Dans L’Urgence de l’eau, enquête à la source, dont la sortie aux éditions Locus Solus est prévue le 8 novembre 2024, Christian Baudu et Julie Wo investiguent sur la question de l’eau en Bretagne. De manière ludique et simple, une journaliste et un écrivain arpentent le chemin des connaissances sur la préservation de la ressource
En 2015, l’ONU appelait déjà à économiser l’eau, précieuse ressource. Quasiment 10 ans plus tard, en 2023, le World Resources Institute (WRI) affirmait que le monde faisait face à une crise de l’eau sans précédent. Avec le dérèglement climatique, le cycle naturel se modifie et les épisodes extrêmes se succèdent, entre pluies diluviennes et sécheresses intenses. Mais connaissons-nous réellement les enjeux de cette problématique autour de l’eau ? C’est ce dont il est question dans la bande dessinée L’Urgence de l’eau, enquête à la source de Christian Baudu et Julie Wo, publiée aux éditions Locus Solus le 8 novembre prochain.
Guerlédan, Bretagne. Quentin Tiniak se réveille d’un rêve, ou plutôt cauchemar : le lac de Guerlédan est asséché. L’écrivain sort de sa torpeur et retourne à la soirée dans laquelle il est l’invité d’honneur. Il célèbre la parution de son livre Un M_nde sans “O” qui traite de la question de l’eau. Les avis semblent plutôt mitigés à en croire certaines réactions…. À la suite de sa rencontre avec la journaliste Gwena Talbec, qui trouve son livre « bourré de clichés », tous deux partent en road-trip à la rencontre de spécialistes : scientifique du CNRS, institutionnels (Agence de l’eau, élus, collectivités), etc. « Partout en Europe, les sols s’assèchent, les cours d’eau s’amenuisent voire disparaissent et les cultures se retrouvent menacées », déclare Gwena Talbec, personnage qui semble particulièrement touchée par le sujet.
Épaulés scientifiquement par Gérard Gruau, directeur de recherches au CNRS (Rennes), président du Groupement d’Intérêt Scientifique CRESEB et membre du Haut conseil breton pour le climat, Christian Baudu au scénario et Julie Wo au dessin et à la couleur proposent en quelque sorte un voyage initiatique, pour Quentin et le lecteur, sur le chemin de la connaissance de l’eau. On retrouve d’ailleurs le collaborateur scientifique dans les premières pages, en la personne de Gégé, première personne consultée par le duo, qui explique la situation en Bretagne. De même, Jean Jouzel, climatologue français, expert du GIEC et auteur de la préface de la bd, fait aussi une brève apparition.
Le Saviez-vous ? « L’eau douce ne représente que 3% de toute l’eau existante (nappe, cours d’eau, glaciers, permafrost, etc.), ressource qui va diminuer avec l’évaporation causée par le réchauffement climatique. »
La Bretagne comme point d’ancrage, ce docu-fiction guide son lectorat dans ce vaste sujet avec pédagogie et simplicité, une touche d’humour, mais aussi réalisme. À la manière de l’écrivain Cyril Dion et de l’actrice et réalisatrice Mélanie Laurent dans le documentaire Demain, sorti en 2015, on retrouve l’envie de faire découvrir quelques initiatives positives en complément de l’état des lieux de la situation actuelle. On découvre avec Pablo, l’artiste jardinier, les vasques vives conçues par Johan Wilkes et fabriqués par Mickaël Monziès ou un dispositif innovant de toilettes sèches dans les appartements d’un habitat participatif dans les Côtes-d’Armor.
Au fil des pages, la problématique est appréhendée de manière accessible. Avec Didier Macé, président du comité national des pêcheurs professionnels en eau douce, on est initié à l’impact du dérèglement climatique sur la faune piscicole. Avec Delphine Alexandre, vice-présidente du Conseil régional de Bretagne à l’eau, la santé et la biodiversité, on apprend ce qu’est le plan breton de résilience pour l’eau. On apprend aussi un nouveau vocabulaire, comme le terme d’eutrophisation qui désigne la prolifération de plantes sur les plans d’eau (le phénomène est d’ailleurs facilement observable dans la Vilaine de Rennes). Dans une double page particulièrement belle, Christian Baudu et Julie Wo donnent même corps et voix aux fleuves, rivières et lacs de Bretagne.
Le Saviez-vous ? « Maintenant, on ensemence les nuages en projetant des sels ou iodures d’argent avec des canons au sol, ou en avion […] On appelle ça de la géo-ingénierie. Ça provoque une augmentation de la condensation et c’est censé faire tomber la pluie. »
Le lecteur s’identifie facilement à l’auteur, très doué en jeux de noms, mais novice malgré la publication de son ouvrage. Peut-être, d’ailleurs, peut-on y voir une critique du nombre de publications écrites par des personnes qui ne maîtrisent pas le sujet ? C’est possible. De même, un duo d’acolytes portant le prénom de “Georges/George”, équipé d’une camionnette dernier cri, arrivent dans les première pages et ponctuent l’histoire, de manière pas si hasardeuse que cela…
Très agréable à regarder, intéressante à lire, L’Urgence de l’eau se lit d’une traite. En fermant la bande dessinée, les lecteurs et lectrices auront certainement une pensée pour le lac du Guerlédan avec lequel l’histoire a commencé.