmène dans les rues d’une grande ville italienne. On y rencontre un couple riche mais en mal d’amour, un voyant illuminé (pléonasme ?), un brocanteur colérique et beaucoup d’autres.

Un inventaire à la Prévert qui par sa diversité démontre le caractère éclectique d’une pérégrination qui hésite sans cesse entre la description d’un quotidien banal, des questionnements philosophiques, des pages oniriques et poétiques. Ces thèmes multiples sont l’essence même de l’ouvrage qui laissent le lecteur choisir son angle de vue privilégié et lui ouvrent en grand les portes de l’imaginaire. On vogue sur un récit brinquebalant mais enthousiasmant. De la même manière Michele Peroncini multiplie les styles graphiques, alternant les aplats de couleurs avec des dessins réalistes, des pages silencieuses et des cases bavardes, des tonalités sourdes et des ambiances nocturnes. L’auteur nous livre une mosaïque de sentiments qui fait le charme de ces pages colorées.

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En contre partie la fluidité des différentes séquences peine un peu et on se retrouve, à l‘image des trois personnages, parfois égaré dans les rues. Il faut alors « lâcher prise », une formule adaptée à ce méli mélo dont on aime le caractère nébuleux et irrationnel.

Et puis ils sont magnétiques nos trois compères, si différents et si semblables. Ils sont à la bordure, juste comme il faut. Ni trop, ni pas assez. Lorsqu’ils mettent les masques vénitiens, on a le sentiment d’assister à une scène de la Comedia del arte, ces pièces de théâtre « marquées par la naïveté, la ruse et l’ingéniosité », une définition parfaite de cette BD.

Comme très souvent les éditions Sarbacane ont su dénicher un nouveau talent. Edité en Italie, cet ouvrage du jeune dessinateur est son premier publié en France. Il laisse à la fin de la lecture une impression d’étrangeté qui permet à l’esprit de vagabonder et de s’interroger sur les intentions de l’auteur, nombreuses et variées.

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Les mouvements célestes de Michele Peroncini. Éditions Sarbacane. 176 pages. 25€. Parution : 5 février 2025. Feuilleter

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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