La Première Guerre mondiale a mobilisé 74 millions de soldats dans le monde. L’ouvrage de l’historien Eric Baratay, intitulé Bêtes des tranchées – Des vécus oubliés, rappelle que les animaux ont participé eux aussi, en masse, à ce conflit mondial : 11 millions d’équidés, mais aussi des chiens, des pigeons ont été enrôlés, ont souffert, sont morts, durant la Grande Guerre…
Eric Baratay consacre son dernier livre à ces animaux enrôlés, projetés dans la grande guerre, car malgré les récits des combattants de tous bords qui ont largement évoqué ces compagnons de guerre qu’ont été les animaux, ces derniers ont hélas été oubliés ! Eric Baratay a souhaité rétablir cet oubli et son livre invite le lecteur à retrouver tous ces animaux qui ont vécu la guerre, de manière à restituer leurs vécus, leurs actions, leurs coopérations, leurs résistances, leurs souffrances et leurs destins au cours de la guerre. L’ouvrage permet de mieux comprendre les attitudes et les sentiments des soldats. L’auteur invite le lecteur à suivre l’itinéraire de ces bêtes des tranchées, de leur enrôlement à leur sortie de guerre, dans un panorama international des deux côtés du front ouest.
Bêtes des tranchés, ce sont 350 pages qui traitent de la participation de la race animale aux côtés des humains au cours de la Première Guerre mondiale. 11 millions d’équidés, des chevaux mais aussi des ânes et des mules qui ont tiré, porté ; 100 000 chiens qui ont guetté, secouru ; 200 000 pigeons voyageurs qui ont informé et renseigné ; ils ont tous accompli un travail utile et indispensable dans l’enfer des combats. Ils ont vécu les mêmes peurs, les mêmes souffrances et le même destin que leurs compagnons humains.
Les tranchées abritaient aussi des milliers d’animaux domestiques ou de ferme errants, souvent abandonnés par les populations de civils en fuite : des chats, des chiens qui ont été gardés et choyés par les combattants. Ils ont fréquemment aidé les soldats à occuper leur temps, à les réconforter et à survivre dans l’enfer.
Il y avait également des animaux sauvages coincés au milieu du front, sans oublier les rats, les poux et les mouches attirés par l’aubaine.
Portrait
Eric Baratay est un historien français, spécialisé dans l’histoire des relations hommes animaux et principalement du XVIe au XVIIIe siècle et de l’époque contemporaine : XIXe, XXe et XXIe siècle.
Eric Baratay, né en 1960, est agrégé d’histoire, diplômé en 1984 et docteur en histoire depuis 1991, spécialiste de l’histoire des animaux, le choix de sa thèse. Dans les années 1980, travailler sur les animaux demeure un domaine très réduit ! Entre 1994 et 2001, il est maître de conférences à l’université Lyon-III. Il passe ensuite une habilitation à diriger des recherches en 1998, et devient professeur d’histoire contemporaine dans la même université.
Spécialiste de l’histoire de l’animal, il a publié : La Corrida en 1995 ; L’Église et l’animal en 1996 ; Zoo, histoire des jardins zoologiques en 1998 ; Et l’homme créa l’animal : Histoire d’une condition, en 2003 ; Les animaux dans l’Histoire, en 2007. Depuis le début des années 2000, L’historien travaille sur les vécus et les points de vue afin de bâtir une histoire animale des animaux. Il a pour objectif de montrer que les animaux sont des acteurs importants qui influencent l’histoire des hommes et qu’ils ont aussi une histoire personnelle. Pour la retracer, Eric Baratay se place de leur côté pour comprendre leurs situations, leurs comportements, leurs réactions. Ces approches exigent une redéfinition de l’histoire, de ses problématiques, de ses méthodes et de ses écritures ; il s’agit d’un croisement avec d’autres sciences, une révision des concepts utilisés de manière à bâtir une ethno-histoire animale…
En 2017, Éric Baratay propose des tentatives inédites de biographies animales, des récits de vie ou de fragments de vie construites à partir des ressentis, des perceptions et du vécu des bêtes : la girafe du Jardin des plantes ; l’ânesse de Stevenson Modestine ; Warrior, un cheval engagé dans la Première Guerre mondiale ; le taureau Islero qui causa la mort du célèbre matador espagnol Manolete, etc.
Les animaux dans la Grande Guerre
Les chevaux, affectés au transport et aux activités de corvée et à la cavalerie, ont payé le plus lourd tribut : un million d’entre eux y ont trouvé la mort, décimés par l’artillerie ou par les attaques chimiques, morts de faim ou de maladie.
Les mules et les ânes acheminaient le courrier, le ravitaillement, les vivres et la popote aux soldats, les armes et les munitions ; ils portaient les matériaux, pour construire ou réparer les tranchées et les cagnas, jusqu’à 40 ou 50 kilos chacun. Ils ramenaient aussi les blessés vers l’arrière du front, sauvant ainsi de nombreuses vies humaines.
Les chiens ont joué un rôle militaire important dans la plupart des armées européennes. Ils servaient dans une variété de tâches : les chiens tiraient les mitrailleuses et les chariots de ravitaillement, servaient de messagers en délivrant leurs missives sous une grêle de feu. La grande majorité d’entre eux étaient éduqués pour retrouver les blessés sur les champs de bataille
Les pigeons étaient utilisés comme agent de liaison. Ils remplaçaient le téléphone, le télégraphe ou l’estafette, lorsque ces moyens de communication étaient indisponibles. Les pigeons voyageurs ont été des auxiliaires militaires précieux pour la transmission des renseignements, car ils étaient rapides et discrets, revenant toujours aux mêmes endroits
Les chats, auxquels s’attachaient les combattants, les apaisaient quand ils sollicitaient des caresses ou de la nourriture. Dans les tranchées, ils deviennent les mascottes d’un groupe de soldats. Ils sont aussi utilisés sur le front pour détecter les gaz toxiques.
Les rats et les poux tourmentaient les soldats jour et nuit. Des rats énormes étaient attirés par la nourriture, les déchets des armées et les cadavres. Ils contribuaient à répandre des maladies. Les rats prolifèraient dans les tranchées et les soldats organisaient des chasses pour les capturer. Les poux et la vermine étaient responsables de démangeaisons, de fièvre, de maux de tête et de douleurs musculaires.
C’est au début des années 2000 que les animaux reçoivent un hommage digne de ce nom avec d’une part l’inauguration du Mémorial aux animaux morts pendant les guerres de Couin dans la Somme et d’autre part celle de l’Animal in War Memorial de Londres
Infos pratiques
Bêtes des tranchées – Des vécus oubliés : de l’historien Eric Baratay
parution du 14 septembre 2017 et réédité en février 2025 par CNRS Editions