Le choix des cadeaux de Noël approche, mais comment choisir parmi les centaines de BD parues ces dernières semaines ? Unidivers vous aide en vous suggérant quelques albums incontournables. Par genre et par paire.
Commençons par deux albums graphiques au style inimitable et résolument avant-gardiste. Brecht Evens et Les Rigoles (Actes Sud) est incontestablement l’une des surprises majeures de cette année. Enchaînant les doubles pages explosives de vie et de couleurs, dans un graphisme unique, le dessinateur met en place de multiples personnages dont le destin va se croiser dans une brasserie quartier des Rigoles. Une jubilation graphique majeure.
Même caractère d’exception pour Cyril Pedrosa qui, avec le tome 1 de L’Âge d’or (Dupuis, collection Aire Libre), aidé par Roxane Moreil au scénario, atteint les sommets. Portugal, Équinoxes avaient déjà montré l’extrême diversité du talent de l’auteur. Cette fois-ci, il s’empare d’un roman médiéval pour écrire une œuvre politique et poétique actuelle, où se côtoient le féminisme et les rêves d’une société meilleure. Enluminures dignes d’une saga historique, une BD majeure pour un auteur majeur.
En matière de roman graphique, ce genre en vogue, nous vous proposons la BD Serena de Pandolfo-Risbjerg (Sarbacane) où le dessin apporte le meilleur à un texte d’un romancier important. L’écriture de Ron Rash, dans la tradition des romans noirs américains, décrit le portrait d’une femme prête à tout pour réussir au lendemain de la Grande Dépression. Quand le dessin et la mise en page subliment un récit lourd et poignant.
Même force de récit avec Malaterre (Dargaud) où Pierre-Henry Gomont, sans l’aide d’un texte d’écrivain comme dans Péreira prétend démontre sa maîtrise d’un récit élaboré avec une signature graphique originale. Il décrit un salaud que l’on aime bien, inconséquent, mais touchant. L’occasion aussi de dessiner de magnifiques planches où le fouillis apparent dissimule un trait précis et juste.
Changeons de registre avec des armes à feu qui pétaradent et tirent à tout va. Près de nous les années 1980 sont le cadre de l’album Il faut flinguer Ramirez (Glénat) où Nicolas Pétrimaux flingue de la première à la dernière page, à la manière cinématographique de Tarantino. Un contrat passé par un cartel mexicain sur Ramirez, et tout explose dans une richesse de dessins et de mise en page haletante. Une BD que l’on ouvre et que l’on ne referme pas. Pas d’armes à feu sans western. Nous vous proposons « Texas Jack » de Armand et Dubois (Le Lombard), récit efficace et superbement mis en image d’une célébrité locale, à la précision et rapidité de tir sans égal, qui doit un jour se confronter au terrible Gunsmoke. La réalité dépassera-t-elle le spectacle ? 120 planches efficaces seront nécessaires pour donner la réponse dans ce récit qui reprend tous les codes du genre.
Après ce monde de brutes et de violence, une petite pause avec de l’humour et de la tendresse. On peut classer dans cette catégorie le tome 4 de L’Arabe du Futur de Riad Sattouf (Allary éditions) dont l’objet va bien au-delà de ces thèmes, mais qui sait les utiliser pour traiter un sujet plus sérieux. Présentation supplémentaire inutile compte tenu d’un succès mérité. On reste dans les mêmes hautes sphères de tirages avec le tome 5 des Vieux Fourneaux (Dargaud). Cauuet et Lupano poursuivent leur aventure avec nos trois vieux compères anars qui cette fois-ci se rebellent à Paris dans un épisode convaincant et qui utilisent toujours les mêmes ingrédients : formules à la Audiard, révolte contre l’ordre établi et un zeste de tendresse.
Gravir les sommets, c’est ce que fait Jean Marc Rochette avec le coup de cœur d’Unidivers de ces derniers mois : Ailefroide. Altitude 3954 (Casterman). Le dessinateur alpiniste raconte sa passion pour la montagne, les rencontres amicales qui en résultent, les joies et la mort fréquente au bout de la route. Servie par un dessin où le bleu inonde l’espace, cette BD séduira les initiés, mais aussi tous les amoureux de nature et de destinée humaine. Un succès mérité consacré par l’édition récente d’une parution de luxe grand-format en noir et blanc.
Dans le même registre du récit vécu, même si le ton est plus léger, on ne peut oublier Dans la combi de Thomas Pesquet (Dargaud), ouvrage de Marion Montaigne, qui dans une approche « humoristico-vulgarisatrice », raconte les joies et les vicissitudes du célèbre spationaute français. Un mélange réussi qui permet au lecteur de s’immerger complètement dans l’action d’un tel engagement professionnel.
Côté Histoire, avec un grand H, le discret Jean Dytar a frappé un grand coup avec Florida (Delcourt). On connait le sens de la précision et de la justesse historique du créateur qui avec son dernier album aborde de manière intelligente la conquête des Amériques par les huguenots. Géopolitique, débuts de la cartographie, dans cet album l’ancien professeur d’Arts plastiques évoque de manière moderne des thématiques anciennes avec une justesse de ton qui est sa marque de fabrique.
Histoire aussi, mais celle de l’impressionnisme cette fois-ci que Néjib débute avec Swan : Le Buveur d’absinthe (Gallimard). Le dessinateur de Stupor Mundi n’hésite pas à reprendre un thème mille fois traité, mais qu’il renouvelle avec son trait minimaliste replaçant la naissance du mouvement pictural dans un monde en totale effervescence. Allez sans hésiter du côté de chez Swan.
Deux inclassables pour terminer : Moi ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris (Monsieur Toussaint Louverture). Succès mondial imprévu pour ce journal intime tenu par une jeune fille fascinée par des êtres monstrueux. Un dessin, une narration qui laissent pantois et sans voix. À découvrir d’urgence.
Autre “bizarrerie” pour terminer, l’inclassable Courtes Distances de Joff Winterhart (Cà et Là) qui raconte à travers la rencontre de deux personnages que tout oppose, une balade quotidienne pleine d’empathie, de poésie et de mystère dans la banlieue londonienne. Les cases silencieuses valent des milliers de traités de psychologie dans cette balade qui cherche au profond de l’âme humaine.
Et n’oubliez pas : l’emballage compte, mais le contenu est essentiel. Bonne(s) lecture(s).