Anima (ex) musica est la nouvelle exposition à découvrir aux Champs libres de Rennes. Du 14 avril au 3 septembre 2023, la salle Anita Conti devient le refuge du bestiaire utopique et musical du collectif Tout reste à faire, qui réunit aujourd’hui quatorze spécimens, insectes et arachnides confondus. Au fil de votre promenade, vous en reconnaîtrez peut-être certains, mais d’autres sont présentés pour la première fois à Rennes… (english translation below)
Anima(ex)musica est la nouvelle exposition présentée aux Champs libres en ce début de printemps, dans la continuité d. Du 14 avril au 3 septembre 2023, la salle Anita Conti abritera le bestiaire mystérieux et extraordinaire du collectif Tout reste à faire, composé de Mathias Desailly, Vincent Gadras et David Chalmin. Pour la première fois invité dans un lieu vide à investir totalement, le trio propose de redécouvrir les membres de leur collection mécanisée et de rencontrer les nouveaux venus de cette famille d’arthropodes grandeur nature, fabriquée à partir d’instruments de musique en fin de vie. L’exposition s’inscrit dans la recherche du croisement entre art et sciences que les Champs libres développe dans sa programmation.
Depuis son séjour à l’hôtel Pasteur de Rennes en 2016, le bestiaire du collectif s’est agrandi. Les six créatures à pattes patinées, ailes mécanisées et corps vernis découvertes dans l’ancienne faculté des sciences ont été rejointes par huit nouvelles espèces. « Le monde des insectes est un monde souterrain. Ils vivent pour la plupart dans des galeries, en sous-sol », introduit l’artiste Mathieu Desailly. C’est ainsi qu’a été pensée la scénographie de l’exposition Anima(ex)musica, en écho à la vie qui existe sous nos pieds.
Après avoir lu les principales informations et passé le sas d’entrée, le public entrera dans un univers mélodieux étrange aux allures d’alvéole d’abeilles. Tout reste à faire souhaite laisser parler l’imagination de ceux et celles qui franchissent le seuil d’entrée. Plongé dans la demi-obscurité, bercé par un son changeant, le public est invité à rencontrer ces petites bêtes que nous côtoyons sans vraiment les apercevoir. Leur taille l’absorbe dans l’univers surdimensionné d’un monde qui est originellement infiniment petit. Pour une fois, face à ces bestioles, nous redevenons petits, « voire un peu candides ».
Les sens en éveil, le public est accueilli par une araignée construite à partir de six instruments – une mandoline, un ukulélé, des étouffoirs de piano pour les mandibules et les articulations, le haut d’un cordier de guitare pour les yeux, des pieds de synthétiseurs pour les pieds et des pistons de trompettes pour les extrémités. Récupérés dans les conservatoires de musique, auprès des particuliers ou sur Le Bon Coin, les instruments inutilisables deviennent la matière première de créations tant mystérieuses que poétiques, légèrement mécanisées, à l’instar de cette aranéide. La créature à huit pattes se meut lentement, de haut en bas, et nous plonge dans cette aventure au cœur d’une ruche.
L’histoire a commencé il y a dix ans. Le plasticien et graphiste Mathieu Desailly, créateur de chimères, empruntait déjà aux mondes mécanique et instrumental avant de se rapprocher du scénographe et constructeur Vincent Gadras. Le premier pense et dessine l’objet en partant d’instruments défraîchis, le second apporte ses compétences techniques. Il trouve le moyen d’assembler les matériaux ensemble afin de construire la bête dont la fabrication nécessite parfois jusqu’à 17 instruments. « L’idée n’est pas de créer des automates, mais plutôt de redonner vie à des instruments et de créer un trouble en faisant bouger quelques éléments », renseigne Mathieu. « L’autre trouble vient de l’aspect sonore. »
Et pour le créer, le compositeur et producteur Damien Chalmin compose des musiques qui donnent une substance nouvelle à ces insectes de bois et de métal. Les mélodies s’accordent avec les instruments utilisés dans leur fabrication ou avec les animaux eux-mêmes. « La sauterelle a une partition clarinette et violon, ce qui donne une musique très printanière, presque florale j’ai envie de dire. On a une impression de sautillement », estime Mathieu. La musique peut aussi renforcer le côté mystérieux de certaines espèces comme les araignées. « Il travaille sur des musiques quasi hitchcockiennes pour donner une dimension perturbatrice. »
La collaboration donne ainsi naissance à une œuvre inconnue, unique et partageable. Le plaisir évident de création et de transmission des artistes se communique largement aux spectateurs. Quatorze spécimens sont accueillis dans la salle Anita Conti, mais pour autant tout reste à faire, et les inspirations ne manqueront pas : « Si on sort du continent européen, les instruments sont un sujet très vaste. C’est la même chose pour les arthropodes, qui comptent plus de trois millions d’espèces », précise-t-il. Le trio s’inscrit dans l’inspiration du Vivant, que ce soit le monde végétal ou animal, qui nourrit l’histoire des arts depuis des siècles, à l’instar des colonnes grecques doriques et corinthiennes qui reprennent les motifs végétaux.
Aux chimères Mathieu Desailly préfère se référer à une bête réelle, tout en se laissant une liberté créative. « Comme le matériau est instrumental, la séparation est inévitable. Il reprendra ses droits et, de par son époque, donnera un design à la création. » L’aspect artistique prend le pas dans la recherche de belles courbes, de belles formes ou de belles compositions. « Si on voulait rester dans la représentation fidèle du méloé (arthropode), les antennes seraient beaucoup plus proches de ses six pattes », donne-t-il comme exemple. Utilisant massivement la batterie comme élément de décor, l’artiste a choisi d’utiliser deux baguettes de batterie, comme un appel à s’en saisir pour jouer quelques notes sous l’installation suspendue dans les airs, sur l’un des trois dispositifs interactifs mis en place.
Dans cette alvéole rappelant un cabinet de curiosités, chaque animal bouge lentement, des mouvements quasi imperceptibles qui révèlent le fonctionnement de survie de certains spécimens. « La fuite ou l’immobilité sont les deux méthodes de survie des arthropodes. C’est parce qu’ils ne bougent pas qu’ils ne sont pas mangés par les prédateurs. »
Aux côtés des aînés, de nouveaux spécimens sont à découvrir pour la première fois exposés à Rennes, comme ce phasme majestueux et délicat. Construit principalement à partir d’accordéons, l’insecte néoptère déploie ses ailes ornées des décors qui cachent la soufflerie de l’instrument à vent. « Nous avons toujours exprimé le souhait de fabriquer une forêt utopique et, qu’au hasard d’une promenade, on rencontre tel ou tel individu. » Au détour d’un couloir, à travers une des fenêtres percées dans les cimaises, le public perdra certainement ses repères, mais s’il est curieux il pourra découvrir les refuges de l’oxynopterus, de la nephila pilipes et du megapomponia.
Ces petites bêtes indiffèrent parfois, effraient souvent, mais font partie de l’équilibre de la biodiversité. Outre les mondes inconnus de l’entomologie et de l’organologie (étude des instruments) que le trio souhaite rendre visible, leur pratique rejoint ainsi des problématiques actuelles, comme le danger d’extinction de ces insectes et la nécessité de réutiliser et de recycler des matériaux pour éviter l’accumulation de déchets.
La méconnaissance de la création étant le troisième axe de travail du collectif, ce dernier terminera une nouvelle création pendant l’exposition. Ainsi, le grillon champêtre commencé au domaine de la Roche Jagu émergera au sein des Champs libres. Le collectif Anima(ex)musica sera en résidence pendant trois semaines, étalées sur trois mois, pour donner à voir le processus de création : les blocages, les ratés et les solutions.
La forêt de Tout reste à faire est loin d’être achevée. De retour du Sénégal, le collectif ramène dans ses valises de nouveaux instruments, principalement balafons et koras, et compte bien y retourner pour construire leurs nouveaux spécimens sur place. Mais pour l’instant, comme une formule magique qui transporte dans un monde fantastique, Anima(ex)musica invite à écouter la musicalité de l’animal et à admirer la beauté des instruments. Cette exposition se tiendra du 14 avril au 3 septembre 2023 dans la salle Anita Conti et l’entrée est libre et gratuite.
Champs libres, cours des Alliés, 35 000 Rennes
Anima (ex) Musica is a new exhibition at Les Champs Libres in Rennes that will run from April 14th to September 3rd, 2023. The exhibit features a utopian and musical bestiary created by the collective Tout reste à faire. The exhibit showcases the creatures made from discarded musical instruments by artists Mathias Desailly, Vincent Gadras, and David Chalmin. The collection features a variety of insect and arachnid species, some of which have never been seen before in Rennes.
The exhibit’s name, Anima (ex) Musica, is a play on words, combining the Latin terms for soul and music. The exhibit showcases the collection of the Tout reste à faire collective, which has grown since their stay at the Hotel Pasteur in Rennes in 2016. The exhibition is displayed in the Anita Conti room, which has been transformed into a refuge for the creatures, and visitors are invited to rediscover the mechanical members of the collection and meet the new arrivals.
The exhibit is designed to mimic the underground world of insects, with the creatures displayed in a dimly lit space that encourages visitors to use their imaginations. Visitors will encounter a spider constructed from six instruments, including a mandolin, ukulele, piano mufflers for the mandibles and joints, and a guitar bow for the eyes. The creature slowly moves up and down, immersing visitors in the world of the exhibit.
The idea for the exhibit originated ten years ago when artist Mathieu Desailly, known for his chimeras, began incorporating mechanical and instrumental elements into his creations. Desailly then teamed up with scenographer and builder Vincent Gadras to bring his visions to life. Together, they transform discarded instruments into poetic and mysterious creations that are slightly mechanized.
Composer and producer Damien Chalmin adds an extra dimension to the exhibit by creating music that complements the creatures’ movements and instruments used to create them. The music varies from cheerful and spring-like for creatures like the grasshopper to mysterious and eerie for creatures like the spiders.
Overall, Anima (ex) Musica promises to be an immersive and thought-provoking exhibition that explores the intersection between art, music, and nature.