Saint-Goazec. Bertrand Gadenne réfléchit ses images au château de Trévarez

L’exposition Les Images réfléchies de Bertrand Gadenne a ouvert ses portes au château de Trévarez, à Saint-Goazec dans le Finistère, le 29 avril 2023. Invité dans le cadre du cycle Regard d’artiste, le vidéaste et photographe français s’est approprié l’espace du domaine et son environnement pour tisser un conte entre rêve et réalité à découvrir jusqu’au 8 octobre 2023.

Le château de Trévarez donne, depuis 2011, carte blanche à un artiste contemporain afin qu’il s’empare des lieux avec des œuvres en cohérence avec l’histoire, l’architecture et l’environnement du domaine. Cette douzième édition ne fait pas exception avec le photographe et vidéaste Bertrand Gadenne. À la fois mini-rétrospective qui donne à voir des œuvres anciennes et prolongement de sa pratique artistique avec des plus récentes, l’exposition Les Images réfléchies apporte un nouveau regard d’artiste, une nouvelle immersion au cœur de Trévarez pour nous faire redécouvrir ce patrimoine.

bertrand gadenne trévarez
Hibou, 2005

« Je suis intéressé par ces bêtes qui nous accompagnent depuis des siècles », a dit Bertrand Gadenne. Depuis 30 ans, l’artiste s’intéresse à notre représentation symbolique de la nature qu’il décontextualise par le biais de la vidéo et de la photographie, médiums grâce auxquels il développe un traitement de l’image singulier, et joue avec les échelles avec un grand savoir-faire. Ainsi, son sujet de prédilection est somme toute simple : la faune et la flore. Des œuvres poétiques naissent de cette inspiration, un bestiaire sauvage luminescent qui flirte constamment entre le rêve et la réalité pour parler, au final, du temps qui passe. « Ses œuvres sont à lire comme des vanités », introduit Noélie Blanc-Garin, chargée des expositions et notre guide dans cette visite.

Pour cet amoureux de la nature, il va s’en dire que le domaine de Trévarez a été un véritable terrain de jeu… Le somptueux jardin fut le point de départ d’une série photographique en adéquation avec le lieu qui abrite aujourd’hui l’exposition. Mais commençons par les écuries qui logent des œuvres plus anciennes. Dans la pénombre des enclos, des projections et des vidéos mettent en scène des animaux sauvages dans les différents enclos habités autrefois par des chevaux. Tous sont une référence à des motifs dispersés ici et là sur le domaine de Trévarez : le Cerf est un clin d’œil à la tête de cerf qui se trouve au château ; le Hibou, une de ses œuvres plus connues datant de 2005, renvoie au hululement que Bertrand Gadenne a pu entendre ; et l’Écrevisse (2016), en référence aux deux écrevisses posées dans un bassin.

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Cerf, 2023, Bertrand Gadenne, Domaine de Trévarez

Dans une des salles, une ouverture sur un autre monde laisse apercevoir un renard qui va et vient, comme s’il cherchait une porte de sortie. « C’est un peu comme le mythe de la Caverne de Platon », déclare Noélie Blanc-Garin, chargée des expositions à Trévarez. « L’artiste nous interroge à chaque fois sur ce qui est de l’ordre du réel et ce qui est de l’ordre du rêve », car au final tout n’est que songe et image. Entre hypnotisation et interrogation, le public peut se demander ce que fait cet animal en dehors de son environnement naturel, car sorti de son environnement, l’animal ne peut vivre. Ainsi par son travail de décontextualisation, Bertrand Gadenne ne déshumanise-t-il pas ses sujets ? « Ce n’est pas tant la personnalité de l’animal qui l’intéresse que sa catégorie. » Mais dans cette décontextualisation, l’artiste sollicite aussi notre imaginaire, nos connaissances occidentales et souhaite raconter une histoire, mais laisse libre notre interprétation. « Il nous donne des personnages, à nous de créer l’histoire », précise la chargée des expositions. « Ça peut être un rêve comme un cauchemar, selon ce qu’on apporte de cultures et de connaissances qui changent la nature de cette histoire. »

La visite des écuries se termine par une œuvre plus singulière, un animal qui n’est pourtant pas identifié comme tel pour tout un chacun : l’humain. Mais, après tout, « nous, les êtres humains, on fait partie des animaux », pour reprendre les mots de Bertrand Gadennne, alors pourquoi n’aurions-nous pas notre place dans l’exposition ?

bertrand gadenne

La promenade artistique se poursuit à l’intérieur du château, après avoir traversé le jardin, l’environnement qui a inspiré le photographe pour ses portraits de la flore locale. De grandes photographies sur fond noir habitent les murs en pierre. « Il veut aussi, par l’intermédiaire de ses œuvres, inciter à sauvegarder cette part de fragilité que l’on retrouve dans les règnes végétal et animal. »

Pour cette série, l’artiste a collecté des branches dans le parc (branches mortes recouvertes de mousses et lichens) dans le but de redessiner un branchage. Ces œuvres évoquent autant les « grotesques », motifs d’ornementation inspirés par le végétal, qu’elles rappellent les planches botaniques de la fin du XIXe siècle, plantes dessinées et retirées de leur contexte naturel pour créer des inventaires. Mais peut-être est-ce là l’imagination qui parle ? D’autres y verront un héritage puisqu’il est de tradition courante dans l’histoire de l’art d’insuffler à la nature une forme, à l’instar des lettrines que l’on retrouve dans les manuscrits du Moyen Âge. Le travail de Bertrand Gadenne, c’est cela, une multitude de références, au service d’un propos qui laisse parler notre imaginaire collectif ou individuel.

Dans cette continuité, la série de photographies des hydrangeas, au premier étage, est autant un nouveau clin d’œil aux fresques florales qui habitent les lieux qu’une référence à Andy Warhol et ses fleurs sérigraphiées. « Il y a aussi une notion très importante dans l’œuvre de Bertrand Gardenne, qui est visible ici mais encore plus dans les photographies au château, c’est qu’il s’en dégage une certaine esthétique », une beauté qui s’épanouit dans l’obscurité, omniprésente dans son travail. Elle est nécessaire à une projection vidéo et loge dans l’arrière-plan des photographies. Elle est ce qui met en lumière l’image voulue par l’artiste. « J’ai besoin de faire obscurité pour y voir plus clair », confiait l’artiste dans un entretien publié dans le petit journal de la Maison des arts de Chailloux et daté de juillet 1997. On repense alors aux écuries, à l’ouverture par laquelle nous apercevions le renard et nous pouvions écrire notre histoire. « L’obscurité est la porte d’entrée vers la fiction », pour reprendre les mots de Stéphane Carrayrou, auteur de « Faire l’obscurité pour y voir plus clair. Contemporanéité de l’œuvre de Bertrand Gardenne », dans le catalogue d’exposition.

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Comme l’avait écrit l’ancien directeur général Philippe Iffry dans le projet culturel du château de Trévarez : « Quoi de mieux que de faire intervenir un artiste contemporain pour nous re-révéler cette part de modernité qu’ont ces bâtiments à Trévarez ». Avec le cycle Regard d’artiste, l’équipe du château de Trévarez s’attache à prolonger cette tradition initiée au début du XXe siècle, l’époque durant laquelle des artistes sont intervenus dans le lieu. Bertrand Gadenne est un de ces artistes d’aujourd’hui qui permet une nouvelle lecture de la nature de Trévarez, poétique et réfléchie.

Infos pratiques :

Les Images réfléchies de Bertrand Gadenne, du 29 au 8 octobre 2023

Domaine de Trévarez, 29520 Saint-Goazec

0298268279 – domaine.trevarez@cdp29.fr

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