Les Beaux jours d’Aranjuez de Wim Wenders, la matière du désir

Pour son vingt-troisième long-métrage, Wim Wenders renoue avec la prose de Peter Handke. Nous sommes tout de même assez loin de L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty réalisé en 1972. Bien que les questions du désir, de la création et de l’image soient, quel que soit le traitement ou la forme, toujours prégnantes.

Wim WendersLe synopsis ? On le trouve un peu partout et tout le monde vous le dira : Un jardin, un beau jour d’été, une douce brise, une femme et un homme sur la terrasse, sous une pergola fleurie bavardent… Mais sont-ils là ? Vraiment ? Ne sont-ils pas simplement le fruit de l’imagination créatrice au travail de l’écrivain assis dans la maison et qui regarde par la fenêtre. À moins que ce ne soit lui l’être imaginaire, le prétexte à l’échange de l’homme et de la femme ?

Seule la beauté ouverte et qui ouvre est beauté (P. Handke)

Bref, le personnage c’est avant tout le beau texte de Handke. Le reste, et c’est le tour de force de Wim Wenders, semble émaner de ce texte, seulement pour lui, pour la suite d’instants où ce texte se laisse exhaler par les bouches et les corps des comédiens. Les musiques du superbe juke box Wurlitzer, Paris au loin, le jardin magnifique, ne constituent pas la scène où l’écrin du texte, ils viennent à l’existence pour lui, pour la durée atemporelle de cette douce journée d’été.

Wim Wenders

Les mouvements souples et gracieux de la caméra même et surtout lors des rares silences sont les tissages par le texte de sa réalité. Ils sont les voies que Wenders a offert au texte. La mise en scène, épure chorégraphique, les accessoires, la pomme symbolique, les lumières sont les voies que Wenders a donné au dialogue dans toute son ampleur. La joie grave et précieuse du texte se concentre dans le jeu fin et plein de justesse de Reda Kateb et Sophie Semin.

Wim WendersCette logique dialogique englobe tout, sans rien enfermer comme les admirables panoramiques du début du film. À l’instar des cercles de sorcières évoqués à la presque fin, elle fait croître selon un cheminement plus riche que celle de la ligne droite. Il en va ainsi des échanges entre l’homme et la femme, l’un questionne l’autre répond, mais la question n’est qu’un prétexte il interrompt, digresse, divague, elle poursuit, développe. On en retire une sensation de deux monologues, on peine à trouver la convergence. Pourtant dans la magie de l’instant étiré c’est la poésie qui parle, c’est la parole qui vit, libérée de la contrainte pesante des jours ordinaires. C’est elle la parole créatrice, émise et reçue, qui fait vivre, qui fait voir, ressentir ce qui sans elle serait à jamais perdu, mais qui, par elle, jamais n’est vraiment fini : que sait-on de ce qui sommeille au plus profond du temps.

Les Beaux jours d’Aranjuez un film de Wim Wenders avec Reda Kateb, Sophie Semin, Jens Harzer
SORTIE LE 9 NOVEMBRE 2016

SCÉNARIO
Wim WENDERS d’après la pièce de théâtre originale de Peter HANDKE

RÉALISATION
Wim WENDERS

Avec
Reda Kateb
Sophie Semin
Jens Harzer
Nick Cave (Performance spéciale)
Alfama Films Production et Neue Road Movies
en association avec Leopardo Filmes
Avec la participation du CNC, FFA, Medienboard, Film- und Medienstiftung NRW, Radio-Télévision du Portugal
Costumes : Judy Shrewsbury
Montage : Béatrice Babin
Décors : Virginie Hernvann
Directeur de la photographie : Benoît Debie
Directrice de la Stéréographie : Joséphine Derobe
Son : Pierre Tucat, Ansgar Frerich
Direction de Production : Thierry Cretagne
Superviseur production & post-production (France) : Raoul Peruzzi
Superviseur production (Allemagne) : Martina Hedwig
Superviseur post-production (Allemagne) : Andreas Schellenberg
Produit par Paulo Branco et Gian-Piero Ringel
Scénario : Wim Wenders
d’après le texte de Peter Handke

LES BEAUX JOURS D’ARANJUEZ de Wim Wenders sera en compétition à la 73ème Mostra Internationale de Venise.

Article précédentSomatographie, le Pole Art.Santé présente le curieux dispositif de Richard Louvet
Article suivantVéronique Martin présente son atelier d’art au Carré VIP
Thierry Jolif
La culture est une guerre contre le nivellement universel que représente la mort (P. Florensky) Journaliste, essayiste, musicien, a entre autres collaboré avec Alan Stivell à l'ouvrage "Sur la route des plus belles légendes celtes" (Arthaud, 2013) thierry.jolif [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici